Chapitre 7 : Ayden

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Ayden fixa son téléphone en soupirant. Steven lui avait envoyé un message au beau milieu de la nuit pour le prévenir qu'il avait trouvé des affaires lui appartenant et qu'il devait venir les récupérer rapidement, sans quoi il les jetterait à la poubelle. Ça n'aurait pas dû étonner Ayden, mais il était tout de même vexé que son ex balaie deux ans de relation d'un revers de la main, sans faire preuve de la moindre compassion. S'il avait pu l'éviter, jamais il n'aurait remis les pieds dans son ancien appartement, mais il ne voulait pas laisser à Steven la satisfaction de se débarrasser de ses affaires.

Voilà pourquoi Ayden se retrouvait à l'autre bout de Strasbourg un jeudi matin à huit heures. Steven n'avait pas précisé d'horaire et le réveiller avant dix heures était un plaisir dont le jeune homme ne se priverait jamais – le seul qu'il lui restait, depuis qu'il s'était fait larguer sans aucun signe avant-coureur.

Ayden sonna une nouvelle fois, gardant son doigt appuyé sur le bouton durant plusieurs longues secondes. Finalement, Steven apparut dans l'encadrement de la porte, uniquement vêtu d'un bas de pyjama, les yeux embués de sommeil et les cheveux ébouriffés. Pourtant, il restait digne de figurer en couverture d'un magazine avec ses abdominaux dessinés, ses iris clairs et sa peau bronzée après un été passé dans le sud de la France. Ayden s'efforça de garder le regard rivé sur le visage de son ex, se satisfaisant de l'avoir tiré du lit aussi tôt.

— Qu'est-ce que tu fais là ? grogna Steven.

— Je viens récupérer mes affaires.

Son ex le fixa avec une mine indéchiffrable, puis grimaça.

— T'es vraiment un emmerdeur jusqu'au bout.

— C'est toi qui m'as menacé, je te rappelle, donc c'est de bonne guerre.

— Toi et tes expressions à la con, marmonna Steven.

Ayden croisa les bras sur sa poitrine et attendit sans répondre à ces provocations grossières. Son ex finit par tourner les talons en laissant la porte ouverte pour aller chercher un carton rempli d'affaires en vrac : un bonnet, un sweat-shirt dont il avait oublié l'existence, une boîte de thé, un carnet dont il avait déchiré la plupart des pages, deux figurines de sa série préférée – Docteur Who. Ayden comptait simplement le récupérer et s'en aller, mais il aperçut une silhouette dans le dos de Steven. Un homme complètement nu venait d'apparaître dans le salon, là où Ayden avait vécu pendant plus d'un an. Son cœur se serra et il contracta la mâchoire, à la fois furieux et blessé.

— Ça fait à peine deux semaines, murmura Ayden sans parvenir à regarder Steven dans les yeux.

— Et alors ? Tu t'attendais à quoi ? Je suis pas du genre à me lamenter dans mon coin comme toi.

— Tu es vraiment un connard.

Il s'étonnait de ne pas l'avoir remarqué avant.

Steven avait été sa première relation avec un homme. Après son coming-out quand il avait dix-neuf ans, Ayden était pressé d'explorer cette nouvelle facette de son identité, de se découvrir un peu plus, et il avait manqué de discernement dans le choix de son petit ami. C'était la seule manière d'expliquer cette erreur, mais il ne pouvait pas justifier son aveuglement au cours des deux années qui avaient suivi.

Steven soupira.

— Désolé, j'aurais préféré que tu l'apprennes autrement, mais je suis vraiment pas fait pour rester célibataire. Toi et moi, ça ne fonctionnait plus, c'est triste, mais c'est comme ça. Et j'allais pas rester à pleurnicher sur mon canapé juste pour te faire plaisir.

— Tout ce que je vois, c'est que tu passes très vite à autre chose. Ou alors tu te sers de ton nouveau copain comme d'un mouchoir, ce qui n'est pas beaucoup mieux.

— Ça, c'est pas tes affaires. T'as récupéré tes trucs, maintenant tu peux rentrer chez toi.

Pourquoi Ayden avait-il encore envie d'embrasser Steven après tout ce qu'il lui avait fait ? Il serra les poings sur le carton et inspira profondément.

— Tu te comportes comme si rien n'avait d'importance, mais ce n'est pas comme ça que les choses fonctionnent dans la vraie vie. Un jour, tu le découvriras à tes dépens et tu t'en mordras les doigts.

— T'as vraiment des expressions débiles, rétorqua Steven.

— Trop sympa de ta part.

— Oh ça va, j'ai au moins attendu d'avoir rompu avec toi pour te le dire. Ça me dérange pas de passer pour un connard, si ça t'aide à passer à autre chose.

— Vraiment trop gentil, tu veux des félicitations ? rétorqua Ayden d'une voix acerbe.

Steven se contenta de ricaner. Son nouveau petit ami – à moins que ce ne soit juste un plan cul comme un autre – choisit ce moment pour s'appuyer contre son dos sans paraître gêné de sa nudité, accordant à peine un regard à Ayden. Celui-ci eut plus que jamais envie de pleurer. Pourquoi était-il le seul à souffrir de cette rupture ? Pourquoi ne pouvait-il pas passer à autre chose alors que Steven ne s'était pas gêné ?

— Passe une bonne journée, marmonna Ayden.

— Tu devrais tirer un coup. Tu verras, ça te fera du bien.

— C'est ça, oui.

Jamais il n'avait été aussi amer, mais il ne voulait pas que Steven le sache. Il serait bien capable de se réjouir de son malheur. Ayden serra son carton plein d'affaires contre sa poitrine et fit demi-tour en se maudissant pour sa faiblesse. Il n'aurait pas cru que revoir son ex lui ferait aussi mal, deux semaines après leur séparation ; pourtant, il avait l'impression que son cœur se brisait une deuxième fois. Même s'il aurait voulu croire que Steven était un connard, Ayden savait que ce n'était qu'un moyen de mettre de la distance entre eux. À sa manière, il l'avait aimé.

Cette pensée blessait Ayden plus encore que de s'être fait quitter, parce qu'il aurait vraiment aimé détester Steven. Mais ses sentiments étaient toujours aussi intenses.

Comme une comédie romantiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant