Chapitre 25 : Marius

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Marius était assis entre sa mère et Alyssa. Celle-ci parlait depuis cinq minutes du politicien avec qui elle avait commencé à collaborer deux semaines plus tôt, en attendant son stage durant lequel elle pourrait s'impliquer à fond dans la politique. De l'autre côté de la table, Lyra trépignait d'impatience. Elle avait à peine touché à son assiette et ne cessait d'effleurer la poche de son jean, où elle avait rangé son portable. À la première occasion, elle regarderait ses messages parce qu'elle attendait une réponse pour un article qu'elle avait soumis à un prestigieux journal national. Même si on était dimanche, Lyra espérait tout de même recevoir un e-mail lui annonçant la bonne nouvelle.

Marius n'écoutait que d'une oreille les histoires d'Alyssa ; il était heureux pour elle, mais il se fichait totalement de savoir qu'elle avait passé cinq heures à analyser des statistiques pour établir la pertinence d'une nouvelle législation sur les trottinettes électriques. Il n'aimait ni les maths ni les trottinettes. À vrai dire, il ne savait plus vraiment ce qu'il aimait ; même la philosophie ne lui plaisait plus autant qu'avant et cette routine dans laquelle il s'embourbait le déprimait.

Comme il n'avait pas d'autre sujet de conversation à proposer, Marius s'abstenait toutefois de protester et jouait avec ses carottes comme si c'étaient les légumes les plus passionnants du monde.

De toute façon, les repas en famille se ressemblaient tous. Marius avait affirmé que ses cours se passaient bien, Lyra avait donné des nouvelles de saon copaine, Alyssa avait parlé d'un projet de marketing qu'elle avait particulièrement apprécié. Leurs parents les avaient écouté·es sans participer parce qu'iels estimaient leurs vies moins intéressantes que celles de leurs enfants.

— J'ai tellement hâte de finir mes études ! conclut Alyssa. Les cours, c'est sympa cinq minutes, mais j'ai envie de passer aux choses sérieuses.

— D'ailleurs, t'as défini le sujet de ton mémoire ? demanda Lyra, cessant enfin de s'agiter sur sa chaise. J'hésite encore.

— J'en ai parlé avec Sylvain, il m'a donné quelques pistes, mais je me suis pas encore décidée. Ça me saoule d'avance de devoir écrire cinquante pages sur un sujet à peine intéressant pour faire plaisir aux profs, mais il faut bien en passer par là pour avoir mon diplôme.

Lyra approuva avec une moue cynique, puis toucha de nouveau son téléphone dans sa poche.

— J'espère que ton mémoire sera plus sympa à faire que les nôtres, dit Alyssa en se tournant vers son petit frère.

— On verra bien, c'est dans longtemps. Je dois déjà trouver un stage pour valider ma licence, cette année ou l'année prochaine. D'après ce que m'ont dit des gens plus âgés, c'est vraiment pas facile si on n'a pas de connexions.

— Je pourrai t'aider, si tu veux, proposa sa mère. Mais tu me répètes toujours que tu n'aimes pas le piston.

— Il faudra peut-être que je revienne sur mes convictions, marmonna Marius en embrochant une carotte innocente. On verra bien comment ma recherche de stage se passe.

Durant quelques secondes, le silence régna. Puis Lyra demanda à Alyssa ce qu'elle avait pensé du dernier cours magistral de communication sur les réseaux sociaux et elles discutèrent pendant dix minutes de sujets que personne d'autre ne comprenait, jusqu'à ce que tout le monde ait fini son plat – sauf Lyra qui avait repoussé son assiette loin d'elle. Chaque fois qu'elle stressait, elle en devenait incapable d'avaler quoi que ce soit, ce qui n'aurait pas été inquiétant si elle n'avait pas été d'un naturel aussi anxieux.

Quand son père se leva pour aller chercher le dessert, un brownie aux amandes, Lyra en profita pour consulter ses messages. Sa moue déçue fut plus explicite que des mots. Marius regarda lui aussi son téléphone en se penchant en arrière pour que sa mère ne le voie pas. Nina, Violette, rien d'inhabituel. Et un Snap d'Amel qu'il ne pouvait décemment pas ouvrir dans la même pièce que ses parents. Il sourit en s'appuyant de nouveau sur la table. Sa mère le regarda et sourit à son tour.

Comme une comédie romantiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant