57. L'heure des trahisons

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Ciel

— Quand arriverons-nous ? demande Frey du haut de Nuage, alors que je marche à côté de lui pour guider ma jument.

— Normalement, d'ici ce soir, nous devrions pouvoir voir la ville au loin, répond Adrian.

— J'ai hâte de rencontrer votre vieux fou, dit Ophiucus en faisant référence à Julien.

— Il n'est pas fou, protesté-je.

— Mais il est vieux.

Je me tais, ne voulant pas admettre qu'il a raison. Oui, Julien est vieux, et alors ? Nous le serons tous un jour – du moins, je l'espère.

Je glisse légèrement sur les pierres mais me rattrape à ma jument de justesse. Frey me demande si ça va, ce à quoi je lui réponds avec un sourire que le sol est instable.

Nous avons quitté les sols plats et humides pour amorcer la montée de la montagne où se dresse le château, malheureusement de l'autre côté, ce qui veut dire que nous devons la franchir, ce qui équivaut encore à un ou deux jours de marche.

Ophiucus a, comme d'habitude, pris la tête du groupe, tenant la carte d'Adrian entre les mains. Depuis la mort de Stephen, il est devenu à la fois plus distant et plus gentil – enfin, moins désagréable, plutôt. Il a cessé de chercher n'importe quelle excuse pour humilier Adrian, et il s'est mis à parler à Milène. Hier encore, je les ai surpris en pleine discussion concernant les loups-garous Alpha et leurs conditions.

Soudain, Ophiucus se stoppe à quelques mètres devant nous, le regard rivé devant lui, figé et crispé. Étant dans un virage, je n'arrive malheureusement pas à voir l'objet de son brusque arrêt.

— Ophiucus ? appelle Frey.

Sa bouche s'ouvre, mais aucun son n'en sort. Je cours le rejoindre, sentant déjà une drôle de sensation familière me chatouiller le ventre.

Une fois à sa hauteur, quand je vois enfin ce qu'il voit, quand je comprends ce qu'il a compris, je me paralyse moi aussi. Je pensais y être prête ; mais en réalité, le voir m'assène un choc inattendu.

— Ciel ? Qu'est-ce qui se passe ? s'inquiète Adrian en dégainant son épée dont la lame laisse échapper un son cristallin.

— On y est...

C'est tout ce que j'arrive à murmurer, le regard droit sur le château dont on en aperçoit une partie d'ici.

Chez moi. Chez nous, songé-je en voyant mon prince arriver à notre hauteur, rangeant son arme en constatant l'absence de danger. Nous avons réussi. Nous sommes de retour.

Je pense à Fantine, à mon père, à ma mère, à mon roi, à ces personnes que je ne pensais pas vraiment revoir un jour. Même Jake et son père me reviennent à l'esprit. Son fils enfermé dans les cachots. Est-il encore en vie ? Et le roi d'Espagne ? Que devient-il après pareille histoire ?

— Viens, Ciel, on doit continuer..., m'intime Yanos qui est arrivé derrière moi, à pied également.

Je n'ai jamais, de toute mon existence, été aussi surprise d'être en vie.

•⚔︎•

Notre marche reprend doucement, étant encore légèrement sonnés. Voir le château nous a fait l'effet d'une gifle ; nous avons atteint notre but. Malgré les attaques, les péripéties, les dangers, nous sommes là, prêts à rentrer, prêts à continuer à vivre notre folle existence.

À peine ses pensées m'effleurent qu'une brume noire et dense se matérialise devant nous, effrayant les chevaux et provoquant un couinement de la part d'Ophiucus. Je vois Adrian se prendre la tête entre les mains et grogner, comme si une fabuleuse migraine venait de s'abattre sur lui.

Les Derniers DragonsWhere stories live. Discover now