54. Les Protecteurs

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— Donc pour bien résumer, dit Ophiucus d'un ton étrangement solennel en tripotant son collier, vous voulez que moi et ma meute...

— Ma meute et moi, corrigé-je.

— On s'en fout. Moi et ma meute, on aille avec vous dans votre château pour causer avec un vieux rabougri qui est censé déchiffrer votre bout de papier ?

— Je ne l'aurais peut-être pas dit comme ça, mais c'est l'idée, dit Adrian à côté de nous, adossé à un arbre.

— Mais j'y gagne quoi, moi ?

— Rappelez-vous ce qu'a dit Obscurité, intervient Milène de sa voix douce. Si vous acceptez de nous aider jusqu'à ce que la magie soit de retour, vous deviendrez son représentant, et votre meute sera sûrement la plus puissante et la plus grande qui n'ait jamais existé.

— Oui, mais la magie n'est pas là, ma meute est fatiguée et vous m'ennuyez. Alors, j'y gagne quoi ?

— Ophiucus, s'il vous plaît..., imploré-je.

— Oh, pitié, arrêtez de geindre. Je suis pas là pour vous entendre pleurnicher.

— Tu ferais mieux de lui parler sur un autre ton, gronde Adrian avec un regard sombre.

— Stop ! je m'écrie en voyant la tension grimper. On va rester calmes. On a déjà assez d'un œil au beurre noir, pas besoin d'un deuxième. Et puis, vous taper dessus ne nous avancera en rien.

— Tu auras le gîte et l'auberge, dit froidement Adrian comme si ses paroles lui arrachaient les joues. Toi qui n'a jamais connu le luxe... Tu vivras comme un riche bourgeois. Et il en ira évidemment de même avec ta meute. Venez, et vous serez accueilli avec tout le respect et l'amabilité dont un serment royal peut faire preuve.

Ophiucus considère quelques secondes la requête. Pendant un instant, rien qu'un instant, j'aurais juré voir un éclair de tristesse passer dans ses yeux, lorsqu'Adrian a évoqué son passé – d'ailleurs, qu'en sait-il ? Il a l'air de détenir quelques secrets dont je n'ai pas connaissance. Après tout, je ne sais rien d'Ophiucus et de sa vie. Je ne connais que l'homme arrogant et râleur qui se tient fièrement devant moi comme si le monde lui appartenait.

— C'est d'accord, cède-t-il. Mais je veux vraiment être logé comme un prince. Et manger à mon bon vouloir.

— Comme tu souhaiteras, soupire Adrian. Cours prévenir tes loups, nous partons demain matin aux premières lueurs de l'aube.

— Si je peux me permettre, interrompt Yanos jusqu'ici silencieux, l'un d'eux est assez gravement blessé de sa dernière pleine lune. Il s'est fait mordre au ventre, et la plaie semble mal cicatriser. Il n'est pas en état de voyager à pied.

— Il n'aura qu'à monter Nuage, je ne mérite pas plus que lui de voyager à cheval, proposé-je automatiquement. Où est-il ? Nous pouvons peut-être faire quelque chose pour lui, si Milène veut bien m'aider.

— Bien sûr, acquiesce cette dernière.

Nous quittons la clairière isolée où nous avons tenu réunion dès notre funeste retour du village, négociant la venue de l'Alpha et de sa troupe avec nous, d'une part parce que Yanos ne peut vivre sans eux, et d'autre part parce que mon intuition me souffle que nous avons encore besoin d'Ophiucus, aussi décourageant soit-il – et jusqu'ici, mon instinct de m'a jamais trompée.

Yanos prend tête devant nous, nous menant à travers le bois humide jusqu'au camp où notre horde s'est installée, puis nous guide entre les tentes de fortunes jusqu'à un petit abri en toile grise, sale et troué, maintenu par des branches et des nœuds faits à la va-vite.

Les Derniers DragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant