Tome 2 ~ Chapitre 29 _ Tini

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J'ouvre doucement les yeux, la bouche pâteuse. Il me faut quelques minutes pour me rappeler que je suis à l'hôpital. Mon esprit est encore embrumé. Les évènements du jours précèdent me reviennent lentement en mémoire. La chambre dans laquelle je me trouve est vide, faiblement éclairée par la lumière du jour s'infiltrant par les volets électriques entrouverts. J'essaie de me redresser mais une douleur lancinante me prend au bas ventre et me fait arrêter tous mouvements.
Je me laisse retomber sur le lit, et juste à cette instant une infirmière entre dans la chambre, l'air maussade, allumant la lumière. Elle ne me salut pas et se dirige vers la table à droite de mon lit, où se trouve une masse de papier, qu'elle feuillette. Elle lance rapidement:

- Comment vous sentez vous ?
- Euh... Bien.réponds je, mal à l'aise.

C'était à demi-vrai. Mais elle ne me donne pas forcément envie de me confier. Physiquement, je me sens bien, si ce n'est cette légère douleur au ventre, mais mentalement... C'était une tout autre histoire. Je n'arrive pas vraiment à mettre de mot dessus, mais... J'ai comme une sensation de vide. Et je suis horriblement triste. La femme me pose une série de question, auquel je réponds à demi-consciente et m'ausculte, regardant à deux reprises ma cicatrice.
Où est Leon ? Et ma fille ?... Ma fille. Ce mot résonne en moi et me fait clairement paniquer.

- Avez vous des sensations de nausées ou...
- Où est ma fille ?!la coupé je.
- J'ai besoin que vous vous concentriez sur ce que je vous demande s'il vous plaît ! s'impatiente mme.Grognon.
- J'ai besoin de savoir comment elle va...m'inquiété je.
- Et moi, j'ai besoin de savoir comment vous allez, pour vous éviter de gros problème dans un futur proche. Nous avons rencontrer certaine complication durant l'opération, et l'hémorragie que vous avez faite n'était pas minime. Votre fille va bien, pouvez vous m'accorder un peu de votre attention, maintenant ?!me réprimande t-elle.

J'ai l'impression d'être une gamine de cinq ans auquel on reprocherai de ne pas avoir rangé sa chambre. J'acquiesce néanmoins, pressée d'en finir, en me répétant les paroles de l'infirmière "votre fille va bien"... Si j'ai pris autant de temps à poser cette question, c'est bien parce que je n'ai pas réalisé qu'elle était réellement parmi nous.
J'ai la sensation horrible de ne pas avoir vécu mon accouchement... Ce qui, entre autre, est vrai...
Je n'ai pas accouché.
Et j'ai réellement l'impression que l'on m'a volé ce moment, d'avoir été privé de cette instant que tant de femme qualifie comme un des plus beau moment de leur vie... Je n'ai pas entendu ma fille crier, je n'ai même pas pu la voir, ou la prendre dans mes bras, comme le font habituellement tous les parents. Mon coeur se sert.
L'infirmière sort de la salle sans même me dire où elle va. Tant mieux, elle m'insupportait. Néanmoins, la solitude que je ressens depuis tout à l'heure se renforce un peu plus encore. J'allais allumer la télé, pour essayer de faire passer le temps et me changer les idées, jusqu'à ce qu'une autre femme un peu plus souriante arrive, un fauteuil roulant devant elle.

- Bonjour ! Ma collègue doit s'occuper d'une autre patiente, je vous prends donc en charge... Tini, la fameuse chanteuse. rigole celle ci, en me faisant un clin d'il.

C'était plutôt gênant. Je souris néanmoins. Je viens de passer d'un extrême à l'autre niveau infirmière... Mais je ne m'en plaindrai absolument pas !

- Bien, je m'appelle Valentina, et jusqu'à la fin de ses deux prochains jours, soit la durée de votre séjour ici, je serai très probablement celle sur qui vous pourrez compter.
- La fin des deux prochains jours ?
- Oh... On ne vous a rien dit ?

Je hausse les épaules. J'étais ailleurs lorsque Mme.Grognon me parlait, donc, j'ai sûrement loupé ce passage.

- Nous devons simplement surveiller de près votre cicatrice, votre remise sur pied, et qu'il n'y ait pas d'éventuel complication, également. Vous resterez donc parmi nous et une fois chez vous, il faudra que vous vous reposiez le plus possible. Papa devra s'atteler aux tâches ménagères. plaisante t-elle.

Je hoche la tête alors qu'elle place le fauteuil à côté de mon lit.

- Bon, il me semble que votre petite fille n'attend que vous...

Elle m'aide à me redresser. Je grimace sous la sensation de brulure que je ressens au niveau de ma cicatrice et retiens ma respiration le temps d'atterrir dans le siège. Je n'ai même pas réussis à tenir plus de cinq secondes debout...

