Chapitre 21

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Leeroy n'aurait jamais cru qu'il serait un jour heureux de reprendre la mer. L'océan lui avait manqué, les embruns sur son visage, l'air iodé, la sensation de vitesse une fois que les voiles du Baradkhan Fortune prenaient le vent. Il savourait tout cela d'autant plus que sa place à bord avait bien failli être compromise. Sur le gaillard avant, face à la mer en colère, il en venait à comprendre la passion qui avait tenu ses parents si loin de lui pendant son enfance.

Leeroy n'était pas une personne particulièrement compréhensive. Il pouvait encore comprendre ce qui poussait un enfant à voler, un chien à attaquer son maître violent, ou même une prostituée à se débarrasser discrètement d'un client un peu trop libidineux dans la mer. Mais certaines choses lui échappaient totalement. Il ne comprenait pas ce qui motivait les gens à s'engager dans la marine, à prêter serment d'allégeance à un roi, ou encore à ne pas simplement succomber à ses désirs lorsqu'ils sont pourtant manifestes. Surtout lorsqu'il était lui-même impliqué dans cette histoire. Les traditions anciennes, les vœux, les coutumes, tout cela, il ne parvenait pas à le comprendre. Là d'où il venait, les règles étaient faites pour être transgressées, et les dirigeants étaient en place en attendant d'être assassinés.

Aussi, lorsque Darius lui avait demandé de comprendre qu'il ne pouvait céder à ce qu'ils désiraient tous les deux, non, Leeroy n'était pas à même de faire preuve de tolérance. Toutes les anciennes lois de tous les anciens peuples de ce monde n'avaient pas à régir la vie d'un individu. Du moins, voilà comment Leeroy voyait les choses.

Il quitta le pont, décidé à ne pas en rester là. Il trouva Darius dans leurs quartiers. Il observait une carte de la région et fixait avec tant d'attention un point dans la mer qu'il n'entendit pas Leeroy arriver.

— Je ne sais pas lire.

Le Mariid releva enfin la tête et le contempla un instant.

— Je sais. Et vraisemblablement, tu ne sais pas non plus écrire. Un bon capitaine tiendrait son journal de bord avec assiduité.

Leeroy leva les bras avec impatience.

— Et un bon capitaine s'y connaitrait en navigation ! Nous savons tous les deux que je ne suis pas un bon capitaine. Je n'ai jamais demandé à le devenir.

— Pourquoi avoir gardé ce poste dans ce cas ?

— Eh bien, au début, c'était plutôt amusant. Je n'ai jamais vraiment eu la chance de me faire respecter dans ma vie, alors posséder ce titre est plutôt gratifiant.

Darius ne répondit rien et se contenta de l'observer prendre place sur une chaise à côté de la sienne.

— Apprends-moi à lire et à écrire.

Le Mariid arqua ses sourcils pour toute réponse.

— Écoute, poursuivit Leeroy, je dois admettre que tu es plutôt bon professeur. Tu étais patient, même avec moi, ce qui est vraiment une prouesse.

— Pourquoi cette soudaine envie ?

Leeroy le fixa un instant. Il n'avait pas spécialement envie de lui mentir ou d'esquiver la réponse. Sans mot dire, il se leva de sa chaise et entra dans sa cabine. Il revint quelques minutes plus tard avec un livre vert entre les mains.

— Je veux être capable de le lire, dit-il en déposant l'ouvrage sur le bureau.

Darius s'attarda un instant sur la couverture. Il le prit dans ses mains, et lorsqu'il posa ses yeux sur les parties liminaires, il ouvrit des yeux ronds.

Hurleblast - Tome 1 : Le pouvoir des MeidhirWhere stories live. Discover now