Chapitre 5

684 52 2
                                    

Axelle s'étouffa avec la gorgée d'eau qu'elle venait d'avaler, avait-elle bien entendu ? Non, ce n'était pas possible, la jeune fille avait dû se tromper de mots ou de formulaire.

- Par...pardon ? Demanda-t-elle en toussant encore un peu.

- J'aimerais signer un formulaire de non réanimation répéta Juliette d'une voix calme, le regard dans le vague. Je viens à l'hôpital depuis que je suis née, vous luttez tous contre l'inévitable... Mon cœur ne peut plus continuer à assurer sa fonction vitale, il se meurt petit à petit... Je n'en peux plus des opérations, des hospitalisations. Si mon sort est de mourir d'un arrêt cardiaque, eh bien je ne veux pas qu'on s'acharne. Si c'est pour que je sois dans le coma ou bien un légume, je préfère mourir. C'est ma destinée c'est comme ça, la nature a fait que j'ai un corps fragile qui ne tient pas le coup face à son environnement.

- Juliette... je peux vous appeler Juliette ?

La concernée hocha la tête en signe d'accord, comprenant que sa demande était soudaine et sûrement difficile à accepter pour un médecin dont la fonction était de soigner.

- Je ne pense pas que ce soit la meilleure solution, vous vous rendez compte ? Vous avez 25 ans Juliette, vous avez toute la vie devant vous, une carrière dans la musique... Un arrêt cardiaque ne signifie pas le coma ou des lésions à chaque fois. La plupart du temps, s'il est géré à temps, le patient n'a aucune séquelle. D'ici deux à cinq ans, vous aurez un nouveau cœur, vous êtes déjà sur la liste d'attente et votre vie repartira de plus belle. Je... Je ne peux pas accepter votre demande. Souffla Axelle en mettant sa main sur son front.

- Je comprends ce que vous dites, mais j'en ai ma claque de tout ça... Je ne veux pas que l'on s'acharne, si mon cœur s'arrête, cela voudra dire que c'est terminé voilà tout. Je sais très bien qu'être sur la liste de transplantation ne signifie pas forcément recevoir un cœur à temps. Combien de patients sont morts en attendant désespérément l'appel des médecins. Je ne veux pas vivre avec ce doute et cette crainte. Je suis majeure, en pleine capacité de mes moyens, vous savez autant que moi que vous ne pouvez pas me refuser le droit de signer ce formulaire.

- Non... Il est vrai que je ne peux pas... Mais Juliette, réfléchissez-y, c'est une décision grave que vous prenez là.

- J'y réfléchis depuis longtemps vous savez... Mais depuis que vous m'avez annoncé que mon coeur était bon à jeter...

- Je n'ai jamais dit ça, la coupa Axelle, d'une voix nerveuse.

- Oui, pardon « il est gravement détérioré et vous allez devoir subir une greffe » vous m'excuserez mais c'est à peu près la même chose...

- Bon... Si c'est votre choix, je ne peux m'y opposer... Je vais vous chercher les papiers.

Elle alla dans son bureau récupérer les papiers de non réanimation tout en se refaisant la discussion en boucle dans sa tête. Elle n'en revenait pas. Elle savait qu'elle ne pouvait rien y faire, que c'était la décision de sa patiente et qu'elle n'avait pas de droit de Veto, mais comment accepter qu'une jeune fille de 25 ans puisse vouloir arrêter de se battre. Sa demande avait été comme un coup de poing dans le thorax, l'empêchant de respirer momentanément. Elle était bien trop impliquée émotionnellement vis-à-vis de cette patiente. Pourtant, ce genre de formulaire, elle en distribuait toutes les semaines et jamais cela ne l'avait fait réagir. Non, pour Juliette c'était différent, elle ne pouvait pas comprendre. Bien sûr Juliette avait enduré de multiples opérations, des douleurs, une fatigue qui nuisait à sa qualité de vie à l'extérieur de l'hôpital, ainsi qu'à son épanouissement personnel et à sa carrière, mais elle n'arrivait pas à la comprendre.

Avec sa pathologie, faire un arrêt cardiaque était possible, beaucoup plus que pour n'importe qui d'autre. Elle se demanda si finalement, ce n'était pas une façon de vouloir mettre un terme à son existence. Elle se rappela du dossier de sa patiente et du traitement contre la dépression qu'elle prenait quelques années plus tôt, de ces marques qu'elle avait aperçues sur ses poignets et se demanda si elle ne refaisait pas surface. La dépression bien que difficilement visible de l'extérieur est une maladie qui peut survenir à n'importe quel moment. Les sourires, les plaisanteries, les flirts... Ce n'est souvent qu'une façade pour cacher les véritables émotions. L'envie de tout arrêter.

A coeur perduHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin