Chapitre 13

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Esi

Je ferme le portail de notre maison avec empressement comme pour mettre une distance entre nous et je m'y adosse, vidée de mes forces.

Être près de lui me donne toujours l'impression à la fois de me ressourcer et de me vider. Mais en ce moment, je suis vidée. Toute cette attirance réprimée m'a vidée.

Une légère brise se pose sur mon visage et je me sens revigorer mais cette fraîcheur est vite réprimée par une nouvelle vague de chaleur qui s'empare de mon corps quand je l'imagine de l'autre côté de ce portail.

Il n'est pas encore parti. Est-il lui aussi taraudé par le désir comme moi en ce moment ? A-t-il lui aussi besoin de se calmer comme moi?

J'ai le coeur qui bat à tout rompre. Les jambes molles. L'image de ses lèvres dans ma tête et l'entrejambe en feu.

Je sais ce que c'est que le désir. J'en ai souvent entendu parler. J'ai déjà vu des personnes se désirer mais jamais je ne l'avais ressenti comme aujourd'hui. Comme en ce moment.

Être si proche de Noah aujourd'hui à fait naître ce feu ardent dans mon être. Il m'a prise dans ses bras. Il a caressé mon dos. Il a murmuré à mon oreille des mots doux et calmants. Il m'a soutenue. Il a été là pour moi.

Il a anticipé ma crise. Il a su lire en moi comme dans un livre ouvert et il m'a sauvée. Grâce à lui je ne me suis pas effondrée.

Son attention et affection n'étaient pas feintes. J'ai vu la peur et l'inquiétude dans son regard. Il souffrait de me voir souffrir.

Et moi je souffrais encore plus de voir cette peine dans son regard à cause de moi. J'ai eu si mal mais je n'y pouvais rien.

Quand j'ai vu son regard s'attarder sur moi, sur mon plat que je n'arrivais pas à finir, mon esprit a été assailli par les reproches de mon père et sa colère quand je ne mange pas. J'ai pensé à toutes les fois où Samantha m'a fait des remarques sur mon poids et j'ai eu peur que dans sa tête il soit en train de penser la même chose.

J'ai eu si peur que j'ai commencé à paniquer. Je l'imaginais déjà entrain de me faire une remarque désobligeante sur mon manque d'appétit et de me dire une parole blessante comme les autres.

Et je n'ai pas supporté. Je n'ai pas supporté que lui aussi fasse partie de ceux qui me jugent et j'ai craqué.

Mais contre toute attente, il m'a comprise. Il a vu que je perdais mon contrôle et il m'a prise dans ses bras pour me consoler. Il m'a demandé de plonger mon regard dans le sien pour garder les pieds sur terre et quand je l'ai fait, je me suis sentie revenir à moi.

Tout ça c'est grâce à lui. À ce garçon qui hier encore m'était inaccessible mais qui aujourd'hui m'est si précieux que j'ai le coeur qui se serre à l'idée qu'il ne puisse plus être là.

J'entends sa voiture ronflé enfin et s'éloigner du portail qui nous sépare.

Je souffle bruyamment et décide de rentrer moi aussi à la maison. Je me redresse, ramasse mon sac que j'avais laissé choir à même le sol, le porte sur mon épaule avant de me décoller du portail et d'avancer vers la maison.

Quand je lève les yeux devant moi, je vois ma mère assise sur la véranda, ses yeux posés sur moi.

Je me fige un moment et me demande si elle soupçonne quelque chose.

Elle est assise, les bras croisés sur la table qui est devant elle et son cahier de dessin ouvert sous ses yeux. Mais elle ne le regarde plus. Ses yeux sont sur moi. Comme s'ils voulaient lire en moi.

Les Amants De L'ombreWhere stories live. Discover now