Confrontation sous la nef

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L’encens était l’odeur la plus forte. Elle m’atteignit de plein fouet. Elle était si envahissante. Elle me rappelait le visage de Lestat lorsqu’elle s’élevait dans les airs. J’avais envie de le voir, de voir ses cheveux blonds, ses yeux gris virant au violet, son sourire si caractéristique. J’avais besoin de lui. L’église sentait tellement l’encens. Une odeur qu’il affectionnait particulièrement. Pourquoi me hantait-il ? Parce que je croyais le trouver ici. Et si je m’étais trompé. Il n’y avait plus de doute à avoir, je n’avais pas le choix qu’il soit là où pas il fallait absolument que je fouille cette église. Il n’y avait rien qui laissait présagé qu’il serait là mais…

Je contournais l’hôtel, un vrai repas de fête pour le Dieu tout puissant, hein ? J’avais jamais vraiment cru en Dieu, peut-être parce que ni Louis ni Lestat ne m’avait enseigné la foi, cependant je doute qu’un vampire puisse avoir la foi, c’est incompatible. Je réalisais que ça ressemblait à une profession de foi, je retournais à Dieu après m’être écarté de lui, mais comme disait Lestat, ‘Dieu n’est jamais dans la maison de Dieu’. Les hommes y élèvent leur voix, ils y cultivent l’amour, la patience, la compassion, la pitié, l’amour de Dieu, on peut dire que c’est le dernier endroit à avoir besoin de la présence de Dieu.

Je me tournais et découvrit Nicolas. Elle portait une tenue masculine de jeune bourgeois en velours rouge. Mais sa tenue semblait dater et venir d’un autre pays. J’aurais juré que c’était une tenue française. Louis m’avait déjà dit que Lestat avait été à Paris, que c’était là qu’il avait été créer, mais d’après Louis, Lestat n’aimait pas revenir sur cette période. Je me demandais si Lestat ne recherchait pas un morceau de France dans cette jeune femme. Elle s’approcha de moi et sourit.

« Il t’a plu ton dîner? » demanda-t-elle.

« Où est Lestat? » fis-je, directe et assez peu disposée à jouer.

« Oh ! Quelque part, tu le connais. Mais profitons de ce qu’il n’est pas là pour parler tous les deux. » répondi-t-elle d'une voix faussement cajoleuse.

« De quoi veux-tu parler ? »

« Hou ! Je sens une pointe de haine en toi. Tu es là parce que tu l’as voulu, souviens en toi. »

« Pourquoi es-tu revenu ? Pourquoi maintenant, pourquoi nous ? »

Il ou elle sourit. Ses lèvres étaient pulpeuses, rouges et attirante. Il devait le savoir. Avait-il choisit volontairement le rouge si ressemblant à la couleur du sang ? Elle avait tout d’une jeune femme qui voulait séduire alors qu’elle ignorait totalement où ça la conduirait. Je n’avais jamais connu les plaisirs de la chair et je dois dire qu’ils ne m’ont jamais manqué. Je la fixais avec le regard le plus hostile possible. Elle ne me faisait pas peur, j’avais vu bien pire qu’une jolie fille dans un vieux costume, j’avais connu l’horreur avec ma nature.

« Je dois te dire quelque chose. Je hais Lestat, totalement et sans limite. Mais toi, je n’avais rien contre toi avant que tu n’interviennes. Tu dois comprendre, si tu le peux, que s’il t’arrive malheur se sera parce que tu seras venue toute seule de ton plein gré. »

« J’ai saisit. Cela veut-il dire que tu comptes me tuer ? »

On aurait dit que je posais une question piège. Se demandais-t-elle si j’allais lui sauter dessus et la tuer. Oui elle avait raison de me craindre, j’étais un vampire, mille fois plus forte qu’elle si je le désirais et rien ne pouvait m’empêcher de la tuer à l’instant si je le désirais. Ce qui était cependant le cas. Je me déplaçais lentement comme une panthère noire dans la jungle pour protéger un membre de son clan.

