Chapitre 9 : Nina

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Après le dernier TD de la semaine, Nina attendit Jean devant la faculté de philosophie, sous un soleil brûlant. On était au début du mois d'octobre, mais l'été ne semblait pas vouloir prendre fin. Elle portait une robe patineuse jaune dans laquelle elle se sentait super belle et elle avait rangé son gilet dans son sac à dos tant il faisait chaud. Pour ne pas paraître impatiente, Nina envoyait des messages à Camille, coincé·e en amphi de sciences du langage, mais elle ne cessait de lancer des regards autour d'elle afin de voir Jean arriver avant que celui-ci ne l'aperçoive.

« Je pense juste qu'il a l'air chiant, mais peut-être qu'il est sympa. »

Camille ne cachait pas son désintérêt le plus total pour Jean, mais s'abstenait de faire des commentaires désobligeants comme Violette qui trouvait qu'il avait l'air désespérément hétéro, ce qui n'était pas un compliment dans sa bouche.

« Au moins il est mignon, c'est une qualité essentielle. »

« Rassure-toi comme tu peux. »

« Tout le monde peut pas avoir un copain parfait comme le tien. »

« Ou une copine parfaite comme celle de Violette ? Elle est grave BG, si on me demande mon avis. »

Nina sourit. Pendant longtemps, elle avait cru que Camille était « hétéro » – pour autant qu'une personne non-binaire puisse être hétéro – parce que son ami·e ne manifestait d'intérêt que pour les garçons, mais elle aurait dû se douter que ce n'était pas aussi simple.

« Elle sera ravie de le savoir. »

— Salut, Nina.

Surprise, elle faillit lâcher son téléphone et ne le rattrapa que de justesse – il n'aurait pas survécu à une chute sur le béton. Jean se tenait devant elle, vêtu d'un jean et d'un T-shirt uni qui flottait sur sa carrure de carotte sous-alimentée. Nina se sentit presque mal de porter une robe sans manches mettant en valeur ses épaules musclées par neuf ans de football et des coaches plus tyranniques les un·es que les autres. Beaucoup de garçons n'aimaient pas se sentir physiquement plus faibles que la fille qui leur plaisait, ce qui était totalement ridicule.

— Tu veux faire quoi ? demanda-t-elle à Jean en croisant les bras sur la poitrine.

À la première occasion, elle remettrait son gilet. En plus, les mecs adoraient les filles qui avaient froid, pour une raison qui la dépassait.

— Tu verras, dit Jean avec un air mystérieux qui lui donnait une tête ahurie.

Mais il était quand même mignon avec ses boucles blondes et ses yeux marron clair, tirant sur le vert sous la lumière éblouissante. Quelques taches de rousseur constellaient ses joues, sans doute des vestiges d'un été passé au soleil, et sa nuque portait les traces d'un coup de soleil plutôt récent. Nina résista à l'envie de lui demander une nouvelle fois ce qu'il avait prévu – il n'apprécierait sans doute pas qu'elle soit aussi insistante – et le laissa la guider. Jean se dirigeait vers le centre-ville, ce qui ne lui donnait pas beaucoup d'indices.

— Ça m'étonne qu'on se soit jamais parlé avant, dit-elle sans laisser le silence s'éterniser.

— On n'était jamais dans les mêmes groupes de TD. Heureusement que je t'ai remarquée en amphi et qu'un de mes amis connaissait ton prénom, sinon je t'aurais jamais retrouvée sur Instagram.

— Je suis contente que tu l'aies fait.

— Pourquoi t'as choisi de faire une licence de philo ? demanda Jean.

— C'était ma matière préférée en terminale. J'hésitais beaucoup au moment de faire mes choix post-bac, mais mon prof m'a convaincue et franchement c'est cool. Et toi ?

Comme une comédie romantiqueWhere stories live. Discover now