- C'est normal que ce soit autant douloureux ?osé je demander en m'autorisant enfin à souffler.
- Oui, malheureusement... Mais la douleur devrait s'estomper d'ici deux ou trois jours, ne vous inquiétez pas.

Elle me conduit ensuite deux étages plus haut, au service de néonatologie, en m'expliquant que Leon était partie assez tard hier soir, après être resté plus de deux heures près de la petite, qu'il n'a pas voulu toucher... Cette révélation me contrarie légèrement, pour une raison qui m'échappe. Je me sens patraque... Un sentiment étrange me compresse la poitrine mais je n'arrive pas à la définir, ce qui me frustre. Elle m'affirme que Leon a promit de revenir aujourd'hui, aux alentours de 9 ou 10 heures. Il est 9 heures passées... Il ne devrait donc plus tarder. Du moins, je l'espère. Je pense qu'on va grandement avoir besoin l'un l'autre durant les prochains jours...
Nous arrivons enfin et je suis heureuse de retrouver Emma, l'infirmière qui s'est occupé de moi et ma fille hier soir. Elle nous accompagne jusqu'à sa chambre, me donnant certains détails concernant me fille qui me retourne l'estomac... Je suis prise d'une certaine appréhension lorsque nous arrivons devant la fameuse pièce, où son prénom est affiché sur une feuille scotché à la porte...
Nous entrons. Au centre de plusieurs machines en tous genres, et de bruitages plus ou moins réguliers et incessants, se trouve Léana, installée dans une couveuse...
Un tout petit morceaux de vie, de 720 g et 31 cm, reflétant tout ce qu'il y a de plus fragile sur cette terre... Si petite, et déjà branchée à un nombre incalculable d'appareils... Sans parler des fils et tubes qu'elle a dans le nez, la bouche, ou qui lui parcourent le corps... J'avale difficilement ma salive, retenant mes larmes.
De la culpabilité. Voilà ce que je ressens...

- Donc voilà votre petite princesse...commence calmement Emma. Ses organes ne peuvent pas assurer pleinement leur fonctions à l'heure qu'il est, vous vous en doutez, et ses machines l'aident donc à s'en sortir... Sans elles, son espérance de vie serait quasiment nul... Pour l'instant, c'est difficile sur le plan respiratoire, mais le temps va faire que tout doucement, elle va s'améliorer à ce niveau, et s'habituer à vivre ici. Elle est costaud, je pense qu'elle s'adaptera rapidement ! Et donc, la couveuse, où ce que j'appelle personnellement le "petit oeuf", va simplement l'aider à réguler sa température...

Face à mon mutisme, elle demande:

- Vous voulez lui dire bonjour ?

Je déglutis difficilement et hoche la tête, approchant le fauteuil roulant de la couveuse. La sage femme diminue la hauteur du petit coffre transparent et ouvre une des petites fenêtres me tenant encore à l'écart de Léana. Je glisse doucement ma main dans la maisonnette de plastique et vient caresser délicatement l'intérieur de la minuscule main de ma jolie crevette.

- Coucou Léana...murmuré je. C'est maman...

Elle gesticule presque aussitôt à mon contact et ma voix, m'attrapant faiblement l'index. Une gouttelette d'eau ne tarde pas à venir s'écouler le long de ma joue. Soudain, une personne vient poser sa tête sur mon épaule, et m'enlace de ses deux bras, s'étant accroupi à hauteur de mon fauteuil. Je n'ai pas besoin de tourner la tête pour savoir de qui il s'agit.
Emma et Valentina sont sorties, pour nous laisser un peu d'intimité.
Mes larmes continuent de s'écouler lentement. Je m'en veux tellement...

- Je suis désolée...étouffé je entre deux sanglots.
- Tu n'as pas à l'être Tini... Rien n'est de ta faute. tente de me rassurer Leon.

Il dépose un baiser sur ma joue et me frotte doucement le bras dans un geste réconfortant.
"Rien n'est de ma faute"... Elle était bien dans mon corps, non ? C'est moi qui n'ai pas su la garder jusqu'à terme... C'est à cause de moi si ses débuts de vie sont si difficiles... Elle ne le mérite pas. Aucun enfant ne mérite ce qui lui arrive. Pourquoi faut il simplement que ça arrive ?

Nous sommes loin de l'image idyllique du bébé aux doigts et pieds tout potelés et aux joues roses et rebondies, les yeux pétillants et rieurs, que nous avions l'habitude de nous inventer...
Je me mords la lèvre inférieur en la regardant, si mince et faible, les yeux clos, et luttant chaque seconde pour survivre...

Je voulais juste être maman. Mais c'est comme si je m'y étais mal prise...

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Tini, Ma nouvelle vie ~ Tome 1 et 2Where stories live. Discover now