-• ᴄʜᴀᴘᴛᴇʀ 15

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Le lendemain, de retour au boulot, malgré une bonne nuit de sommeil je sens que je ne suis pas apte à affronter une nouvelle journée. Ce n'est pas ma crise qui me fatigue, quoique le fait que ça faisait tellement longtemps que je n'en avais pas fait une, mon corps doit se réhabituer à l'état « post-crise d'angoisse ». Ce qui me tracasse c'est mes pensées multipliées fois mille car j'ai rendu quelqu'un que je ne pensais pas être attaché autant, je l'ai rendu inquiet pour moi. Me revoilà égoïste à ne penser qu'à ma petite personne et oublier que les gens autour de moi doivent se poser, tout comme moi, des milliers de questions sur mon état.
J'ai l'impression d'être, pendant un court instant, remontée à la surface puis de nouveau redescendue dans mes travers, mes bêtises, mes erreurs et mes démons qui reviennent prendre contrôle de moi.
Le service de ce soir m'a fait ressentir que je ne verrais jamais la fin de celui-ci. Mon corps était présent, ma tête était absente. Je donne de faux-sourires aux clients car c'est tout ce que je peux leur donner.
Ce soir, j'ai juste essayé de m'accrocher du mieux que j'ai pu pour ne pas craquer en plein milieu du restaurant.
***
Je desserre mon tablier de serveuse autour de ma taille et viens le ranger dans mon casier, je ne fais attention à rien, je suis dans mon petit monde et la hâte d'être dans mon appartement seule ne fait que grandir. En remettant mon haut que j'avais en venant ici avant de me changer pour ma chemise d'uniforme, j'attends que l'on frappe à la porte. Rosalie entre alors. Je la questionne du regard et je constate qu'un sourire amusé se dessine sur son visage :
« Finis de t'habiller et part vite. Je finirai de ranger de mon côté »
Je trouve sa phrase assez bizarre, nous avons toujours eu l'habitude de ranger et de partir ensemble.
Je fronce mes sourcils et ricane avant de lui parler :
« Qu'est-ce que tu racontes? Je vais finir avec toi comme d'habitude »
En finissant ma phrase, je baisse le regard pour ranger mon uniforme dans mon casier pour qu'il soit prêt demain.
Le rire de Rosalie se fait résonner dans les vestiaires avant qu'elle n'ajoute
« Votre cavalier vous attends mademoiselle »
Je me fige sur place, comment ça « cavalier » ? Mes yeux se dirigent directement vers elle, son sourire taquin ne l'a pas quitté, puis elle se déplace sur le côté pour ouvrir en grand la lourde porte de l'endroit où toutes les serveuses se changent.
J'ai l'impression de rêver. Devant la porte d'entrée du restaurant se dessine sa silhouette, les mains dans les poches, et par la fraîcheur du printemps, il est vêtu de son sweat violet à capuche que je commence à connaître par cœur. Le souvenir me vient en tête comme une flèche dans sa cible. Durant nos nombreuses sorties nocturnes sur le parking, en lui parlant de là où je travaillais, je lui avais donné le nom et l'adresse du restaurant. Mais cela sans l'intention qu'il y viendrait, et encore moins après mes services.
J'ai dû rester figée longtemps pour que ça soit Rosalie qui vienne me secouer du bras en me disant;
« Allez, va. Ne le laisse pas attendre. Je peux finir seule ne t'inquiètes pas »
Elle me sert son sourire le plus doux et me tire du bras légèrement pour que je quitte le vestiaire et me dirige vers la porte d'entrée.
Je manque de trébucher en sortant de la pièce, et me dirige lentement vers cette grande porte, plus je me rapproche plus mon cœur ne cesse de s'accélérer, je ne sais pas ce qui se passe à l'intérieur de moi. Trop d'émotions traversent mon esprit, je suis à la fois contente de le voir mais à la fois mes pensées qui ont occupé la plus grande partie de ma soirée ne cesse de revenir au galop : je ne veux pas le détruire en le laissant me guérir.
La sonnette au-dessus de la porte fait remarquer ma présence, je le vois se tourner vers moi et m'offrant le plus doux sourire. Sourire pour lequel je serai prête à me battre pour pas qu'il disparaisse
« Hey Sélina ! »
A ses mots, il s'approche de moi et me fait une accolade avec l'un de ses bras. Je ferme les yeux au moment où je ressens le réconfort que ses bras m'apportent. En se décalant de moi pour reprendre sa position initiale, je lui offre un sourire.
« Qu'est-ce que tu fais ici ? »
Lui demandai-je en le regardant dans les yeux. Sa réponse viendra m'avoir offert un doux ricanement.
« Ses derniers jours n'ont pas été les plus joyeux pour toi.»
En marquant un temps, sa main droite vient caresser le haut de ma tête, puis il enchaîne
« On va à notre endroit ? »
Notre endroit... c'est devenu le surnom pour ce grand parking oùil m'a amené pour me montrer la nuit qui ne s'arrête jamais. Cet endroit qui est devenu le nôtre, il me le partage depuis que j'ai fait la découverte de ce lieu si réconfortant. C'était son endroit et maintenant c'est devenu le nôtre. Nous partageons aujourd'hui quelque chose et la barrière de « simples connaissances » n'existe plus.
Je lui donne un sourire en guise de réponse. Il acquiesce pour ensuite venir me prendre par la main et la tirer vers lui en direction de sa voiture qui nous attendait depuis.
Le trajet en voiture est calme, la nuit est douce, il ressent la fatigue de mes heures de boulot au restaurant donc il n'ose venir me bousculer avec des mots en l'air. Il me laisse un moment de tranquillité pour souffler un bon coup.
La nuit vient nous enlacer encore une fois cette nuit-là, comme elle le fait bien pour les autres nuits quand nous nous retrouvons à notre endroit. Les étoiles brillent pour nous éclairer sur notre chemin et la lune vient nous rendre visite pour nous saupoudrer sa lumière douce.
Une fois arrivée, comme à son habitude c'est lui qui vient ouvrir ma portière et me tends la main pour m'aider à sortir. Je le laisse refermer la portière derrière moi, je viens me caler contre celle-ci et nos mains sont toujours en contact. Je reprends mon souffle à l'aide du toujours et même paysage qui vient m'apaiser. J'ai l'impression qu'il ne brille que pour moi, qu'il me propose ses plus belles lumières à chaque fois que je viens ici pour venir prendre une pause dans ce monde qui va plus vite que moi. Naturellement, ma tête vient se poser contre l'épaule de Changkyun qui ne quitte jamais sa place à côté de moi, je le sens se relâcher une fois que nous avons ce contact physique. De longues minutes sans que nous parlions, c'est juste nous, les astres, nos corps qui se laissent se réconforter et le silence de la nuit qui nous berce.
Malgré tout, une pensée n'arrive pas à quitter ma tête depuis la veille où j'ai su qu'il était resté dormir chez moi après ma crise. Sans quitter du regard le paysage, je viens lui poser cette question :
« Pourquoi tu pars pas Changkyun ? »
Sa première réaction a été de me regarder directement à la fin de cette question et de me donner un « hum ? » en réponse.
Je me redresse un petit peu, puis mes yeux se posent sur lui alors qu'il me regarde depuis un moment.
« Pourquoi tu ne pars pas ? Pourquoi es-tu resté hier soir ? Pourquoi tu restes encore même en ayant vu une facette de moi qui n'était pas des plus jolies »
Ses fossettes sont les premières à vouloir m'accorder une réponse, puis il finit par se redresser également sans quitter mon visage du regard.
« Je ne suis pas parti parce que j'avais peur. Peur que tu fasses une autre crise et que je ne puisse pas être là pour t'aider à la calmer »
Mon visage se décompose et forme une moue triste.
Une de ses mains vient caresser le côté de ma joue. Il prend une grande aspiration avant d'enchaîner.
« Je reste parce que...parce qu'à une époque beaucoup de gens m'abandonnaient alors qu'ils ne voyaient qu'une seule et unique face de moi. Je ne veux pas que tu ai à subir ça. »
Doucement, il se décolle de sa voiture et vient se poser devant moi. Son regard est le même et je me perds dedans. Ses traits sont froids mais ses yeux sont remplis d'une lueur tellement douce et réchauffante. Je ne prends pas en compte qu'il vient de saisir mes mains dans les siennes, nos doigts s'entrelacent entre eux comme si cela était devenu une habitude de ressentir le contact physique de l'autre. Il vient doucement caresser le dos de mes paumes à l'aide de ses pouces, pendant de longues secondes, ce n'est que lui, moi et nos mains ensembles. Puis il vient remettre une mèche de cheveux qui était tombée devant mes yeux, dans son geste sa main vient se glisser le long de ma tempe pour finir de prendre place sur ma joue. Sa main est chaude contre ma joue, et j'ai l'impression d'être une bougie qui est en train de fondre sur place.
« Demande moi de partir et je le ferai. Demande-moi de rester et je le ferai »
Ses mots viennent me toucher comme des fléchettes. Mon cerveau lui demandera de partir car il ne veut pas l'entraîner dans les catacombes. Mais mon cœur cri qu'il a encore besoin de lui.
Timidement, je lui offre un sourire. Puis il vient me prendre dans ses bras. Je n'étais pas prête à ce geste même si j'y ai déjà goûté auparavant mais là je ne suis plus en état de faiblesse, je suis consciente de ce qu'il se passe mais bizarrement la sensation reste la même que lorsque j'ai fait ma crise. Je viens de même refermer mes bras et me laisser porter dans son étreinte, ma tête vient se poser contre sa poitrine et lui qui vient encore plus serrer ses bras contre moi. J'entends son cœur battre à travers ses vêtements et cela devient comme une douce mélodie à mes oreilles, je me laisse porter, je me laisse profiter de cet instant de douceur que l'univers à la sagesse de m'accorder. C'est à ce moment-là que je réalise quelque chose, même si cette réalisation est encore floue, mais ce câlin n'est pas là pour rien. Ce n'est pas anodin que je me sente aussi bien au moment où il me prend dans ses bras, est-ce que j'ai trouvé mon havre de paix ? Mon bouclier ? L'endroit où toutes mes pensées s'effacent et je ne ressens que lui qui vient me couvrir entièrement dans ses bras.
Dans un geste lent, il se décolle de moi mais il a toujours ses bras autour de moi. Sa tête qui était auparavant dans le creux de mon cou, se retrouve maintenant collée à mon front. Quelque chose vient s'installer, une ambiance bien plus pesante qu'il y a quelques secondes. Nos regards se fixent, nos âmes se réclament, nous avons tous les deux envie de ce geste qui nous ronge de l'intérieur : briser le dernier espacement de vide qui nous sépare...
...mais personne ne bouge. La peur que ce geste nous soit interdit est bien trop présente. Et nous restons là, à nous fixer, l'envie qui grandit de plus en plus mais est bloquée par la peur que ce malheureux petit geste pourrait nous apporter.

[by Cath']

𝙀𝙖𝙘𝙝 𝙊𝙩𝙝𝙚𝙧'𝙨 𝙑𝙞𝙘𝙩𝙞𝙢𝙨. Where stories live. Discover now