Chapitre 48 : Nina

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Nina laissa tomber son sac sur la table de la BU, faisant sursauter Ivan et Camille.

— Les gens, j'ai un problème.

— Encore ? s'étonna Camille. Sans vouloir t'offenser, t'as un nouveau problème tous les deux jours.

— Cette fois, c'est sérieux. Hier, j'ai passé l'après-midi avec Ayden pendant qu'il prenait des photos, puis je l'ai laissé seul pour prendre des photos dans son bar parce que je devais réviser. Et depuis, il me parle plus. Il a même pas répondu quand je lui ai proposé de venir regarder Buffy ou quand je lui envoyé un même ce matin. Je sais pas du tout ce que j'ai fait pour qu'il m'en veuille, il avait l'air de bonne humeur quand on s'est séparés hier soir.

Nina posa son menton sur ses bras croisés. La question l'avait occupée toute la journée, ce qui l'avait empêchée de se concentrer sur les cours – même si elle n'écoutait jamais beaucoup en temps normal. Toutefois, elle n'avait pas osé en parler à Violette ou Marius parce qu'iels étaient trop direct·es à son goût. Au moins, Camille mettrait les formes pour lui dire la vérité.

— Tu ne vois vraiment pas ? demanda cellui-ci.

— Tout ce que j'ai fait, c'est lui tenir compagnie, dire que ses photos étaient géniales et envoyer des messages pour m'occuper. Autant dire, trois fois rien.

Ivan, qui s'était désintéressé de la conversation, redressa la tête.

— T'envoyais des messages à qui ?

— À Violette, à ma sœur et à un mec un peu chiant que j'ai rencontré hier. Il est venu demander ce qu'on faisait parce qu'il passait dans le coin et on a discuté quelques minutes. J'aurais pas dû, mais je lui ai donné mon numéro et il est vraiment très intéressé. En même temps, je le comprends, c'est vrai que je suis belle gosse.

— Et Ayden a compris qu'il te draguait ? demanda Camille.

— Il faudrait être naïf pour ne pas s'en rendre compte.

— Meuf, t'es tellement bête que c'est un miracle que t'aies survécu jusqu'à aujourd'hui.

Ivan étouffa son rire dans son bras.

— J'ai fait quoi encore ? s'offusqua Nina.

— Un mec t'a dragué sous son nez et ça l'a mis de mauvaise humeur, dit lentement Camille, pour être sûr·e qu'elle comprenne bien. Il faut vraiment que je te fasse un dessin ou tu vas réussir à tirer les conclusions qui s'imposent toute seule ?

Ça ne pouvait pas être possible... Si Nina était certaine d'une chose à propos d'Ayden, c'était qu'il ne serait jamais intéressé par elle. Alors pourquoi aurait-il été jaloux au point de refuser de lui parler alors qu'elle avait passé la journée avec lui, qu'elle avait parfaitement rempli son rôle d'amie ?

— Il a sûrement cru que t'allais rejoindre le mec, quand tu lui as dit que tu rentrais.

— Pourquoi je lui aurais menti ? Et puis, qui te dit qu'il a cru ça ?

— Camille a raison, intervint Ivan. En tout cas, ça aurait une conclusion logique. Et t'aurais menti parce que t'avais compris pourquoi il était agacé. Enfin, ça suppose qu'il te surestime un peu, de toute évidence. Tu t'es vraiment pas douté que...

— Il est gay, répéta Nina pour la centième fois. Bien sûr que j'ai pas supposé qu'il pourrait être jaloux que je me fasse draguer par un énième mec sans intérêt.

— Il est quand même suffisamment intéressant pour que t'aies passé l'après-midi à lui parler, fit remarquer Camille.

Comme si Nicolas avait senti qu'on parlait de lui, il envoya un message à Nina à ce moment précis. Cette dernière ne prit même pas la peine de le lire avant de faire disparaître la notification. Si elle avait discuté avec lui la veille, c'était seulement parce qu'elle s'ennuyait pendant qu'Ayden travaillait, rien de plus. Mais elle comprenait aisément comment il avait pu croire le contraire, étant donné qu'elle ne lui en avait pas parlé et qu'elle s'était comporté comme une adolescente qui a un crush.

— Ça ne change rien au fait qu'il est gay, marmonna Nina.

Elle en avait marre de le répéter à ses ami·es qui semblaient tous·tes décidé·es à ignorer ce fait alors qu'iels auraient dû comprendre mieux que quiconque, certain·es étant elleux-mêmes queer.

— Il te l'a dit ? demanda Camille.

— Oui, enfin je crois... Il m'a parlé de son ex, des milieux gays dans lesquels il a traînés pendant longtemps et...

— Elle est à deux doigts de comprendre, commenta Ivan.

— De quoi vous parlez, à la fin ?

Nina avait l'impression qu'iels avaient discuté d'Ayden dans son dos et détestait ça, d'autant plus qu'iels persistaient à lui parler à demi-mot. En dépit de son regard furieux, ni Camille ni Ivan ne semblaient vouloir répondre à sa question. Nina se détourna en soupirant.

— Très bien. Puisque c'est comme ça, je vous laisse.

Elle avait conscience de se comporter comme une gamine, mais ses ami·es n'étaient pas beaucoup mieux. Elle ramassa son sac et quitta la BU à grandes enjambées, sans se retourner quand Camille l'appela. Puisqu'iels ne voulaient pas lui expliquer, Nina n'avait qu'à trouver toute seule. Ou alors elle pouvait envoyer un message à Ayden afin qu'iels en discutent comme des adultes.

« Salut, est-ce que je peux passer chez toi ? J'aimerais parler. »

Évidemment, il ne répondit pas. Ça aurait été beaucoup trop simple.

Nina décida de tenter sa chance auprès de Dalal, la seule qui ne risquait pas de lui mentir pour la laisser comprendre par elle-même, comme si elle avait besoin de ça.

« Pourquoi tout le monde pense qu'Ayden est pas gay ? »

« Parce qu'il l'est pas, tête de nœud. T'avais vraiment compris ? »

« Mais il m'a jamais corrigée quand je le lui ai dit. »

« Ça, je peux pas t'expliquer pourquoi, mais je t'assure que tu lui plais. Et toi, tu penses qu'il est gay juste parce qu'il t'a parlé de son ex, alors que je t'ai fait mon coming-out il y a cinq ans et que la moitié de tes potes sont bi. T'abuses, meuf. »

Nina s'arrêta en plein milieu du trottoir et ignora le garçon qui la percuta, surpris. Elle avait envie de s'insulter. Comment avait-elle pu manquer l'évidence à ce point ? Elle ne répondit pas à Dalal, même si elle aurait beaucoup de choses à lui dire plus tard, et préféra envoyer un nouveau message à Ayden.

« Je crois que j'ai compris ce qui ne va pas. Je suis vraiment désolée. »

Mieux valait essayer de se faire pardonner, plutôt que de réfléchir aux autres implications. À savoir qu'elle avait une véritable chance avec Ayden et qu'elle avait sûrement tout gâché.


Comme une comédie romantiqueWhere stories live. Discover now