42. La traque a commencé

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Après une nuit relativement désagréable sur le sol irrégulier de la forêt, et le bras d'Adrian en travers de mon ventre qui refusait de me lâcher, le réveil est difficile pour nous tous. Malgré la chaleur de nos quatre corps maladroitement emboîtés et le feu bleuâtre ronflant en silence, le froid s'est frayé un chemin jusqu'aux quelques endroits où ma peau était à nue, m'arrachant d'interminables frissons.

— C... Ciel ? marmonne le prince en tâtant autour de lui au hasard, yeux fermés.

— Je suis là, murmuré-je, allongée derrière lui, ma tête reposant sur ma main.

— Ne pars pas.

— Je n'en ai pas l'intention.

— Ne pars pas...

Ses muscles se détendent, et ses ronflements légers reprennent. Je soupire, ressassant ses paroles dans mon esprit.

Ne pars pas. Mais pourquoi partirais-je, alors que je peux être avec lui, ici, contre lui ? Pour quelle raison a-t-il peur que je lui glisse entre les doigts ?

— Mon ange..., marmonne-t-il faiblement, plongé dans son demi-sommeil inconscient.

Je laisse à mon tour mes paupières s'affaisser, bercée par ses chuchotements réguliers. La fatigue commence à reprendre le dessus sur mon corps, et mes pensées s'estompent pour former un tissu sans queue ni tête.

Dans mon presque abandon, alors que je me perds enfin dans l'oubli, une alarme se déclenche soudain dans mon cerveau englué. Un pressentiment violent m'arrache de ma léthargie, et je me redresse d'un seul coup, tous mes sens réveillés.

Quelque chose – ou quelqu'un – m'aspire une intuition aussi nette qu'inattendue. Aussi sûre que je l'étais, le premier jour, quand j'ai prononcé le nom d'Adrian sans le connaître, je suis sûre que là, à cet instant, nous sommes en danger. En danger mortel.

— Adrian ! Yanos, Milène, debout ! DEBOUT !

Je les pousse sans ménagement, le regard en alerte, et les oreilles à l'affût du moindre bruit suspect provenant de l'extérieur.

Mes trois compagnons grognent de mécontentement, et Yanos est le premier à relever la tête.

— Pas le temps de chouiner, on doit partir, vite, vite !

— Qu'est-ce que...

— Milène, replie la tente. Adrian, debout, bon sang ! Yanos, puisque tu es levé, viens m'aider à atteler les chevaux. Mais réveillez-vous, pour l'amour du ciel ! Nous sommes traqués, c'est une question de secondes avant qu'ils ne nous retrouvent !

Les mots s'échappent de ma bouche avec une fluidité qui ne me ressemble pas, en particulier pour donner des ordres aussi francs. Je me relève gauchement sur mes deux pieds, empêtrée par les couvertures et la masse pesante de mon prince, tout droit sorti du monde des songes.

Le jeune général s'exécute immédiatement, ressentant l'empressement angoissé dans ma voix. Il empoigne les deux traînards et les agite avec vigueur, puis les enjambe pour me rejoindre dehors. Je défais les liens des chevaux, attachés à un arbre, et me dépêche de les seller, les premières lueurs du soleil illuminant quelques recoins de la forêt. Yanos me prête main-forte, tandis qu'Adrian s'extirpe de la cage blanche comme un dieu tombé d'entre les nuages.

Pas le temps de le mater, Ciel !

Le visage en feu, je cours dans la tente pour lever de force une Milène complètement désorientée. Elle trébuche par terre et lâche un couinement grotesque.

— La tente, Milène ! Plie la tente !

Je ne prends pas la peine de m'assurer qu'elle y arrive et cours vers mon cheval pour y attraper l'arc attaché. J'y encoche une flèche d'un geste fébrile, priant les cieux, la magie, la Clarté, ou toute chose susceptible de m'aider à bien utiliser de mon arme.

Les Derniers DragonsWhere stories live. Discover now