Chapitre 28

540 49 16
                                    

Axelle crut s'étrangler dans sa surprise. C'était impossible. De tous les films possibles, Maya avait choisi celui-ci ! En avant première en plus, ce qui signifiait que Juliette serait présente. Elle fit comme si de rien était. Après tout, si elle restait en retrait, tout se passerait bien... Sauf qu'elle entendrait la voix de Juliette pendant 1h45 de film et qu'elle la verrait. Même après un mois sans la voir, elle savait que son corps réagirait instantanément et raviverait tout l'amour qu'elle essayait d'enfouir et de refouler le plus loin possible en elle.

Lorsqu'elles commencèrent à avoir froid, elles sortirent de la baignoire et allèrent se coucher. Comme tous les jours, le planning chargé de Maya l'épuisait et elle ne tarderait pas à s'endormir. Elles s'habillèrent puis se glissèrent sous les draps, l'une contre l'autre. Axelle espérait comme chaque soir, que Maya arriverait à dormir paisiblement. Elle se faisait réveiller quasiment toutes les nuits par des cris et mouvements brusques, torturée par ses cauchemars et terreurs nocturnes. Le psychiatre essayait tant bien que mal de travailler tout cela avec elle, mais cela ne semblait pas suffir. Axelle avait de plus en plus d'appréhension quant à la révélation de son passé. Elle n'était pas sûre d'être assez forte pour entendre tout ça. Pourtant, elle le devait, elle n'avait pas le choix. Maya avait besoin d'elle, de sa force et de son soutien. Il était donc hors de question qu'elle craque au milieu de son récit.

Pour une fois, ce ne fut pas Maya mais bien son téléphone qui la réveilla. Ça faisait longtemps tiens, bougonna-t-elle. Elle décrocha en chuchotant, ne voulant pas brusquer Maya dans son sommeil. Elle la sentit néanmoins se retourner et poser sa main sur son dos.

- Qui peut bien t'appeler à cette heure-ci ?

- Le boulot, je suis d'astreinte jusqu'à demain tu sais. J'ai obtenu ces congés uniquement si j'acceptais d'être d'astreinte de mardi à Jeudi... Je vais devoir y aller, il y a des complications sur une opération et Julie n'est pas dispo.

- Tu bosses beaucoup trop, c'est la troisième fois ce mois-ci qu'on te dérange chez toi... En plus, tu es en vacances. Pourquoi tu ne dis pas non ?

- Euh... Bin parce que si je n'y vais pas, le patient sur la table risque de mourir... Je n'ai pas trop le choix.

- Je suis sûre qu'ils pourraient se débrouiller seuls...

Le manque d'humanité chez Maya était nouveau et Axelle avait du mal à l'encaisser. Avant Maya était plutôt très sensible , a l'instar de Juliette finalement. Ce n'était pas la première fois ce mois-ci qu'elle lui faisait une réflexion de ce type et elle n'arrivait pas à la comprendre. Depuis quand une vie humaine n'était pas importante ? A chaque fois qu'Axelle semblait retrouver la Maya d'avant, celle-ci finissait par s'éloigner encore un peu plus. Ces années loin de toute humanité semblaient avoir créer des blessures non cicatrisables et Axelle n'était pas sûre de pouvoir gérer cela. Ces années d'emprisonnement l'avait elle transformée en monstre sans coeur ? Avait elle été torturée ? Tant de questions auxquelles Axelle n'avait pas de réponse et dont elle n'était pas sûre d'être capable de les connaître.

Elle s'habilla en silence, puis, après un baiser sur le front de sa compagne, se rendit à l'hôpital. Cela lui permettrait peut-être d'oublier le fait qu'elle croiserait Juliette l'après-midi même. Le simple fait d'y penser lui donnait des frissons, de joie, de peine, ça elle ne savait le dire. Pour l'heure, elle essaya de se concentrer sur l'opération qui l'attendait. Un homme d'un certain âge qui avait chuté dans l'escalier et dont la côte avait perforé le poumon.

Comme souvent, sa présence n'avait pas été si indispensable que ce que l'interne prétendait au téléphone. Elle ravala les injures qu'elle voulait dire, et se contenta de faire son travail en silence avant de rejoindre Maya chez les kinés.

A coeur perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant