Un stage haute tension

Chapitre 15 - Camille et Charlie

[ CAMILLE ]

Je reste silencieux.
Personne ne parle d'ailleurs
J'ai l'impression qu'un 38 tonnes vient de me percuter de plein fouet.
L'ambiance est lourde.
Charlie est toute blanche, Richard parfaitement immobile sur son fauteuil, seuls ses yeux font des allers-retours entre elle et moi.

J'entends parfaitement chaque son, chaque bruit à l'extérieur de cette pièce. Un fax qui arrive, une porte qui s'ouvre doucement, des gens qui parlent dans le couloir, un sms qui arrive sur un anonyme smartphone.

Et la pendule qui fait
Tic ... Tac
Tic ... Tac
Tic ... Tac
Une minute passe, deux, trois, ... dix ? Je sais même pas.

Moi, je bous, littéralement. Un torrent de lave a pris naissance dans mes entrailles et l'éruption qui arrive va faire mal. Très mal.
Il peut pas encore décider pour moi. Pas cette fois. Je refuse de tout laisser en plan une fois encore. Marre de ce schéma qui se répète.

Même si je sais que j'ai merdé.

J'aurais du prendre la fuite quand je l'observais depuis le pas de sa porte le 1er jour.
Quand j'ai vu ce que me provoquait son regard juste posé sur moi, et le simple son de sa voix.
J'aurais du être courageux et savoir que c'était mauvais ce qui allait se passer.
Pour elle et pour moi. Pour Richard. Pour sa boite ... pour ma boite.

Mais non, je n'ai pas bougé, je me suis même laissé porté par cette alchimie bestiale et viscérale qui s'est immédiatement imposée à nous.

Je suis a peu près convaincu qu'elle n'a pas de mec. Mais qu'elle a pas su gérer ce qui se passait. J'ai même pas le droit de lui en vouloir. Je suis nocif pour elle. Je le sais. Richard le sait. Elle s'en doute peut-être déjà.

Je suis malgré tout suspendu à sa réaction. Elle a un pouvoir indéniable sur Richard. Il l'écoute. Elle peut faire pencher la balance d'un côté comme de l'autre.

Reste à savoir ce qu'elle veut...

[ CHARLIE ]

Oh putain de merde. C'est quoi ce bordel?
Il vient de se passer quoi là ? Il a dit quoi Richard ?
Je comprends rien.

Y a une minute j'étais en plein trip, mon corps était chaud comme une baraque à frites, un ping-pong sexuel virtuel venait de débuter entre Camille et moi et là, Richard ouvre la bouche avec son merdique "Camille rentre à New-York" et c'est la calotte glaciaire toute entière qui me tombe sur la tronche.

Bon le plan pondu hier soir avec les filles n'est plus du tout d'actualité. Il m'en faut vite un autre, même pourri.
Je me repasse en boucle ces foutus papiers sortis du Chapeau ... y en a bien une qui devrait le faire, merde !

...

...

Ça y est. Putain que c'est dangereux pour moi par contre. Aie aie aie.
Besoin de soutien là tout de suite maintenant.
Richard m'offre une occasion rêvée

- Charlie vous allez bien ? Vous êtes toute blanche !

- Ça va Richard, juste un coup de chaud, je vais aller me chercher un verre d'eau, j'ai besoin de marcher un peu je crois.

Je prends appui sur les accoudoirs et me mets debout.
Fichtre ça tangue sec quand même.
Richard se précipite vers moi pour m'empêcher de me vautrer.

- Camille, vas lui chercher son verre !

Je le coupe direct

- Non non c'est bon Richard, j'y vais, merci. Ça va déjà mieux.

J'ai besoin de voir Zoé. Tout de suite.

Heureusement elle est dans son bureau et m'attends comme si elle savait que j'allais arriver. J'oublie à quel point Richard ne lui cache jamais rien, je suis sûre qu'il lui a parlé de son intention de renvoyer Camille à 6 000 km de moi.

Bingo !

