74. Au crépuscule de la fin

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— Merci pour tout, Julien, mais il va falloir qu'on y aille. C'est assez urgent, dis-je en nouant mes doigts à ceux d'Adrian.

— Content d'avoir pu vous aider. Ciel, votre Altesse, salue-t-il en s'inclinant.

Mes lèvres s'étirent d'un petit sourire tandis que je tire mon prince vers l'échelle, l'intimant de me suivre. La pièce étroite et sombre commence à me donner une désagréable impression d'enfermement, et je sens que je vais tourner de l'œil si je ne sors pas d'ici rapidement.

Après avoir débattu sur qu'est-ce que pouvait bien être cette histoire de sang-mêlé, et n'avoir rien trouvé de concluant, nous avons mis une terme à notre conversation. Nous avons relu la prophétie, cherchant une erreur, un indice, bref, quelque chose, mais n'avons rien découvert de plus que ce que nous venions de comprendre.

Je grommelle alors que je sors de la trappe, me retrouvant dans une bibliothèque tout aussi sombre que ses archives. La nuit commence à tomber, et ce doit certainement être l'heure du repas – les gargouillements de nos ventres étant bien plus explicites que tous les soleils du monde. Adrian est juste derrière moi, et lâche un juron assez vilain à entendre alors que sa veste s'accroche aux charnières usées. Il tire sur le tissu, décousant les fils, et je dois lui venir en aide pour éviter qu'il ne déchire complètement son habit.

— On va manger, maintenant ? je demande alors que nous parcourons les rayons de livres en direction de la sortie.

— Oui. Pourquoi ?

— Je... n'ai pas spécialement faim. Je veux dire, je ne me sens pas d'aller à un repas après... tout ce qu'il vient de se passer.

Il me jette un regard inquiet et passe un bras protecteur sur mes épaules.

— Ça va ? murmure-t-il.

— Et toi ?

Aucun de nous ne répond. Il garde cette position, nos corps serrés, et nous prenons un rythme plus lent comme si nous ne voulions pas nous séparer.

— Tu veux que je reste avec toi ? Nous ne sommes pas obligés d'aller manger, me dit-il alors que nous arrivons face aux portes.

— Non, ne t'en fais pas, je vais aller me reposer. Va manger, il ne m'arrivera rien. Et puis, Yanos doit t'attendre.

— Certaine ? Ça ne me laisse pas tranquille de te savoir seule après... tout ça.

— Je ne serai pas seule. Je vais aller voir Clarté. Je ne risquerai rien, là-bas.

— Tu es sûre que tu ne veux pas que je t'accompagne ?

Je souris et m'arrête pour regarder Adrian dans les yeux.

— Ce n'est pas loin d'ici. Et puis, je sens que Clarté me protège. Ça ira.

— Ciel, je...

Il baisse ses yeux sur mes lèvres, l'air abattu. Il fait un pas vers moi, prenant mes mains dans les siennes, et vient poser son front contre le mien.

— Je pourrai dormir dans ta chambre, après ?

Je tends le cou et pose mes lèvres sur les siennes. J'amorce un geste pour me reculer, mais il attrape mon visage en coupe et me maintient sur sa bouche, m'embrassant avec une fièvre qui me fait fondre sur place. Je sens sa peur et sa tension sur sa langue, mais aussi tout l'amour qu'il me porte, et j'en ai les genoux qui tremblent. Est-ce possible d'aimer quelqu'un à ce point ?

Je pose mes paumes sur son ventre pour le repousser de quelques centimètres, et il me redemande d'une voix enrouée :

— S'il te plaît, laisse-moi dormir avec toi, ce soir...

Les Derniers DragonsWhere stories live. Discover now