40. L'assassin

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— J'en ai marre ! explose Yanos en faisant peur à son cheval.

— Quoi, encore ? soupire Milène, qui a finalement perdu patience face au champion de l'exaspération.

— Je veux qu'on s'arrête ! Le soleil s'est couché depuis bien trop longtemps, les bêtes sont fatiguées, et nous méritons un bon repas. Arrêtons-nous à une taverne !

— Il y a un village pas très loin, d'après la carte, dit Adrian.

— On a qu'à y aller pour manger et dormir, hasardé-je. Moi aussi, je suis fatiguée, je suis sûre que nous le sommes tous.

— C'est d'accord.

C'est donc dans un silence de plomb que nous avons fait cogner les sabots, jusqu'à atteindre une chaumière, puis une deuxième, puis un village. Suivant les lumières et les rires des habitants, nous avons trouvé un restaurant qui donne aussi le logis.

Descendant de nos chevaux, puis les attachants sur une poutre où d'autres congénères broutent déjà, nous poussons la vieille porte en bois d'où s'échappent des filets de lumière. L'odeur de la nourriture et de la joie nous monte au nez avant même que nous n'ayons passé la chambranle, et je sais d'avance que je vais passer une soirée inhabituelle.

La grande pièce se décrit en deux mots : acceuillante et familiale. Bien plus grande qu'il n'y paraît de l'extérieur, la taverne est illuminée par une immense cheminée d'où un long feu ronflant s'échappe. Des hommes rient et boivent, des femmes dansent, et tous ont un sourire heureux placé sur les lèvres. Les quelques tables sont presque toutes occupées, il y a même un petit garçon qui chante à tue-tête sur l'une d'elle, amusant les spectateurs.

— Mesdames, messieurs, rentrez ! nous hèle une voix alors que nous nous tassons sur le seuil. Soyez pas timides ! Venez, entrez !

Un homme trapu et grassouillet, arborant une barbe mal rasée et des cheveux encore plus longs qu'Adrian s'avance vers nous avec un visage rayonnant. Il serre la main des deux hommes avec vigueur et s'incline devant Milène et moi, nous arrachant des gloussements nerveux.

— Giuseppe, pour vous servir, se présente-t-il. De quoi avez-vous besoin ? De quoi vous remplir le ventre ou reposer vos esprits endormis ?

— Les deux, répond Yanos, le regard étrangement froid.

— Alors venez par ici ! J'ai une table libre en fond de salle. Venez !

Nous obéissons sagement, en silence. Giuseppe nous guide jusqu'à un endroit un peu sombre de la salle, légèrement à l'écart, et à l'abri des regards.

— Installez-vous et ne bougez pas, je vous amène tout de suite de quoi vous rassasier. Ne bougez pas !

L'enthousiasme du serveur est contagieux et m'arrache un sourire. Il disparaît derrière une porte et nous laisse tout les quatre, à nous asseoir sur les bancs grinçants.

— J'aime bien ce Giuseppe, dis-je.

— Pas moi, contredit Adrian. Il est... suspect.

— Suspect ? N'importe quoi, tu as vu son grand sourire ?

— Tu as vu à quel point il était faux ? grimace Yanos. Pour une fois, je suis d'accord avec lui, il y a quelque chose de louche avec ce type.

— Vous devenez paranoïaques, les garçons, plaisante Milène.

— J'ai un mauvais pressentiment..., marmonne Adrian en jetant des coups d'œils discrets autour de lui, les sourcils fronçés. Le sous-frifre, tu as ton épée sur toi ?

Les Derniers DragonsWhere stories live. Discover now