Chapitre 17 - Camille

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La claque me fait l'effet d'un électrochoc.

Chaque centimètre carré de mon corps vient de recevoir une dose d'adrénaline nettement supérieure à ce qu'il est capable d'encaisser.

  A cause d'un simple contact sur ma joue.

Un putain de douloureux contact en passant, je m'attendais pas à ce qu'elle y mette une telle violence.

Comme si elle avait mille messages à me faire passer avec cette gifle ...

Et le pire, c'est qu'elle ne se doute surement pas un instant à quel point je les ai bien reçus ses messages. Tous. Un par un. À quel point ils se sont insinués à l'intérieur de moi, dans chaque pore, chaque veine, chaque cellule, pour venir se percuter tous en même temps dans mon cœur qui n'y était pas, mais alors pas du tout préparé ...

Explosion.

Stupéfaction.

Réaction.

Il faut que je lui parle, que je désamorce la bombe.

- Charlie ...

- TA GUEULE !

Elle ne dit rien de plus, mais ses yeux me fusillent, me blessant plus sûrement que n'importe quel mot. Ils me crachent sa colère, sa rage même, son incompréhension, sa tristesse, ses regrets. Et son désespoir. Tout ça en silence. Sa réaction me fige. Si puissante. Si entière. Si intense. Si extrême.

Son corps, lui, est totalement immobile depuis qu'elle m'a hurlé de me taire, comme statufié. Mais pas ses yeux bleus d'ordinaire si doux. J'y vois passer tellement de choses et de sentiments que je me prends une deuxième gifle.

Au bout d'un long moment passé à se fixer mutuellement, je me demande si elle a pas carrément buggé.

Il faut que je la fasse redescendre auprès de moi, avec du lourd. Un contre-choc. Je tente un coup de poker.

- Bébé ...

Gagné ! Elle atterrit, brutalement, mais elle revient.

- Bébé ? BÉBÉ ? Mais comment tu oses m'appeler comme ça ? T'es qui pour te le permettre ? CONNARD DE TROU DU CUL ! Te fais pas d'illusions, si j'ai accepté de te rejoindre ici, c'est pour mettre les choses au clair. T'es rien d'autre qu'un pauvre mec, qui pense qu'avec sa bite. Mais mon pauvre vieux, si tu savais où t'as prévu de la fourrer ta précieuse queue ... À moins que tu ne l'aies déjà baisée en fait, peut-être même dans ces chiottes sordides juste avant que j'arrive ? Tout le monde sait que cette pute s'est faite plus serrer qu'une sardine dans une boîte et toi tu passes juste derrière une longue liste de merdeux comme toi, sans amour propre, sans dignité ! Tu me dégoûtes !

Bon elle est bien revenue là, je m'en suis pris plein la gueule comme il faut, mais j'ai mes limites, et là je vais péter un câble si elle continue. Faut que j'amorce la fin des hostilités.

- Charlie écoute moi !

- NON ! Je veux rien entendre ! Et j'en ai assez vu comme ça. Je me casse, laisse-moi passer !

- Oh non ma belle, j'en ai pas fini avec toi. Du tout.

Elle se retourne, une colère froide irradiant de son corps tendu comme un arc. Et tente d'atteindre la poignée de la porte.

C'est le déclic. Mon déclic.

Je lui attrape la main et la tire jusqu'à une réserve toute proche. Une fois à l'intérieur, je la coince contre le mur et viens me figer contre elle. Ses seins chauds contre mon torse me brûlent mais j'essaye d'en faire abstraction. Pour le moment.

J'attrape ses mains et les maintiens derrière son dos. Nos visages ne sont maintenant plus qu'à quelques tous petits centimètres l'un de l'autre et je vois que dans son regard s'est invité un sentiment supplémentaire et involontaire. Le désir. Brut. Sans artifice. Sa tête est en train de lutter contre son corps et le débat est houleux.

Ses yeux se ferment soudainement quand elle adosse sa tête contre la porte. Elle n'a pas tenté de se dégager une seule fois. Je prends ça pour un encouragement implicite, et je franchis les derniers centimètres qui nous séparent encore.

J'ai imaginé ce moment tellement fois ces deux dernières semaines que j'arrive pas à empêcher mes mains de trembler dans les siennes. Je sais que c'est ma seule chance d'inverser la vapeur et ça me rend nerveux.

Je pose mon front contre le sien et sens le sang battre fort contre ses tempes. Elle attend. Et moi je suis suspendu à sa réaction. Comme un ado amouraché. J'inspire doucement et pose mes lèvres sur le coin externe de sa bouche. Un soupire lui échappe et elle se mord instinctivement la lèvre inférieure.

Ce geste involontaire et imprévisible me fait littéralement disjoncter mais je me force à ne pas bouger, ma bouche toujours posée près de la sienne. J'attends le signal de sa reddition.

La tension est devenue totalement insoutenable.

Je lâche finalement ses mains pour venir poser les miennes dans le creux de son dos. Tout son corps pulse et le mien lui fait écho. Synchronisation parfaite.

Mes mains remontent très doucement le long de sa colonne vertébrale puis redescendent tout aussi lentement se poser sur ses reins. Son bassin se rapproche du mien et elle doit plus que sentir l'effet qu'elle me fait. Absolument tout palpite en moi, ma tête, ma peau, ma queue et surtout mon cœur. Son battement est tellement violent et anarchique que je le soupçonne de tenter de s'échapper de ma cage thoracique pour venir se loger dans la sienne et fusionner. Traître ...

Je reprends le contrôle de ma bouche et lui intime de se poser un peu plus loin, le long de sa mâchoire que j'effleure de mille baisers jusqu'à ce que mes lèvres viennent se perdre dans son cou brûlant.

Moi qui me connaissait sauvage, direct, autoritaire et empressé, je me découvre délicat, léger, capable de survivre et apprécier une attente que je créé moi même.

A sa respiration soudainement saccadée et plus rapide, je devine qu'elle est prête pour la suite, en tout cas qu'elle l'attend. Autant que moi je l'espère et la redoute à la fois.

Elle ne me regarde toujours pas, mais ses yeux trahissent son agitation interne en s'agitant frénétiquement sous ses paupières fermées. Elle se contient, se retient, et me fascine par sa maîtrise et le contrôle qu'elle exerce sur son corps.

Moi je suis en train de brûler de l'intérieur, de me consumer à petit feu. Je ne suis plus qu'une bombe H prête à être larguée. J'en peux plus de me contenir à ce point, c'est inhumain, je suis paniqué à l'idée que tous mes neurones grillent d'un coup, terrassés par une coupure générale de mon cerveau.

Si je m'écoutais, je me jetterais sur sa bouche en lui intimant l'ordre de me rendre mon baiser, je caresserais son corps avec avidité et délectation, je la prendrai contre ce mur froid et rugueux sans autre forme de procès.

Je chasse cette idée trop dure à supporter et continue de déposer une pluie de baisers sur son visage. Mais ma patience vient d'atteindre sa limite, et mon cœur s'est soudainement décroché de sa cavité naturelle pour tomber à mes pieds, prêt à être piétiné.

Alors que les premières notes d'un "Dummy" étouffé parviennent jusqu'à nous, la magie de Portishead opère et le miracle se produit. Mon miracle.

Elle ouvre enfin les yeux ...

Un stage haute tensionWhere stories live. Discover now