- Ah ça y est t'es là, j'en pouvais plus de poireauter ! Ça va ? Tu te sens comment ?
- Bah bof ...
- Mouais, je m'en doute. Assieds-toi, faut qu'on parle.

Elle me tend un coca light, mon pécher mignon. Je l'engloutis comme si j'avais pas bu depuis 8 jours, les bulles me remontent direct par le nez et je m'étouffe en dégoulinant de la narine droite. Classe ...

- Euh tu crois qu'un jour tu sauras boire un soda sans en foutre partout Charlie ?

Elle n'a droit qu'à mon majeur bien dressé en guise de réponse, mais j'ai des circonstances atténuantes !

- Bon, revenons-en au plan. Il marche plus maintenant. T'as une autre idée?
- Ouais, la pire de toutes Zoé, mais la seule qui peut le faire rester ici.
- On a la même en tête je pense. On connait Richard, c'est la seule qui puisse le faire plier si on l'amène bien. Par contre toi Charlie tu vas pas être épargnée par la Salope, tu t'en doute. Tu te sens de taille?
- Est-ce que j'ai le choix, vraiment ?
- Euh non. Enfin si, tu peux le laisser repartir.
- Hein, t'es folle ou quoi ???
- Donc t'as pas le choix, on est d'accord. J'ai what's appé les filles en t'attendant. Elles sont avec toi. Allez file ! Non attends, t'as encore du coca sur le menton !

Un petit essuyage et un gros câlin plus tard, je suis de retour dans le bureau de Richard.

L'ambiance est encore plus glaciale que tout à l'heure. Ils se sont parlé, c'est indéniable. Et ça a pas du être franchement cordial.

Je jette un œil vers Camille pour me rassurer. Être sûre que c'est la bonne décision, la seule. Que tout ça en vaut le coup ...
Mon dieu que ce mec est sexy, c'est pas humain de l'être à ce point. Je lis dans ses yeux la même attirance pour moi que j'ai pour lui, le même désir. La connexion est toujours là.
Intacte.

Donc c'est la bonne décision. Je respire un grand coup et me retourne vers Richard.

Il va falloir que je lui ouvre mon cœur pour le convaincre.

- Richard, est-ce que je peux vous parler en tête à tête?

Je sens que ma demande ne plait pas du tout à Camille, mais s'il reste là je vais me dégonfler comme un soufflé.

Un signe de tête le fait sortir du bureau en bougonnant. Parfait.

Dès que la porte se referme, je propose à Richard de venir s'asseoir près de moi, une configuration plus propice aux confidences.

Et je prends mon courage à deux mains.

- Richard ... d'abord je voulais vous dire à quel point j'étais désolée.
Vous me connaissez, vous savez que je n'agis pas comme ça d'habitude. Mais vous avez aussi compris qu'il se passe quelque chose avec Camille que moi-même j'ai du mal à expliquer. Et pourtant vous savez à quel point j'adore tout décortiquer et analyser.
Mais là, c'est la page blanche. J'aimerais avoir du temps pour démêler tout ça, pour y voir plus clair. Mais je ne pourrais pas le faire si vous l'éloignez de moi. Je sais que ça vous fait peur, autant qu'à moi. J'ai donc pensé à une solution pour que ça se fasse en douceur.

Son corps s'est détendu d'un coup. J'imagine que ça le peinait aussi de se séparer de son neveu. Il est donc pleinement réceptif à ma proposition avant même que je la formule.

- Je vous écoute Charlie

- Bon, d'une part, tout le monde sait pour nous depuis la scène de l'escalier. Personne ne sera donc étonné qu'il ne travaille plus avec moi

Il acquiesce

- D'autre part, nous avons toujours ce problème de taupe au marketing que nous n'avons pas réglé, n'est-ce pas?

Je vois à son regard qu'il a compris où je voulais en venir. Et que l'affaire est déjà entendue. Je soupire, franchement soulagée.

Je viens de sauver mes miches et celles de Camille.

Mais à quel prix ?