Le cauchemar de Harry

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« Continue de courir bébé, continue de courir. Ne te retourne pas. » Maman crie, ses mains encadrant mes joues mouillées. Ses yeux bleus sont emplis de larmes et ses doigts délicats tremblent contre ma peau blanche. Ses cheveux bouclés volent dans toutes les directions, certaines boucles tombant sur son visage alors que d'autres se mélangent avec ma propre tignasse. La proximité de son visage me fait sentir la chaleur de son souffle. Doucement, son parfum préféré atteint mon nez, me rappelant inéluctablement la tranquillité du mercredi quand nous passions des heures à regarder une ruche et ses abeilles.

« Est-ce que tu m'entends, Harry ? Continue de courir et ne te retourne pas. » Le son de sa voix me sort de ma brève rêverie : retour à la réalité.

J'acquiesce, incapable de parler. Ses lèvres trouvent leur place sur mon front et y restent pour ce qui me semble une éternité. Nous aurions dû avoir une éternité pour nous. Elle avait promis. Je ne lui en veux pas, toutefois, je savais que sa promesse allait être brisée. Brisée par le gouvernement. Brisée par la guerre qu'il avait créée.

« Je t'aime. » Elle chuchote dans mon oreille avant de placer un dernier baiser contre ma joue et me serrer fort contre elle. « Maintenant va. »

Elle se relève et me pousse vers le tunnel comme une dizaine d'autres personnes qui essaient également d'échapper aux bombardements dévastant tout sur son passage. Non loin de nous, je remarque une fille dont la mère tient la main ; l'enfant tremble contre le corps de sa mère. Elle n'est pas la seule à être effrayée ici. Je retourne mon attention sur ma propre génitrice quand elle me secoue par les épaules.

« Allez, pars maintenant ! » Elle crie.

Elle me pousse encore, et une bombe explose à une centaine de mètres de nous, démolissant bâtiment après bâtiment, tuant personne après personne. Une poussière épaisse obscurcie l'air, irritant mes yeux. Je les garde quand même ouverts, ne voulant pas perdre la vision de ma mère. Une blessure sur son front permis au sang de couler sur sa peau douce. Des hurlements de mutilés et de personnes blessées atteignent mes oreilles que je couvre avec mes mains ensanglantées.

Le chao s'aggrave de plus en plus, les personnes courent dans tous les sens, se bousculant les uns contres les autres sans le remarquer. Mais ils s'en fichent. Ils veulent survivre. Je suis bousculé d'une part et d'autre, et bientôt, je ne peux plus voir ma mère qui a disparu dans le désordre.

« Maman ! » Je crie à m'en exploser les poumons, mais je n'ai pas de réponse.

« Bouge, garçon ! », « Ne reste pas là gamin ! », « Cours ! »

Ils crient.

Explosion.

Ils courent.

Explosion.

Quelqu'un tombe à terre.

Plus de cris.

Sang.

Je suis noyé dans la vague de gens courant vers le tunnel. Un bébé crie dans les bras de son père. Une grand-mère est désorientée, ne sachant pas quoi faire. Une fille pleure, seule. Où sont ses parents ?

Mon instinct se manifeste. Je fais difficilement mon chemin vers elle et m'arrête en face elle, nos yeux regardant fixement l'un et l'autre. Son apparence fait peur, et je suis prêt à parier que le mien aussi. Sans un mot, j'attrape sa petite main dans la mienne et sens ses doigts resserrer leur emprise sur moi. Ce qui est supposé être un sourire rassurant se transforme en une grimace. Comment puis-je sourire dans une situation pareille ?

Je commence à courir, la fille à mes côtés. À peine arrivés à l'entrée du tunnel, nous sommes forcés de continuer de courir tout droit. La foule autour de nous, nous empêche de nous arrêter. Je voulus jeter un dernier coup d'œil pour voir si maman est derrière nous. Mais une petite voix dans mon esprit me hurle qu'il est trop tard. De mes treize ans, je dois prendre soin d'une fille de six, sept ans. Nous sommes tous les deux orphelins. À cause de la guerre.

Hello // VF  [H.S] (En pause)Where stories live. Discover now