Le coucher du soleil

297 12 10
                                    

Le coucher du soleil laisse toujours une traînée rougeâtre au ciel même lorsque la nuit est tombée. En tant que vampire j’observe toujours le ciel dans l’espoir de trouver quelque chose d’inattendu. Contrairement aux mortels qui ont besoin d’outils, je peux observer les étoiles à l’œil nu. Mais il faut savoir que notre oeil de vampire est supérieur à l’œil des mortels. Mais ne nous préoccupons pas de cela. Je peux situer ce jour comme en 1793, nous sommes au mois d’octobre, les feuilles des arbres tombent lentement avec grâce au dehors alors que le feu flamboie dans la cheminée de ma chambre. Comment te décrire ma chambre ? Le papier peint est une fresque que Lestat a fait peintre. Il semblait passionné par les détails de la fresque et voulait la rendre la plus vivante possible. Je ne lui aurais jamais dit à quel point cette fresque m’a fait plaisir, il y a une sorte de code convenu entre nous. Il ne se montre jamais vraiment chaleureux et moi non plus. Je crois qu’il est contre toute forme de chaleur entre nous, il ne se montre pas plus doux avec Louis.

Justement, c’est Louis qui se trouvait avec moi dans l’appartement que nous avons rue Royale. On peut dire que c’est un magnifique appartement dans le sens où Lestat l’a décoré comme un fastueux château. J’ai lu quelques livres sur la décoration d’intérieur mais rien n’y est aussi beau et luxueux que dans notre appartement. Je crois que Lestat a un bon goût pour ce genre de chose. Ce qu’il m’a transmit plus ou moins. Je m’étais levée il y a une heure. Je ne prends de repas avant au moins deux heures, Louis en prend le plus tard possible, il dit que c’est pour avoir vraiment faim. Je passais devant la chambre de Lestat sans lui accorder de regard. Nous ne nous parlions guère depuis quelques jours. Il s’était montré rustre à mon égard. Dois-je préciser que Lestat peut parfaitement accepter qu’on ne lui montre en aucune façon notre amour, mais il ne supporte pas qu’on l’ignore. C’est une arme que j’ai pris l’habitude d’utiliser contre lui.

Louis était dans son fauteuil parfaitement allongé dans son ensemble noir. Il n’aime guère porter de couleur, il trouve que les couleurs sont pour les vivants et non pour nous les morts. Louis émet de léger bruit lorsqu’il lit. C’est tout à fait comique de l’entendre pousser un soupire ou de murmurer un ‘hum’. Il est de ces personnes qui ne peuvent se passer de son. Je reconnais que le silence peut-être pesant et désespérant. Mais ce serait bien le style de Louis de se laisser aller dans un silence ambiant où il pourrait se perdre dans ses pensées noires. Je m’approchais de lui sentant l’odeur de la terre sur ses vêtements. Je croyais que Lestat lui avait fait nettoyer toute sa garde robe ce qui pourrait se résumer à trois ensembles et quelques chemises. Je posais ma main sur celle de Louis, comme elle était froide. Il tressauta dans un mouvement imperceptible. Il avait la peau douce et cet air triste sur le visage. J’eus envie de prendre son visage entre mes mains, ce visage carrés dont les traits semblaient fait pour exprimer une tristesse totale. Je penchais la tête et regardais son livre. Il lisait un roman mélancolique, le peu de ligne que je lisais me firent frémir : Elle lui avait dit qu’elle n’en pouvait plus, que la vie était trop dure. Par moment elle s’était demandé ce qu’elle ressentirait devant le vide, le bruit des vagues se fracassant sur les rochers. Mais à présent qu’elle y était, qu’elle savait qu’il fallait qu’elle le fasse pour le bien de tous, la seule chose qu’elle ressentait c’était une profonde aversion pour ce qu’elle avait été. Elle entendit des bruits d’un galop de cheval. Il fallait qu’elle saute avant qu’il ne soit là. Elle ne voulait pas voir ses yeux embrumés la fixant. J’en détournais mon regard.

 « Louis, comment peut-tu lire ceci ? Ce livre est plein de rancœur et de regrets. »

 Lentement il tourna son visage blanc et lise vers moi. Louis, mon Louis mélancolique et plein de sensibilité me fixait d’un regard froid. Je n’osais y plonger mon regard. Il avait peut-être trouvé le moyen d’échapper aux sentiments troublants qui l’assaillaient.

 « Je sais que c’est une histoire bien triste ma petite Claudia, mais j’aime beaucoup l’héroïne. Elle est totalement désespéré et chacun de ses actes la mène inexorablement vers son suicide. J’imagine que je me sens concerner. Moi-même il y a un temps j’aurais volontiers jeté mon corps du haut d’une falaise. »

 « Non, je ne te crois pas. » répliquais-je.

 « Je comprends. Tel que tu me vois, je te suis trop attaché pour me jeter dans le vide, de toute façon je suis un vampire et je résisterais au choc, il est même fort probable que j’en tire seulement de nouvelles souffrances. Mais avant que tu ne sois vampire, mon enfant, j’étais bouleversé par ce que j’étais. Je n’ai jamais été comme toi ou Lestat, pour moi tuer à été la pire des choses que j’eus à faire. »

 Je comprenais qu’il en eut souffert. Tuer chaque nuit et en ressentir le plaisir le plus puissant et le plus envoûtant qu’il y a sur terre alors qu’on a encore un respect pour la vie et une conscience qui n’admettait le mal qu’on faisait à l’humanité. J’eus plusieurs arguments en tête pour alléger sa conscience mais je supposais que Lestat les eut déjà dis. Il termina la dernière phrase plutôt lugubre et ferma le livre. Son visage n’exprimait plus rien. C’était déroutant. Lestat ne laissait jamais transparaître d’émotion lorsqu’il le désirait mais avec les traits qu’il a cela n’était pas dérangeant. Avec Louis ça l’était.

 « Tu n’as pas encore chassé ? » fit-il en changeant de sujet.

Un des questions que Louis évitait la plupart du temps. En fait, il détestait qu’on la lui pose. Et la posait très rarement. Dans ce cas présent j’en déduisais qu’il voulait que je le laisse. Je fis mine de n’avoir pas compris et faisais un signe de négation de la tête. Il m’observait de ses yeux verts. Je me demandais ce qui lui passait par la tête à ce moment précis. Je pouvais lire dans les pensées des mortels mais jamais dans celles de mes parents vampires. Lestat m’avait expliqué que Louis ne pouvait lire les pensées des mortels. Louis est le vampire le moins puissant de nous trois. Mais il était adulte lorsqu’il avait été fait.

 « Je crois que je vais chasser avec Lestat. »

 Louis hocha de la tête et se leva avec des gestes humains. Encore une particularité, c’est que nous les vampires pouvons parfaitement faire les gestes les plus simples comme les plus durs avec une extrême vitesse ou une extrême lenteur de telle façon qu’on peut se rendre invisible aux yeux des mortels ou immobile. Mais mes deux pères vampires préféraient les gestes humains plus lourds et gauches. Il prit un autre livre dans la bibliothèque. Il reprit place dans son fauteuil. Je m’éloignais de lui et de son fauteuil.

Claudia ChroniclesOnde histórias criam vida. Descubra agora