Le Prince Immortel (TOME 1)

CHAPITRE 38

Après ma promenade dans la deuxième partie du village, je reconnus la maison.

Cette maison.

Les deux sorcières, Hélène et Luce, avait protégé le corps de la bien-aimée. Je devais les rencontrer, parler de ma venue ici.

Je frappais plusieurs fois contre la porte d'entrée avant de me reculer. Personne n'ouvrit la porte.

Mon regard cherchait à déchiffrer l'intérieur et trouver un signe de vie.

Une petite fille aux longs cheveux bruns, attachés par une queue-de-cheval se tenait derrière moi. Sa longue robe rose cachait ses pieds nus. Elle me sourit et j'observais ses grands yeux de couleur miel.

— Qu'est-ce que vous cherchez ici ?

— Je recherche Hélène et Luce, lui soufflai-je.

Je devais rester prudente face à des inconnus. Comme l'avait dit Andrew, les apparences étaient trompeuses. Cependant, j'étais face à une petite fille, habitante de ce village. En quelques secondes, si je me sentais en danger, je pouvais...

— Elles ont été assassinées, il y a deux ans, répondit la petite fille.

Elle baissa les yeux vers ses pieds. Elle creusa avec le bout de ses orteils dans la terre puis, elle releva la tête.

— Elles ont protégé le village, pendant plus de deux cents ans mais quelqu'un est venu pour...

Elle renifla et des larmes coulèrent sur son visage. Malgré son sanglot, elle continua de m'expliquer l'histoire de ces sorcières.

Les hématomes sur leurs corps présentaient des dégâts magiques, d'une magie ancienne.

Les villageois priaient à présent, tous les mardis. Avec elles, les récoltes doublaient, aucunes bêtes ne parvenaient à franchir les montagnes.

— Nous étions protégés et heureux, chuchota la petite brune.

Son doigt pointa le début de la forêt.

Une voix féminine l'appela puisqu'elle tourna la tête dans la direction d'une femme, plus âgée, probablement sa mère ou sa sœur.

— Je dois partir, expliqua-t-elle. Si vous cherchez Adnan, il se trouve également dans la forêt.

La petite fille partit en courant pour rejoindre cette douce femme qui tenait par la main, un petit garçon qui tenait à peine sur ses deux jambes.

Je descendis de l'estrade pour contourner la maison. À l'arrière du bâtiment, la végétation prenait le dessus.

Les tables d'extérieur viraient au vert. Le lierre montait sur les parois des murs. Les rosiers, mal entretenus, descendaient sur le sol, créant un sol, jonché par les épines.

Je ne pouvais pas passer par ce chemin, au risque de me blesser.

Je pris la décision d'escalader la clôture en bois de la terrasse pour passer au-dessus de ces épines. Mes pieds atterrirent de l'autre côté et la forêt n'était qu'à quelques centimètres de moi.

J'approchais de ce bois. Je marquais un temps d'arrêt pour observer ma découverte.

Des centaines de tombes décoraient le sol. Sur les dalles en pierre, le nom de femmes et d'enfants était sculpté, décédés beaucoup trop tôt.

Le nombre de tombes semblaient s'accroître depuis la disparition des deux sorcières.

Le Prince Immortel n'était jamais venu dans ce village, pourtant, les morts signifiaient la venue d'une autre personne.

Peut-être Julia était venue dans ce village lorsque les deux sorcières étaient encore en vie. Sans doute, elle les avait tuées et le village était tombé dans une tristesse inconditionnelle.

Mes yeux cherchèrent les deux noms des sorcières. Il n'était pas si difficile de les retrouver.

Les deux tombes étaient côte à côte. Leurs corps blancs, étaient sous une cloche en verre. Leurs robes blanches brillaient grâce au reflet du soleil sur le verre. Une épaisse barrière lumineuse empêchait de les approcher.

Une montagne de fleurs, d'objets, de bougies et de dessins, nichaient au pied des deux tombes. Elles semblaient toujours vivantes aux yeux des habitants de ce village.

Je posais ma main devant ce champ magique. Une énergie parcourut mon corps, me sentant plus légère et moins anxieuse. La sensation de chaleur me monta à la tête. Les étranges chuchotements revenaient hanter mes oreilles et cette fois-ci, je les entendais parler.

Merci d'être présente pour elles.

Les yeux virés sur leurs visages, cette voix percuta mon corps, secouant mes sens.

Pour la première fois, un seul chuchotement était audible, compréhensible et agréable à écouter. Je n'arrivais pas à distinguer s'il s'agissait d'une voix féminine ou masculine, mais j'étais heureuse de pouvoir enfin écouter ce brouhaha, maintenant compréhensible.

Je devais chercher Adnan. D'après la petite fille, il se trouvait dans cette forêt. Dans son ton de voix, j'avais compris qu'il était également mort.

Dans mes souvenirs, il semblait déjà fatigué et épuisé. S'il avait évité d'être tué, je pouvais me sentir soulagée.

Mon intuition poussa ma tête, à se tourner vers la droite.

Là-bas, souffla la voix.

Une tombe était démolie derrière toutes les autres. Le prénom d'Adnan était maladroitement gravé. Sa tombe n'avait pas reçu le même traitement que les autres.

Sa stèle était fendue en deux, comme si elle avait été vandalisée. Quelques fleurs fanées se trouvaient sur les côtés de la tombe.

Personne ne lui avait rendu visite depuis de nombreuses années.

Je me mis à genoux pour prier devant son corps. Je n'arrivais plus à penser ni à réfléchir. Je voulais le remercier, d'avoir été un homme courageux et vaillant jusqu'au bout. Il devait en avoir fait beaucoup pour ce village, pour ces sorcières et pour elle.

Je ne savais plus quoi faire. Face à la tombe, je n'osais plus sortir de cet endroit. Les Uniformes Noirs devaient être à ma recherche.

Pars, supplia la voix.

Je n'avaisaucune raison de rester ici. De toute façon, ma mission était accomplie.