Chapitre 1

261K 11K 224
                                    


Sous la grisaille, la ville de New-York prenait des airs désastreux, mais pourtant la civilisation se pressait dehors pour se rendre à leur travail. Chaque seconde n'était pas figé, les parapluies noirs étaient de sortie, les femmes en talons aiguilles marchaient à une allure maîtrisée au risque de se tordre une cheville.
Grace s'était abritée sous un petit abri au loin, guettant l'arrivée du bus.
La mauvaise idée de Savana lui poserait sûrement des problèmes et le premier était en train de lui valoir une bonne crève.
Un jeune homme s'était mis à courir et vint se cacher au même endroit qu'elle. Grace jeta quelques coups d'œil dans sa direction et se retourna dans le sens inverse.
— Quel temps !
Grace se retourna et sourit poliment.
— Vous attendez quelqu'un ?
— Une amie.
Elle espérait que sa réponse aussi brève qu'inaudible lui suffise, mais à son grand désespoir, il se rapprocha d'elle et s'abaissa légèrement pour passer sa tête sous sa capuche.
Grace se recula contre la paroi.
— Pardonnez-moi, mais vos yeux m'intriguent.
Ça y est, c'était reparti.
Elle posa sa main dessus et se retourna.
— Pourquoi vous cachez ma jolie.
Son angoisse se mélangea à la peur quand il prononça se petit surnom.
— Vous n'avez pas du travail ? Au lieu d'embêter une jeune femme sans défense !
Il éclata de rire.
Grace pivota son corps pour lui faire face. Jamais elle n'aurait pu rétorquer avec autant de violence si elle n'était pas sûre d'être entourée par des centaines de personnes se pressant dans les hauts buildings en acier.
Il lui adressa un sourire en coin et se pencha.
— C'est dommage on aurait pu s'amuser....
Grace lui adressa un regard noir avant qu'il ne s'en aille sous la pluie battante. Elle ne prit pas la peine de s'attarder sur ce fils à papa et vit le bus au loin.
— Oh non !
À cause de lui, elle ne l'avait même pas vu arriver.
Elle courut à travers la pluie pour rejoindre le groupe en y trouvant par miracle Savana qui lui faisait signe de venir dans sa direction.
— J'ai cru que vous ne viendriez jamais ! Dit-elle le souffle court.
— Désolé, le bus a pris du retard, oh seigneur, c'est horrible mes cheveux !
Grace écarta sa capuche et réprima une grimace. Ses cheveux étaient certes bien attachés, mais les boucles naturelles de la jeune femme eurent raison d'elle.
— Écoute Savana, je ne pense plus que ce soit une bonne idée.
— Mais si c'est une très bonne idée. Dit-elle en entourant son bras autour du siens.
— Tu entres et tu me photographies ce fichu tableau qu'il me manque pour mon examen final.
Grace l'obligea à s'arrêter alors que la foule se pressait pour entrer.
— Et si quelqu'un se doute de quelque chose ? Tu as réfléchi à ça ? Quand ils vont voir la photo, ils vont se demandaient où tu l'as eu !
Savana soupira.
— Et bien, je leur dirais que j'ai eu l'autorisation et voilà ! Aller vient, j'ai froid !
Grace la suivit, à contre cœur.
Elle leva les yeux vers le building en cristal tout en la suivant.
— Oh faîte comment as-tu réussi à venir ici ? Tu étudies la littérature pas la finance ?
Savana sauta sur ses jambes une fois dans la porte tambour.
— C'est Karl qui m'a invité !
Grace papillonna des yeux une fois à l'intérieur.
— Karl ? Le Karl ? Le professeur Karl ?
Savana fronça du nez.
— Oui, le professeur Karl.
— Mais.. Savana ! C'est un prof, tu ne peux pas enfin !
Son amie fit un signe de la main, sourire aux lèvres.
Grace vit le fameux Karl sourire comme un idiot.
— Et alors on ne fait rien de mal puisque ce n'est pas mon prof.
Karl Farmeur n'avait rien d'un professeur, il était jeune, elle se souvenait encore des échos dans les couloirs avant qu'elle ne soit diplômée.
C'est grâce à son père qu'il avait réussi et sans passer par les chemins rudes pour y arriver.
— J'espère qu'il est doué au moins ? N'oublie pas qu'il a volé la place à des professeurs biens plus expérimentés !
Savana reprit son air sérieux.
— Il est très doué, tous ses élèves en sont ravis de l'avoir comme professeur.
Perplexe, Grace regarda Karl du coin de l'œil.
— Demande à Josh si tu ne me crois pas. Ajouta Savana en souriant.
— Ça va, je te crois, je veux juste que tu fasses attention.
Elle lui adressa un sourire en coin sensible à sa remarque.
— Et toi, tu devrais te décoincer un peu.
Grace n'eut pas le temps de réagir qu'elle lui prit la main.
Elle l'a suivi avec appréhension, elle se sentait gênée, elle avait dissimulé son appareil photos dans son sac. L'intérieur de la tour était, pour ainsi dire, très carré, impeccable, éclairé par des lustres design. Le hall était grand, on pouvait entendre les pas des personnes présentes résonner. Le carrelage était brillant bien qu'elle pouvait y voir son reflet.
Des dizaines d'ascenseurs n'avaient de cesse d'être en action.
— Bienvenue dans la célèbre entreprise de monsieur Graïyos veuillez me suivre s'il vous plaît.
Alors que Savana semblait toute excitée, Grace était au bord de la crise cardiaque.
Le groupe d'étudiant s'était installé dans l'un des ascenseurs, Savana se glissa avec elle dans un autre. Une fois seules, Grace cessa de respirer.
— Tiens, met ça.
Elle jaugea la petite boîte qu'elle tenait les yeux plissés.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Des lentilles de couleurs parce que tu es en train d'attirer les regards ce n'est pas prudent.
Ça y est Grace suffoqua.
— Vite ! Aide-moi à les mettre !
Savana gloussa devant sa détresse alors qu'elle avait penché sa tête en arrière.
— Je te déteste Savana ! Je te hais aujourd'hui ! S'écria-t-elle alors qu'elle plaçait les lentilles en souriant.
— Cligne, Cligne...
Elle cligna des yeux une bonne dizaine de fois les doigts sur son visage alors que les portes de l'ascenseur s'ouvrirent.
— Et voilà, on ne voit plus tes yeux vairons.
— Merci Savana me voilà complètement rassurée. Railla Grace en plongeant sa main dans son sac.