« Si c’est le cas, je me dois de t’avertir. Je suis également un vampire. »

« Seigneur ! Je suis mort de peur. Sans rire, il y a bien pire que vous. Mais dans l’horreur sans nom vous êtes les grands gagnants, je l’admets. »

« Qu’est-ce que tu en sais ? »

« Mon enfant, j’ai été vampire, oui tout comme toi j’ai bu le sang des vivants, j’ai dupé les vivants en me revêtant comme eux tel que Lestat me l’avait enseigné. Lestat a été mon maître, j’ai été son disciple. Il n’y a jamais eu d’amour entre nous alors que le sang était notre seul but. Jamais. » m'avoua Nicolas.

« Il a dit qu’il t’aimait encore. » répliquais-je guère convaincue.

« Lestat dit beaucoup de chose mais peu sont vraies. Je t’assure, méfie-toi de lui. Il m’a menti pourquoi pas à toi ? »

« C’est l’amour et non la haine qui nous unie. Lestat m’a créée pour que je sois sa fille dans l’éternité. Je suis son seul amour. Je le sais. Il ne ment jamais lorsque ses yeux sont plantés dans les miens. »

J’espérais que cela soit vrai. Mais je ne voulais pas admettre qu’il puisse avoir raison. Il fallait que Lestat soit l’homme que j’aimais tout simplement, sans mensonge, sans fossé entre nous. Il n’existait plus de fossé. Nicolas l’avait effacé. Ou masqué ?

« Je lis en toi comme dans un livre ouvert. Tu doutes, tu te poses des questions. Et ça n’est que le début. Comme m’a dit un vieil ami, les créatures sont incapables d’aimer sincèrement leur maître, lorsqu’elles n’aiment plus ce qu’elles sont, elle le reproche à leur créateur.’ Lestat sera toujours seul et tu ne pourras jamais combler ce silence. (…) L’as-tu remarqué ? »

« Quoi donc ? »

«  Tu ne peux lire les pensées. Je peux lire les tiennes aussi bien que tu lis les miennes, mais les siennes ne te parviennent pas. »

« Normal. C’est un vampire. Tu es humain… » répliquais-je de mauvaise humeur.

« Non. Lorsque tu rencontreras d’autre vampire, tu sauras. Tu comprendras alors que j’avais raison. »

« Impossible. Tu ne peux lire dans mes pensées. »

« Oh si ! Je peux parfaitement. Lorsque tu es entrée, tu as cru voir le visage de Lestat dans la fumée des bougies, touchant. »

Je détestais ses lèvres fines, son air entendu, son expression confiante comme s’il contrôlait tout. Je détestais tout ce qu’il était. Il était la destruction de ce que j’aimais tant, une famille unie. Je le haïssais et lui reprochais même des choses qui ne lui étaient pas dû. Je lui en voulais de pouvoir lire mes pensées dès lors j’essayais de fermer totalement mon esprit. Je réalisais soudain. Combien d’humain ont pu lire mes pensées ? Oh mon dieu ! Non c’était impossible. Non. Non. Non.

« Je suis un télépathe, enfin elle. »

J’eus un vertige, comme le sol qui s’éloignait de moi, une impression vraiment désagréable. Il souriait. Oh mon dieu ! Il souriait ! Nicolas savait pourquoi j’étais dans un tel état. Le mot était un peu fort mais je sentais que ça venait de mon corps et je détestais ça. Je ne pouvais pas être malade. J’étais une vampire, immunisée contre les maladies !

« Egalement contre la peste ? »

Je tremblais. Oh mon dieu ! Je tremblais. J’étais donc si terrifié. J’allais perdre mes nerfs, mon contrôle de moi-même, mon air dégagé, mon esprit. Non il fallait que je garde le contrôle. Pas de problème. Tout va pour le mieux. Non. Mince. Il a parlé de la peste ! Ce n’est pas rien. J’ai peur. C’est idiot, si idiot. Mais j’ai terriblement peur. Je ne contrôle strictement rien. Il contrôle tout. Il sait d’avance ce qu’il va se passer et ça me terrifie littéralement.

« Non je plaisantais pour la peste. »

« Quel sens de l’humour ! »

Claudia ChroniclesWhere stories live. Discover now