Chapitre 40 : Nina

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— Bonnes vacances, bébé !

La voix stridente de Dalal résonna dans le hall de la gare de Strasbourg et Nina ouvrit les bras pour accueillir sa meilleure amie. Celle-ci portait une jupe à carreaux par-dessus des collants déchirés, des bottines à talons très classes et un sweat-shirt informe rose fluo, dont la couleur tranchait avec celle de sa peau, d'un brun doré. Dalal avait rabattu la capuche sur ses boucles noires qui s'échappaient en un désordre total. Pour couronner le tout, elle s'était maquillé les yeux comme si elle s'apprêtait à se rendre en boîte de nuit et ses boucles d'oreilles étaient dépareillées.

— Tu m'as tellement manqué, dit Nina en respirant son parfum familier, un truc bon marché qui sentait atrocement mauvais.

— Toi aussi. T'es le véritable amour de ma vie, tu le sais ça ?

— Et ton copain ?

— C'est fini entre lui et moi, dit Dalal avec son ton dramatique habituel. Il était pas à la hauteur.

— Tu veux dire que tu lui en as fait voir de toutes les couleurs et il en a eu marre ?

— Tu me connais trop bien, c'est pas drôle !

Nina éclata de rire, heureuse de retrouver sa meilleure amie qu'elle n'avait pas vue depuis les vacances d'été. La vie était beaucoup plus simple sans elle, mais surtout beaucoup moins drôle. Dalal avait le don de transformer n'importe quoi en aventure digne d'une mauvaise série Netflix. Même sa rupture courue d'avance prenait des proportions énormes, simplement parce qu'elle avait envie d'en faire toute une histoire.

— J'imagine qu'on t'en avait déjà parlé, de toute façon.

— Tous nos amis du lycée étaient au courant avant moi et ils parlaient que de ça. T'es mon divertissement préféré, je te l'ai déjà dit ?

Dalal lui fit un doigt d'honneur avec sa douceur et sa délicatesse habituelles.

— Et sinon... Tu meurs si tu t'habilles normalement ? demanda Nina en la détaillant de haut en bas.

— J'ai pris ce que j'ai trouvé, j'avais la flemme de faire un effort. De toute façon, je suis canon quoi qu'il arrive.

Difficile de prétendre le contraire : Dalal était l'une des plus belles filles que Nina connaisse, même si elle se maquillait n'importe comment. La génétique avait été généreuse avec elle en lui donnant une peau parfaite, sans le moindre bouton d'acné, et une silhouette élancée, mince mais pas trop, qui correspondait aux standards de beauté actuels. Sans parler de ses traits harmonieux, de sa bouche pulpeuse, de ses longs cils, de ses cheveux soyeux.

D'ailleurs, plusieurs regards s'attardaient sur Dalal, autant pour sa tenue débraillée que pour sa beauté. Celle-ci n'en avait pas conscience puisqu'elle était absorbée par son téléphone.

— Je crois que Damien a pas très bien pris la rupture. Il a envoyé des nudes de moi à ses potes, expliqua-t-elle en montrant l'écran à Nina. Je crois qu'il espère me blesser, mais je suis trop belle sur ces photos.

En dépit de son ton assuré, rehaussé d'une pointe d'arrogance, Dalal était touchée – mais jamais elle ne l'admettrait. Elle prétendait toujours être forte, se moquer de tout, ne faire que ce qui lui chantait et n'avoir peur de rien. Toutefois, voir son corps dénudé exposé à la vue de tous·tes l'affectait, Nina le devinait à la manière dont ses doigts se crispaient sur son portable, à la façon dont elle prononçait certains mots.

— T'as raison, tu vas donner des complexes à tout le monde.

Réconforter Dalal ne servait à rien, Nina l'avait appris très tôt ; mieux valait entrer dans son jeu, lui donner confiance en elle et l'aider à oublier ce qui la bouleversait.

Comme une comédie romantiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant