Le destin de Harry

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J'aurai dû savoir.

J'aurai dû le voir venir.

Je ne sais pas pourquoi j'espérai différemment. Pourquoi les choses seraient différentes pour moi et pas pour les autres ? Pourquoi ne serai-je pas admis dans l'armée ? Pourquoi ai-je pensé que j'aurai pu fuir mon destin, lui échapper ?

Ce n'était pas possible. D'aucunes manières. J'aurai dû savoir. J'étais trop aveuglé pour voir la vérité, même si c'était juste là – devant mes propres yeux. J'avais cette lueur d'espoir enfouie au fond de mon cœur, cachée derrière l'obscurité, mélangée par l'envoûtante tristesse, l'aversion et la déception. Quand ils sont venus à moi, cette lueur s'est évanouie sans aucune hésitation. Juste ainsi, elle était partie. J'aurai dû m'y accrocher un peu plus fort. Peut-être que ça aurait marché.

J'en doute fortement, cependant.

J'ai eu dix-huit ans trois jours avant mon admission. J'ai été surpris que ces hommes ne soient pas venus le jour de mon anniversaire. Ils ont attendu trois jours comme s'ils voulaient me laisser espérer. C'était une chose cruelle à faire, parce que je me suis laissé berner. J'ai travaillé dur pour maintenir mes défenses mais le jour de mon anniversaire, après que le soleil se soit couché et que les ténèbres aient repris le contrôle de notre monde, je pensais que j'aurai été libre. Que j'avais été oublié. Je me rappelle avoir soupiré de soulagement, m'agrippant à mes draps alors que j'essayais de m'endormir. Mes murs se sont effondrés. Je ne le savais pas encore à ce moment-là, mais je m'étais affaiblis et c'était entièrement de ma faute.

Ils ont frappé à ma porte trois jours plus tard. Ils étaient cinq d'entre eux. Je me souviens clairement de chacun de leur visage. Ils ne sourirent pas. Ils ne sourcillèrent pas. Ils ne serrèrent pas leurs mâchoires non plus. Ils étaient sans expressions, vides de toutes émotions. Ils m'avaient dit que je devais les suivre ; j'ai fait ce qu'ils m'ont demandé. Je ne pouvais pas lutter contre eux, même si je faisais tout mon possible. Je savais que je n'avais aucune chance. Ils m'avaient donné trois minutes pour rassembler quelques affaires que je voulais emporter avec moi.

Je ne savais pas où j'allai être dirigé, mais je savais que je serai emmené loin, très loin. Je savais que je ne verrai pas ma maison avant un long moment. Je savais comment les choses fonctionnaient. Alors ils m'avaient entraîné dans un endroit sombre où une douzaine et douzaine d'autres – tous des jeunes garçons, tout comme moi. La plupart d'entre eux paraissait effrayés et désemparés à ce qui allait leur arriver. Ils avaient l'air stupides et je me souviens avoir ri pour moi-même. Ils m'ont dit de me taire et je les ai foudroyés du regard.

Faux.

Ça m'a valu une cicatrice sur le bras gauche. L'un de ces foutus abrutis a brûlé ma peau avec sa cigarette. Quand j'ai crié de douleur, il m'a giflé au visage, si fort que le son de la chaire battue a résonné dans mes oreilles pendant trente secondes ensuite. Ce jour, j'ai appris à me la fermer.

Comme des animaux, nous avons tous été alignés. Un homme marchait autour de nous, scrutant nos visages et nos corps, acquiesçant à certains d'entre eux, sourcillant ou riant à d'autres. Il s'est arrêté en face de moi et pendant plusieurs secondes, nous nous sommes fixés. Je ne pouvais pas, pour l'amour de Dieu, regarder ailleurs. Je ne serais pas soumis, je me suis dit. Je ne pouvais tout simplement pas perdre ma liberté. Avoir dix-huit ans était censé marquer la fin de notre enfance et le commencement de l'âge adulte. Pas la fin du paradis et le début de l'enfer.

Hello // VF  [H.S] (En pause)Where stories live. Discover now