Lentement, elles sortirent de l'ascenseur, l'étage était renversant extrêmement troublant, elle balaya l'étage en prenant son temps avant que son amie ne lui tire le bras.
— C'est ce tableau ! Chuchota Savana en le désignant des yeux.
Grace se rapprocha en évitant les nombreuses personnes qui s'affairaient à leur boulot sans se soucier de ce qui pouvait se passer autour d'eux. Savana avait beaucoup de mal à contenir sa joie, Grace dut lui jeter un regard suppliant pour qu'elle s'arrête enfin.
Elle se rapprocha davantage, vérifia que personne n'avait l'œil sur elle et sortit son appareil photo. Elle ne cadra pas l'image, ne prit pas le temps de la visionner, Grace appuya simplement nerveusement sur le bouton plusieurs fois et rangeant ce qui maintenant comportait des photos rares, et qui sans aucun doute lui vaudrons un jour des ennuis.
— Merci !
— J'espère que tu vas le réussir ton examen Savana parce que sinon....
— N'est-il pas beau ? Lança-t-elle.
L'art et elle ne faisait pour bon ménage, Grace tenta d'y comprendre le sens, mais n'y trouva rien. Après tout ce n'était qu'une femme à moitié nue.
— Ce n'est qu'une femme nue, je ne vois pas du tout de littérature là-dedans. Répondit-elle en haussant des épaules.
Elle jeta un coup d'œil à sa droite, puis à sa gauche.
— Savana ?
Les mains crispées sur la bandoulière de son sac, Grace chercha son amie des yeux, elle avait complètement disparue, à son grand désespoir. Elle pivota sur elle-même à la recherche du groupe, elle s'avança près du guichet, prête à demander à la femme si elle les avait vus mais cette dernière ne lui laissa pas le temps de parler et quitta son siège, visiblement pressée.
— Merci pour votre aide. Murmura-t-elle en la regardant partir avec une démarche de mannequin.
Grace grimaça et avança près des autres portes, quelques hommes la bousculèrent, puis enfin le calme revint au fur et à mesure qu'elle s'avançait.
— Hé oh ?
Personne.
— Dans quel pétrin tu t'es fourré Grace hum ? Se maugréa-t-elle à voix basse.
Elle continua de marcher sans trop savoir où puis se retrouva dans un cul-de-sac, où une seule porte trônait le bout du couloir silencieux.
Grace s'avança vers les deux portes noires en acier au style moderne et y colla son oreille avant qu'elle sente une présence derrière. Elle expira bruyamment quand elle s'ouvrit l'obligeant à se reculer. Une femme de ménage en sortit, Grace lui adressa un sourire poli, cette dernière lui rendit et lui retint pas porte.
Par peur d'être démasquée, Grace inclina sa tête en entrant pour n'éveiller aucun soupçon. La femme de ménage repoussa l'épaisse porte qui se referma toute seule provoquant un bruit presque d'église.
Elle resta quelques secondes bloquée devant les portes fermées puis se retourna la bouche entre ouverte.
La première chose qu'elle regarda c'est l'immense vitrage donnait sur une vue imprenable sur central Park.
Grace leva les yeux sur le haut plafond en spirale qui lui donna le tournis, l'aspect était froid presque glacial.Tous étaient bien disposé. Grace n'osa pas aller plus loin, elle préféra observer les lieux de là où elle se tenait.
Elle se pinça les lèvres en détaillant la grande table constituée de verre et de bordures noires. Puis elle regarda le bureau en bois massif acajou, bizarrement sa respiration se coupa. Elle pivota sur la gauche pour partir, mais s'arrêta quand elle aperçut un tableau semblable à celui qu'elle avait photographié.
Curieuse, elle traversa la pièce pour aller l'admirer.
Rien qu'un petit instant se dit-elle en parcourant les derniers mètres qui les séparaient du tableau.
Quand elle fut devant, Grace y trouva un peu plus de charme que le premier, les traits étaient tellement mal fait volontairement qu'on pouvait difficilement deviner la nature du tableau. Mais elle fut captivée, tant qu'elle resta devant la bouche fermée.
La folie et l'imprudence eurent raison d'elle. Grace plongea sa main dans son sac décidée à faire plaisir à Savana.
Une dernière fois.
— J'espère que vous n'avez pas l'intention de le voler ? Lança une voix derrière elle.

Un troublant milliardaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant