Chapitre 29 - Charlie

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Eh merde ! Merde !  Merde ! Et remerde !!!!

J'ai été maraboutée ou quoi ? Cette journée pourrie va donc jamais s'arrêter? D'abord le coup de calgon de Ben ce matin, ensuite ma déclaration et mes excuses qui sont complètement parties en vrille sur ce palier de malheur, et maintenant cette honte suprême, moi à quatre pattes sur son paillasson, le cul en l'air, la langue tirée et le bras tendu pour tenter d'attraper ce p***** de sac dans lequel j'ai toute ma vie. Tout ça pour éviter qu'il me voit à travers le judas. Et Lui, évidemment, qui a ouvert sa porte au pire moment, et qui me fixe maintenant avec son regard qui me retourne le bide sans dire un mot.

Journée de meeeeeeeeeerde ! Sainte Rita, patronne des causes désespérées, je m'en remets à toi, promis j'irai faire brûler cent mille cierges dès demain mais il faut que tu me sortes de là. Enfin ce serait cool... vraiment ... Please ! Parce que c'est gênant quand même, très gênant ... Pire que sortir des toilettes du bureau avec du PQ collé sous le pied ou la jupe coincée dans le collant, voire les deux en même temps.

Peut-être qui si je repars comme je suis venue, sans bruit, sans rien dire, et en marche arrière, on pourrait faire comme si de rien n'était ? Ça peut se tenter en tout cas, et puis de toute façon, au point où j'en suis, je peux difficilement me ridiculiser plus ...

Allez ! Go !

Je referme mes doigts sur une bretelle du sac, le tire l'air de rien vers moi et recule le genou droit ... puis le genou gauche ... encore le genou droit ... et le genou gauche ... droit ... gauche ... droit ... gauche ...

Bien, ça fonctionne, surtout ne pas relever la tête, garder un air digne et prier très fort pour que personne n'arrive derrière moi pendant ce temps, ou mes fesses n'auront plus de secret pour un parfait inconnu.

Bon, j'ai du faire quoi à vue de nez, 3 mètres, donc il doit me rester une vingtaine de reculades et je pourrai me relever et disparaitre dans l'escalier ... Tiens un angle, ah oui c'est vrai, j'ai tourné à gauche en arrivant, je dois être à la moitié du chemin, donc là je dois me décaler vers la gauche à nouveau et ... ouch ! ... putain d'extincteur qui vient de s'incruster dans ma hanche, je suis bonne pour un énorme bleu demain ... Fait chier ... Journée de meeeeeerde !

Plus que quelques "pas", et heureusement, parce qu'en plus de ma hanche défoncée, j'ai les genoux en feu, quelle idée pourrie quand même. Parfois je me surprends dans ma connerie, je crois que j'ai déjà touché le fond mais non, je suis toujours pleine de surprises ... J'ai quand même le don pour me fourrer dans des trucs pas possibles et jamais réussir à m'en sortir normalement. Franchement, Ben a raison, à 29 ans, faudrait que je devienne adulte dans tous les domaines de ma vie, et pas seulement au boulot ...

Surtout que ça aurait pu se passer pas trop mal si Camille était resté devant sa porte au lieu de me suivre, en accordant ses pas sur les miens. Un genou reculé pour moi, un pied avancé pour lui, un genou, un pied ... Agaçant. Très agaçant. Mais je devrais plus être loin de ma délivrance maintenant, enfin je crois, j'ai toujours été nulle pour évaluer les distances. Si j'avais su, j'aurais fait attention à l'aller aux détails qui auraient pu me renseigner sur l'endroit précis où je me trouve ... Mais d'un autre côté, comment imaginer une seule seconde cette situation absurde, hein ?

Tout à coup, alors que je pense avoir vécu le pire, la situation dégénère et m'échappe complètement.

Je vois Camille courir vers moi, me crier "ATTENTION !", se jeter à genoux en attrapant mes épaules ... et dégringoler 30 marches avec moi, tête par dessus cul. Le bruit du bois qui craque m'indique qu'on vient d'atteindre la rampe du palier inférieur et qu'elle est en train de céder sous notre poids. Camille me hurle de ne surtout pas bouger mais l'info atteint trop lentement mon cerveau qui vient de faire des tonneaux et qui m'ordonne, malgré tout, de me relever en prenant appui sur le premier truc qui me tombe sous la main. Soit la rampe. Qui cède définitivement pour le coup et nous entraîne tous les deux avec elle un étage plus bas. Ma chute est amortie par Camille qui me tient toujours dans ses bras et au moment où je recommence à respirer, un cri de bête pas sexy pour deux sous, à la croisée d'un goret qu'on égorge et d'une hyène sous LSD,  sort de ma gorge. Ma cheville gauche n'a pas résisté à la chute. Je la découvre sous un angle très artistique mais complètement contre nature et je n'arrive à m'échapper à sa contemplation qu'en entendant la voix de Camille me murmurer à l'oreille " Charlie, je crois qu'on a un problème "

Notre raffut à rameuté tout l'immeuble, ça s'agite et ça crie dans tous les sens, des mots que je ne comprends pas vraiment, et je tente de me redresser sans succès vers Camille. J'ai mal partout. Je tourne péniblement mon visage vers lui au moment où il ferme les yeux en serrant les dents et je me mets tout à coup à paniquer en réalisant qu'il est couvert de sueur. A deux doigts de tomber dans les vappes, il prend ma main pour me montrer la nature du "problème" et la glisse entre nous jusqu'à ce qu'elle bute sur une tige dure et froide. J'aurais aimé à ce moment précis une petite blagounette de sa part pour détendre l'atmosphère, même nulle, même me faire toucher sa bite et se marrer d'un rire bien gras et communicatif. Mais je reconnais immédiatement le toucher du fer forgé typique des barreaux d'une rampe. Tout autour de ce morceau de métal si caractéristique des vieux escaliers parisiens, deux masses chaudes et souples ... Deux ventres ... Les nôtres ...

Moi qui était venue pour me rapprocher j'étais servie, j'avais carrément fusionné avec lui. Empalée sur mon (ancien) stagiaire pour la 2ème fois. Mais si la première avait été délicieuse, celle-ci me faisait un mal de chien. Impossible de trouver une position plus confortable sans nous faire jongler tous les 2. Camille était pâle comme un linge, percé de part et d'autre par ce fichu bout de métal et obligé de supporter mon poids puisque j'étais incapable de bouger. Culpabilité maximale pour moi ...

Ironie de la situation, Ben serait peut-être fier de moi finalement : j'avais rampé et m'étais mise à genoux (au propre comme au figuré), j'avais présenté mes excuses (bon, ok , plus ou moins mais l'intention y était), je lui avais avoué mes sentiments (d'une manière détournée certes) et j'avais même occasionné un corps à corps. Tout n'étant toujours qu'une question de présentation des évènements, il suffirait juste de savoir comment les tourner à mon avantage.

Je suis extirpée de ma réflexion stratégique et franchement déplacée par un fantasme sur pattes, digne de figurer dans le plus sexy des calendriers de Pompiers. Il s'accroupit devant nous et tente désespérément de me faire comprendre la gravité de la situation dans le brouhaha ambiant et la panique générale. Camille a perdu beaucoup de sang, et accessoirement connaissance, et ils doivent absolument nous évacuer au plus vite sans nous désolidariser. Un bloc nous attend à la Pitié, le transfert doit se faire maintenant. A l'évocation de l'opération, je commence à tourner de l'œil. Trop d'heures passées à boulotter des cochonneries et me larmoyer devant Grey's et Urgences ont laissé des marques. Je pense illico NFS, Chimie, Iono et Gaz du Sang. Je vois presque Sloan passer dans mon champ de vision avec son scalpel et sa fossette enchanteresse et Carter tenter de me faire un massage cardiaque de la dernière chance, à la barbare, à genoux sur mes cuisses. Un fou-rire nerveux me secoue d'un coup, aussitôt suivi d'une crise de panique pendant laquelle je tente de fuir. Sans succès évidemment. Je viens officiellement de péter un câble et ce n'est qu'en voyant Camille grimacer de douleur sous mes mouvements que je réussis à me calmer. Enfin avec cette prise de conscience ET le masque que me colle sans sommation ni délicatesse Monsieur Février sur le visage.

Et je sombre enfin, toujours dans les bras de Camille, dans un sommeil artificiel bienvenu et salvateur ...

Bon, finalement, j'ai décidé de couper ce chapitre en deux, pour vous faire patienter encore un peu plus ... La suite ne devrait pas tarder cette fois (si si  :-) et sera, j'espère, à la hauteur ^_^

Un stage haute tensionWhere stories live. Discover now