p.54 › stratosphère.

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de :: Roshe à :: kyrel
(06:03) Salut Kyrel. Je n'aime pas l'idée de te le dire par message, mais je préfère le faire avant que l'on ne se voit. Je crois que j'aurais pas le cran de te le dire face-à-face en premier lieu, alors excuse-moi, vraiment. Mon père et moi on repart au Liban dans une semaine. Ça faisait un bout de temps qu'il en avait envie et qu'il m'en parlait. Je lui ai donné mon approbation hier. Tu es la seule chose, la seule personne pour qui je serais resté ici. Mais je crois que toi et moi c'est trop compliqué pour pouvoir subsister. Ça me heurte profondément et j'aimerais pouvoir t'en parler de vive voix pour tout t'expliquer. Rejoins-moi derrière le gymnase dès que possible.

Je fixe l'écran de mon téléphone. Il est 10h au Yéti Café. Roshe est parti. Je l'ai vu sur notre bloc d'aération, ce matin. D'un commun accord ce fut court. À présent prostré au fond de notre ancien QG, je guette d'une oreille traînante la discussion qu'entretient un groupe de secondes d'High Abrahams.

« T'as entendu ce qu'il s'est passé à la compétition de natation dimanche ? C'est dingue.

— Bof, ça m'intéresse pas trop la natation.

— Non mais là j'te parle pas de natation, mais  de ce qui est arrivé au "mec" de Kyrel.

Même si durant tout le trajet jusqu'au bloc d'aération je refusais d'admettre les explications que je figurais déjà fuser de sa bouche, je savais. Je savais pourquoi ma promesse s'était retrouvée vaine avant même que je ne puisse l'accomplir, pourquoi tout avait volé en éclats dès l'instant où notre passé nous avait rattrapé. Je savais ce qu'il allait me dire, et je m'en mordais les doigts d'avance. La culpabilité et le regret ne m'avaient jamais autant rongé.

Sans pour autant nous toucher, nous étions si proche émotionnellement que j'ai cru ne jamais pouvoir me détacher de lui. De tout : de son corps, de sa peau, de son odeur, de son esprit, de son cœur. Ta présence me heurte, elle me rappelle trop de mauvais souvenirs et de choses que j'aurais préféré oublier. De part nos sanglots naissants et de la tension ambiante qui parcourait nos épidermes, notre douleur ne s'était jamais manifestée de manière si palpable. Je pensais que je pourrais surmonter tout ça, que t'étais la bonne personne et que je pourrais poursuivre ma vie à tes côtés. Je l'ai contemplé pendant qu'il parlait. Pas juste observé ni même dévisagé, mais contemplé. Chacun des traits de son visage que j'avais maintes fois embrassés, mordillés, caressés, pressés, ses mains noueuses qui m'avaient longuement exploré et appris. Mais ce qui s'est passé hier m'a prouvé que c'était impossible. J'y ai revu notre première fois, les fois où il jouait du piano, le son de sa voix selon les moments de la journée. Engourdie le matin, chantante le soir lorsque l'alcool est à portée de main, et rauque le lendemain quand son métabolisme lui explique qu'il ne s'en remet pas très bien. Tout semble te rattraper constamment Kyrel, et je ne peux pas en endurer plus. C'est égoïste, mais tes peines et les miennes sont trop lourdes pour que je puisses les endosser toutes les deux. Je suis désolé.

— Il paraît qu'il s'est fait bastonné à la sortie de la piscine. Après tout ce qui a été exposé sur sa gueule, c'était pas la plus sage des décisions que de se montrer à un évènement pareil... Mais bon, comme ça a l'air d'être le sideboy inavoué de Kyrel, j'imagine qu'il a dû se dire que c'était le bon moment pour venir s'affirmer et se pavaner aux yeux de tous.

— C'est quoi un sideboy ?

— Non mais c'est pas important, bref. Il était là, et après que la compétition se soit terminée il a croisé le chemin de Benjamin et Sylvester. Tu sais, l'ex d'Anastasia, la meuf sur qui Kyrel était.

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