Chapitre 7

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Grace patienta dans un petit salon privé en face de son bureau. Elle avait remis puis retiré le cache de l'objectif nerveusement. Elle était là que depuis dix minutes et pourtant elle avait l'impression d'attendre depuis des heures. Elle croisa et décroisa ses jambes une bonne vingtaine de fois avant qu'elle n'entende la grande porte s'ouvrir.
Elle vit plusieurs hommes en sortir tout en discutant entre eux. Grace remit son appareil photo dans sa sacoche pendant qu'ils sortaient tous et réajusta le jupon de sa robe.
— Mademoiselle Lynnshe ?
Cette voix.... grave autoritaire l'obligea à lever la tête.
Quand leurs yeux se rencontrèrent, Grace réprima la chaleur qui commençait à l'engloutir entièrement.
Rien sur ses traits ne laissait paraître une chaleur humaine. Son regard était froid.
— Bonjour monsieur Graïyos.
Il pénétra dans le salon.
— Je ne pensais pas vous voir si tôt. Dit-il remarquer en regardant sa montre.
Grace trouva la force de se lever et de lui gratifier d'un timide sourire.
— C'est parce que je ne savais pas à quelle heure venir, je peux repasser si..
— Allons venez.
Sa main se posa dans son dos, cet élan de courtoisie lui provoqua un petit frisson dans la nuque.
Son parfum était aussi enivrant que la veille, son after-shave lui monta au nez, il était d'une élégance renversante, émanant un charisme presque agaçant.
Quand la lourde porte se referma Grace se retourna pour lui faire face.
Elle observa le bureau en pleine lumière, les vitres étaient si bien nettoyées qu'elle avait l'impression qu'il n'en y avait pas.
— Je suppose que votre amie est contente que je vous laisse prendre des photos de ce tableau si particulier à ses yeux. Lança-t-il en comblant l'espace qu'il y avait entre eux.
— En effet, elle l'est, cet examen est très important pour elle.
Un faible mais distinct sourire se forma au coin de ses lèvres.
— Alors venez, je l'ai positionné près du mur de façon à l'avoir dans la lumière. Expliqua-t-il en l'invitant à le suivre vers ce dernier posé sur une petite table en acajou.
Grace sortit son appareil d'une main gauche.
Elle aurait préféré qu'il reste à sa place....il se rapprocha et se mit à côté d'elle. Elle pouvait sentir son regard sur elle.
Déstabilisée elle se racla la gorge puis commença à prendre quelques clichés sous le regard silencieux du milliardaire.
— Ce tableau est beau n'est-ce pas. Dit-il au bout d'un moment.
Grace leva la tête vers lui puis la baissa vers le tableau.
— Il a du style...
— Du style ? Répéta ce dernier en un rire bref et rêche.
— Ce n'est qu'une femme. Se justifia Grace sous son regard interrogateur et irrité.
Il se rapprocha d'elle, son bras frôla le sien, il s'était mis à dévisager le tableau.
— Pour vous peut-être, mais pour moi c'est bien plus, et ça l'était davantage pour celui qui l'a peint mademoiselle Lynnshe.
Grace préféra ne rien dire, il avait raison.
— La femme n'est-elle pas la plus belle créature sur cette terre mademoiselle Lynnshe ?
Immédiatement, elle se mit à bafouiller quelques mots inaudibles.
— Si votre amie le veut c'est pour une raison particulière en rapport avec la littérature ainsi cette femme représente bien plus qu'une simple femme nue sur une toile. Reprit-il en baissant la tête vers elle.
Muette, elle quitta le tableau pour le regarder. Son regard était intense, troublant. Elle se pinça les lèvres et mit un terme à ce moment en se reculant.
— Bien, merci monsieur Graïyos pour le temps que vous m'avez accordé et...
— Asseyez-vous. Ordonna-t-il fermement en désignant le fauteuil dans lequel elle s'était assise il y avait à peine trois jours.
Elle jeta un coup d'œil à la porte de sortie et obtempéra.
Roderik serra les dents quand elle glissa ses ballerines jusqu'au fauteuil et se laissa tomber dessus les yeux rivés sur son appareil photo. Elle n'était pas en bonne santé et cela se voyait sous ses yeux cernés. Son teint diaphane devenait presque transparent.
— Vous allez boire un thé maintenant.
Elle releva les yeux et papillonna des cils, Roderik fut content d'avoir maintenant toute son attention.
— Je vais faire quoi ? Balbutia la jeune femme.

— Vous avez parfaitement entendu mademoiselle Lynnshe.
Roderik était parfaitement dans le bon timing, sa secrétaire pénétra dans le bureau avec un plateau qu'elle posa sur le bureau.
— Merci Lucie laissez-nous maintenant.
Elle disparut du bureau plus vite que son ombre.
Il attrapa la tasse de thé et lui tendit.
Elle hésita à s'en saisir puis la prit, ses doigts se posèrent sur les siens.
Roderik tenta de percer la jeune femme, mais n'y parvenait pas.
Pourtant, il savait s'y prendre pour percer à jour les gens, les analyser...
— Comment avez-vous fait pour me retrouver aussi vite ?
Sa question le ramena à la réalité, il passa devant son bureau et prit place en face d'elle.
— Mademoiselle Lynnshe les hommes riches trouvent avec aisance ce qu'ils veulent.
Elle rougit une fois de plus.
— Et pour la vraie Elise Marshall ?
Roderik tapota son pouce sur l'accoudoir et sourit.
— Elle n'a pas eu l'accueil qu'elle espérait.
— Oh mon dieu, j'ai gâché son travail. Dit-elle en se passant une main sur le front.
— Rassurez-vous elle aura son interview...un jour prochain.
Elle ne buvait pas son thé...
— Votre thé va refroidir.
Elle leva la tasse et but une gorgée sous son regard satisfait.
Sa bouche remua lentement, sa petite gorge avait dégluti à plusieurs reprises.
Maintenant qu'elle portait un vêtement moins ample, il pouvait distinguer ses belles formes. Elle était fine élancée, à travers l'épais coton de sa robe, il devina une belle poitrine.
Il se fustigea intérieurement.
— Parlez-moi de vos parents. Dit-il subitement.
— Et bien ma mère habite à New-York et mon père est partit quand j'avais cinq ans.
Roderik réprima son dégoût et se leva pour marcher un peu.
— Des frères ? Des sœurs ?
— Fille unique.
Roderik s'arrêta devant la baie vitrée et se demandait à présent pourquoi il voulait à tout prix connaître sa vie.
Ce n'était pas bien et le comprit bien trop tard.
— Bien je vais vous laissez monsieur Graïyos.
Il se retourna alors qu'elle se levait en récupérant son sac.
— Si vite ?
Elle venait de le prendre de court. Devait-il en rester là et ne plus revoir cette jeune fille ? Il n'était pas pour elle et ce n'était pas le style de femme qu'il avait l'habitude de fréquenter. Il les mettait en garde, il s'assurait qu'elles ne ressentent rien pour lui, les multitudes de caractères sombres dont il était doté ne s'étaient jamais éveillés en leur présence. Il était le maître incontesté quand il s'agissait de mettre une femme à ses pieds.
Mais celle qui se tenait ici en face de lui et qui s'empêtrait avec son propre sac à main le fascinait.
Et c'était mal...
— Oui je dois vraiment partir avant que Savana ne s'inquiète.
Roderik fronça des sourcils et s'avança pour mettre fin à son supplice.
Il lui prit le poignet, elle eut un mouvement de recul et releva ses beaux yeux vairons.
Il démêla sa lanière et la posa sur son épaule.
— Vous êtes sûre ? Pas d'autres photos à prendre ?
Il relâcha son poignet.
— Certaine monsieur Graïyos merci pour votre aide.
Il hocha de la tête en signe de reddition.
C'était mieux ainsi.
— Laissez-moi vous raccompagner.
Grace se laissa guider en direction de la sortie en savourant les derniers moments avec lui.
Elle se rappelait des paroles de Savana.
" Sais-tu combien de femmes rêveraient d'être à place ? "
Un jour, elle se vanterait d'avoir rencontré cet homme ténébreux et mystérieux...elle en était persuadée.
Cette rencontre aussi terrifiante que troublante restera à jamais dans sa mémoire.
— Vous n'avez rien laissé dans le salon privé ?
— Non, rien monsieur.
Elle sentit les doigts de ce dernier se crisper contre son dos. Un frisson parcourut son épine dorsale.
— Bien....Murmura-t-il.
Elle se retourna pour rencontrer ses yeux noirs.
Il paraissait contrarié, agacé et en colère.
— Au revoir mademoiselle Lynnshe. Déclara-t-il d'une voix profonde.
Il ne lui laissa pas le temps de répondre et se retourna pour disparaître à grandes enjambées.
Grace avait imaginé une autre fin pour cette rencontre. Elle pénétra dans l'ascenseur avec un goût amer dans la bouche.
C'est comme s'il avait été pressé de la quitter. Grace décida d'oublier très rapidement cette rencontre...le principal c'était d'avoir cette fichue photo.

Un troublant milliardaireWhere stories live. Discover now