Chapitre 26 - Charlie

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Les filles me regardent sans rien dire. J'ai les boules, mais je ne veux pas leur montrer à quel point je suis blessée. Après toutes ces montagnes russes, je pensais qu'on mettrait sur pause l'ascenseur émotionnel avec Camille, ou tout du moins qu'on arrêterait les "je t'aime moi non plus". J'avais vraiment envie d'y croire. Non en fait j'y croyais, dur comme fer.

Et parce que je suis tombée amoureuse de ce trou du cul, je me sens maintenant comme la dernière des merdes. Ça reste cohérent. Je me suis faite avoir comme une ado mal dégrossie et je crois que je le déteste encore plus pour me faire ressentir ça que pour s'être tapé l'autre pouffiasse.

La conversation avec Ben a été brève, il a senti à quel point j'étais mal et ne m'a pas posé de questions. Il a été parfait, comme toujours, et a accepté sans hésiter de venir me chercher pour m'emmener dans un de ces coins magiques dont il a le secret. J'ai besoin de faire le vide et d'oublier Camille dans ses bras. Aussi vite que possible. Genre maintenant. Richard me tannais pour que je prenne mes vacances, il va être servi.

Je plante les filles sans un mot, je sais pas quoi leur dire de toute façon. Je saute dans un taxi et attrape mon téléphone. J'affiche la photo de Camille et Olivia enlacés et endormis. Un truc me chiffonne mais j'arrive pas à mettre le doigt dessus. C'est que ça doit pas être si important. Il a tout foutu en l'air, je vais pas non plus commencer à lui chercher des circonstances atténuantes.

1 heure plus tard, j'ai tout ce qu'il faut dans mon sac à dos spécial roadtrip et grimpe sur la moto de Ben. Bien accrochée à lui, les mains glissées dans les poches avant de son blouson, je me laisse aller à cette sensation de vide et de liberté qui s'installe doucement. Les kilomètres et les paysages défilent et le bord de mer pointe enfin le bout de son nez. La maison blanche et bleue de son enfance est là, dressée devant moi comme un phare éclairant ma vie devenue un grand n'importe quoi.

Ben m'aide à descendre de sa moto et disparait dans la maison déposer nos affaires. J'attends patiemment qu'il revienne en me gorgeant des sons et des parfums typiques de ce coin perdu au milieu de nulle part quand je sens sa main effleurer mon cou et repousser mes cheveux sur le côté. Ses lèvres se posent alors délicatement à la base de mon oreille, pile là où passe le nerf magique qui me transporte direct au paradis. Sa bouche continue sa lente descente le long de mon cou, et finit sa course nichée tout près de ma clavicule, en silence.

Sans rien exiger de plus pour l'instant de ma part.

Ben a toujours su ce dont j'avais besoin sans que je lui dise. Et si finalement je m'étais trompée sur lui, et sur nous ? Est-ce que je nous ai réellement laissé une chance un jour?

Ici, perdue au milieu de la bruyère typique, le visage fouetté par les embruns bretons, je suis encore plus larguée qu'à Paris.

Mais j'ai 3 semaines pour remettre ma vie en place. 3 semaines pour faire le vide et me faire dorloter et baiser par Ben sans penser à ma vie parisienne. Et je compte bien mettre à profit cette pause salvatrice dès ce soir.

Les lèvres de Ben sont toujours posées sur ma peau et attendent ma bénédiction pour poursuivre leur exploration. Je me retourne alors vers lui totalement disponible pour ce qui va suivre. Pour lui. J'ai fait le vide dans ma tête et décidé, à l'instant, d'oublier Camille définitivement. A partir de maintenant, je tente le tout pour le tout avec celui qui est là depuis toutes ces années. Marie avait raison. Je l'ai vu dans ses yeux quand il est venu me chercher. Il m'attend depuis longtemps. J'espère que je serai à la hauteur.

Il faut que j'arrête de cogiter en tout cas, ça ne m'a jamais réussi jusque là.

Je lève la tête vers Ben et lui souris avant de le prendre par la main et de partir vers le cabanon en bois qui a vu naître notre relation amicale "avec avantages en nature" il y a 10 ans tout rond. La porte grince toujours et résiste un peu mais elle finit par céder. Tout est resté en l'état depuis ma dernière visite. Le vieux canapé me fait signe de le rejoindre et je ne me fais pas prier. Ben me suit aussitôt et nos reprenons nos jeux là où nous les avions laissés avant Camille, quand tout était si simple ...

Les heures passent et nous sommes toujours dans cet abri au fond du jardin de son enfance, le sexe pur, violent, sans concession dont j'ai eu besoin pour changer de peau les premiers instant à fait place à cette tendre discussion sur l'oreiller que je chérissais encore il y a peu. Ce moment déconnecté de la réalité où nus dans les bras l'un de l'autre, nous parlons de tout et de rien comme le font deux vieux amants qui se connaissent sur le bout des doigts ... ou un couple amoureux ...

Les heures passent, puis les jours...

Ben m'a fait la surprise de mettre au maximum son boulot entre parenthèse pendant toute la durée de notre séjour. Les rares fois où il devait me laisser pour travailler, je passais ce temps à avaler des kilomètres de landes ou rêvasser tout en haut d'une dune, les yeux perdus sur la ligne d'horizon, une reprise de "So Lonely" indolente et voluptueuse en boucle dans mes oreilles.

J'étais bien. Heureuse. Détendue. Apaisée. Reconnectée.

J'avais l'impression d'avoir trouvé mon point d'équilibre, à l'aube de la trentaine.

Mais c'était sans compter sur le karma ...

J'ai pas eu à attendre la fin de ces 21 jours pour que la réalité me rattrape et me percute de plein fouet.

Juste 15.

Plus 3.

3 petits jours en apparence anodins

3 petits jours insignifiants à l'échelle d'une vie.

3 tout petits jours ... de retard.


Un stage haute tensionWhere stories live. Discover now