65. Sang et sanglots

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— Mademoiselle ?

Fantine chuchote, pourtant sa voix me scie la tête et m'écrase les tympans. Portant une main à mon visage, je découvre que j'ai pleuré dans mon sommeil et que les ruines de mes larmes ont fait quelques ravages.

— Dieu merci, Fantine, tu es là...

— Mais qu'est-ce qui s'est passé, mademoiselle ?

— Si seulement je le savais...

— Vous êtes toute pâle... Est-ce qu'il faut que j'aille chercher le docteur Hyrill ?

— Non, je... Non... Ce n'est pas la peine de l'inquiéter. Aide-moi juste... à me lever...

Fantine attrape mon bras et me redresse, ses sourcils bruns si froncés qu'il forment une seule et unique ligne.

— Vous êtes malade ?

— Je crois, mais...

Je m'interromps brutalement. Je parle !

La nouvelle me rend tellement joyeuse que j'éclate de rire et que j'oublie momentanément mes douleurs. J'ai retrouvé ma voix !

— Mademoiselle... ?

— Je parle de nouveau, Fantine ! C'est incroyable !

— « De nouveau » ?

— C'est... une longue histoire. J'avais... attrapé froid, et je n'arrivais plus à parler. Mais c'est passé !

Je ponctue mon mensonge d'un grand sourire, ce qui n'a l'air de la convaincre qu'à moitié. Malheureusement, une fois l'euphorie passée, mon mal de tête revient me frapper avec véhémence, et m'arrache un gémissement.

— Vous êtes vraiment sûre d'aller bien, mademoiselle ?

— Non... Non, ça ne va pas. Où est Adrian ?

— Notre Altesse le prince ? Mais il vous attend derrière la porte !

— Q... Quoi ?

Je tourne la tête vers les deux lourdes portes de ma chambre, sentant une colère sourde grimper dans mes veines. Alors comme ça, il se moque de moi ! Il ne lui a pas fallu plusieurs heures pour trouver Fantine, tout de même !

— Il va m'entendre..., grogné-je entre mes dents en tentant de me lever.

— Restez allongée, mademoiselle !

— ADRIAN ! je hurle de tout mes forces, l'esprit tournoyant à cause de ma maladie et de mon irritation.

Doucement, un grincement résonne, et les cheveux bouclés de mon prince apparaissent dans l'entrebâillement.

— Bonjour, Ciel..., murmure-t-il, tout penaud.

— Fantine, laisse-nous, s'il te plaît, ordonné-je froidement, les yeux rivés sur Adrian qui évite mon regard.

Elle fait une petite révérence et se hâte de s'éclipser sans un mot, prenant soin de refermer la porte derrière elle, me laissant entièrement seule avec ce traître à la gueule d'ange.

— Ciel, je...

— J'espère que tu as une excellente excuse, sinon ne prend même pas la peine d'ouvrir la bouche.

Il baisse la tête et commence à se triturer les doigts. Je profite de son silence pour le détailler : il porte exactement les mêmes vêtements que cette nuit, à savoir une chemise blanche étrangement sale, un pantalon noir dont les genoux sont devenus marrons terre et... est-ce du sang, dans son cou ?

— Je suis désolé, lâche-t-il. S'il te plaît, laisse-moi t'expliquer...

— Tu m'as laissée seule, malade et à même le sol. Donne-moi une bonne raison de t'excuser.

Les Derniers DragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant