p.36 › pleure dans ma peau.

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Nous sommes déjà jeudi. Demain ce sera avion toute la journée et retour en Ohio, sauf que personne ne souhaite se séparer de Paris. Malgré sa population un peu stressante et ses pigeons envahissants, c'est une ville au caractère plus que respectable et où les gens sont fiers d'habiter.

Alors, dans le dessein de faire de cet après-midi quelque chose de mémorable, chacun est libre de faire ce qui lui plaît Après ces moult musées, parcs, et monuments, un petit peu de liberté ne serait pas de refus...

Comme prévu, la moitié de la classe s'est précipitée vers la Tour Eiffel – chose que Mme Perrault redoutait en raison de son vertige – tandis que les autres, évidemment trop flemmards pour prendre le métro, ont préféré flâner dans le quartier.

Il ne restait alors plus que nous. Ana, Maé, Mace et moi, plantés devant l'accueil sans parvenir à nous décider. Mais grâce à l'aide d'une des hôtesses, nous avons finis par opter pour le centre Georges Pompidou, accessible à pied depuis notre hôtel. Un endroit plutôt chouette d'après les plaquettes disponibles en bout de réception, aux couleurs vives et aux expos innovantes. De quoi assouvir la soif d'art contemporain de nos deux américaines...

Une fois là-bas nous y avons pris une crêpe. Puis une deuxième, le tout chez un indien apparement expert en la matière. Comme des pancakes au disque plus grand et plus fin, on a pas mal apprécié le concept. Pareil pour l'extérieur du centre culturel : une espèce de grand pavé fait d'entrelacs de tuyeaux colorés et de couloirs de verre.

« Qu'est-ce qu'on est censé y faire ? s'interroge Mace alors que nous descendons l'esplanade pavée, inclinée en direction du bâtiment.

Captivé par un peintre installé un peu plus loin, je laisse les deux filles lui répondre. Éparpillés un peu partout sur la place, des dessinateurs, artistes de rues et artisans venus proposer leurs confections divertissent les touristes.

— Il y a une exposition sur la photographie des années 80...

— C'est vachement contemporain ça ! je m'exclame en prenant l'air hagard.

J'écope d'un regard noir de la part de Maé.

— Tu préfères peut-être qu'on te laisse à la halte-garderie du musée ? C'est tout à ton honneur.

— Tu es tellement drôle Maé : j'en suis tout emoustillé...

— Ça suffit tout les deux, intervient Ana en glissant son bras autour du mien. Taisez-vous et rentrons.

D'un mouvement simultané, nous levons les yeux au ciel. Elle sourit et son étreinte se raffermit autour de mon coude. Ses converses claquent sur le pavé et elle nous entraîne, Mace, La Débile et moi, vers la longue file d'attente nous barrant l'accès aux portes battantes.

Une heure passe et nous en sommes aux trois quarts de l'exposition. Mace fait mine de s'ennuyer, bien qu'il passe près de cinq minutes à dévisager chaque cliché, et Maé tape la discute à un duo d'amies bobo-chic. Coupe au carré, long manteau en feutre camel, lunettes de hibous et jean baggy taille haute ; je n'ose même pas imaginer le nombre de clones qu'elles doivent rencontrer sur tumblr.

Ana, quant à elle, ne reste jamais bien loin de moi. Parfois nous échangeons quelques mots, un regard complice signifiant que nous flashons tous les deux sur la même photo.

Arrivés à l'avant-dernière salle, la rousse reste un long moment bloquée devant les clichés d'une femme au corps filiforme. Main dans les poches, bouche entrouverte, elle analyse sa taille de guêpe et ses os saillants. Un soupir caresse ses lèvres.

stratosphère.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant