35. Braises ardentes

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Adrian

Mû par une colère sourde et une envie de pleurer agaçante, j'ai littéralement bondi jusqu'en haut de la tour ouest où Ciel s'est posée, ombre blanche dans l'encre de minuit.

Pourquoi a-t-elle fait ça ? Pourquoi m'a-t-elle empêché d'accomplir ce que l'Obscurité me commandait ? Pourquoi a-t-elle sauvé la vie d'un homme qui aurait dû mourir ?

Là-haut, je l'ai trouvée tremblante, en larmes, une expression choquée et lasse dans ses beaux yeux. Ma rage ne s'en est qu'intensifiée – ce n'était plus moi qui mouvait mon corps, mais les tentacules poisseux de mon élément. Une part de moi craignait que je lui fasse du mal, comme avec la femme de Jake. Mais l'Obscurité était tellement accrochée à moi que ces doutes se sont vite dissipés, rattrapés par ma haine de ne pas avoir pu faire ce qu'il fallait.

Et puis, quand elle a posé sa petite main sur moi, une lumière blanche, aveuglante m'a frappé en plein cœur. Pendant un court instant, je me suis senti... bien. Apaisé. Calme. Éloigné des peurs de ma folie. Mais ma noirceur est bien vite réapparue, et a chassé cette parenthèse de Clarté en moi. Et j'ai compris : Ciel a essayé de me détourner de l'Obscurité.

Tremblant sous la colère, je me suis enfui, mettant le plus de distance possible entre elle et moi. J'ai dévalé les escaliers, manquant de tomber à chaque marche, et j'ai couru jusqu'aux souterrains. Vers mon élément. Ma destinée.

— Obscurité ? j'appelle face à la cavité familière, essoufflé et suppliant.

Un sifflement aigu s'élève, et une ombre indistincte se débat devant moi.

— Adrian... Te revoilà, susurre-t-elle d'un ton menaçant.

— J'ai...

— Échoué. Je sais. Tu t'es laissé berner par cette sotte de Clarté.

— Je...

— Silence ! tonne-t-elle, m'arrachant un sursaut. Je ne veux pas entendre ta voix d'incapable. Tu n'as pas su accomplir une chose simple ; comment vais-je te donner des tâches plus importantes ?

Règle numéro un : ne jamais défier ou désobéir à l'Obscurité. Alors je garde le silence, regardant avec une horreur mélangée de fascination la forme devenir peu à peu une magnifique femme à la beauté envoûtante et dangereuse. Des ailes noires, immenses et parfaites frémissent dans son dos. Tout en elle est fatal : son corps, son visage, sa voix, son regard. Ses cheveux aussi sombres que ses ailes ondulent dans son dos, et sa bouche rouge sang s'étire d'un rictus entre l'amusement et le dégoût. Elle ne porte rien : nue, elle me défie, me laissant à genoux et implorant face à sa beauté et sa puissance destructrice.

— Tu me déçois, Adrian. Ton ancêtre Luvanga était plus coopératif. Il a sombré dans mes bras sans hésiter, alors que tu continues à t'opposer. Je n'aime pas qu'on s'oppose à moi.

Je n'arrive pas à détacher mon regard d'elle, ensorcelé par la menace attirante qu'elle dégage. Je suis happé, sous le choc, les jambes tremblantes ; ses yeux d'acier me terrassent.

— Tu refuses encore de t'offrir à moi. Pourtant, tu sais quel plaisir je pourrais te donner...

Elle s'avance et s'accroupit, se mettant à ma hauteur – je suis tombé sans m'en rendre compte. Je suis si faible, face à elle. Si insignifiant. Elle est si belle. Si forte. Si maléfique. Délicieusement maléfique.

— Je vois dans tes yeux que tu en meurs d'envie. Qu'attends-tu, pour te laisser aller ?

Son corps nu et brûlant m'appelle, lui aussi. Mais pourtant... quelque chose me retient.

Les Derniers DragonsWhere stories live. Discover now