La chambre de Lestat

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La chambre de Lestat était au fond. Il avait la plus grande et la plus luxueuse. Probablement parce qu’il adorait le luxe contrairement à Louis mais aussi parce qu’il tenait à montrer qu’il était le chef de notre famille. Louis n’avait de toute façon pas les épaules pour tenir ce rôle et Lestat ne lui aurait pas laissé le tenir une seconde. J’étais quant à moi trop petite et aux yeux des mortels j’avais besoin d’un adulte auprès de moi ce qui me donnait un handicap certain. Je m’appuyais sur l’embrasure de la porte. Il se tenait tout droit devant la fenêtre française. Il fixait la ville s’étalant sous ses yeux.

La nuit et les lumières de la ville donnaient à la Nouvelle Orléans une esquisse de très belle ville. Je poussais la porte de sa chambre sans sourciller, la porte claqua contre le tissu fragile. Lestat avait une chambre à la couleur de son caractère, d’un rouge pulpant qui frappait l’œil. Il avait des meubles tape à l’œil, riche en bois rares et précieux. Mais ces bibelots étaient jolis, assez fins, romantiques et délicats. Il y avait aussi des peintures. Toutes étaient signées Marius et il n’avait jamais voulu me dire qui était ce Marius mais je devinais que ça n’était pas un simple peintre. Je passais devant son cercueil qui était à demi ouvert. Je m’arrêtais à un mètre de Lestat.

Contrairement à Louis, je n’aimais pas toucher Lestat, d’une part je m’attendais à une réaction violente, d’autre part, je n’appréciais pas le contact de cette peau trop lisse qui avait perdu tout aspect humain.

« Claudia. (…) Que fais-tu là ? »

Il m’agaçait avec ses questions idiotes. Louis était toujours heureux que je sois prêt de lui quel qu’en soit la raison, mais Lestat ! il avait toujours besoin de raison et d’explication. On aurait dit qu’il redoutait ma présence. Je n’aimais pas sa façon de m’accueillir dans sa chambre comme je n’aimais pas le fossé qu’il conservait entre nous.

« Une fille n’a pas besoin de raison pour venir voir son père. »

Un point partout la balle au centre. Je me souvenais que Lestat aimait ces jeux avec une balle blanche, ronde et un bâton. Il aimait tous les jeux de la sorte. On peut dire avec un certain humour que Lestat est un joueur. Il ne se retourna même pas. Je lui en voulais d’être aussi froid et dur avec moi. J’avais beau dire, je me sentais seule et petite lorsqu’il agissait ainsi avec moi.

« Tu veux quoi ? Que je saute de joie ? » demanda-t-il d'une voix lasse.

Je levais les yeux au ciel. Je n’avais jamais vu Lestat sauter de joie, à vrai dire, je n’avais jamais vu personne sauter de joie. Ca doit être un des privilèges accorder aux mortels qui vivent assez vieux. Si on peut appeler ça un privilège.

« Ne sois pas abusif. Tu sais bien ce que je veux. Nous pourrions passer plus de temps ensemble. J’ai l’affreuse impression que tu m’évites. »

« Claudia ce n’est qu’une impression. Je ne t’évite pas. Il est juste évident que tu n’es plus une enfant, tu n’as donc plus besoin qu’on te materne. Je devrais d’ailleurs aller dire deux mots à Louis là dessus. Si nous te maternons trop tu ne sauras jamais ce qu’est la vie. »

Je hoquetais. Il se moquait de moi. Je m’en voulais d’être petite pour ne pas pouvoir lui faire comprendre sa douleur de me mener ainsi en bateau. C’était moi qui leur reprochais de me considérer comme une enfant et non eux qui essayaient de me pousser à être plus adulte. Et Lestat le savait parfaitement. Il m’avait traité d’enfant impatiente puis de turbulente et avait finit par s’avouer vaincu n’essayant même plus de me répondre lorsque je m’insurgeais contre un ‘ma chère enfant’.

« Mon cher Lestat, roi des menteurs ! »

Je clamais ma réplique avec un ton des plus insolents et provocateurs. Le pousser à bout de ses retranchements est une de mes activités favorites. Il faut que je précise que je n’avais aucun mal. Lestat bascule assez facilement dans la colère des plus noires. Il supporte peu de chose contre lui-même. Il déteste qu’on le pousse dans ses retranchements ou qu’on se montre supérieur à lui, ce que je parvenais sans aucune difficulté à faire lorsque je le voulais.

« Quelle mauvaise petite fille fais-tu ma chère claudia ! Aucun père ne voudrait de toi pour enfant. Sois heureuse que je sois aussi bon envers toi et Louis ! »

« Quelle bonté y’a-t-il là ? »

Je laissais un précieux temps s’écouler. Il se calma. Il sortit de sa chambre d’un pas résolu. Il aimait jouer pour se détendre. Il s’abattit sur le piano. Il jouait bien comme d’habitude mais un air plus rapide aux sonorités violentes et fantastiques. Je reconnaissais bien là ces goûts en musiques. Il aimait le spectaculaire, le théâtrale. Je le rejoignais non sans remarquer que Louis visiblement dérangé par tout ce soudain bouquant s’était levé et regagnait sa chambre sans bruit.

« Cessez de vous comportez comme un enfant Lestat et accompagnez-moi à déjeuner cette nuit. »

Lestat ne fit pas un mouvement en ma direction. Il faut dire que je l’avais poussé un peu loin. Mais j’avais du mal à ne pas ciller lorsqu’il agissait comme un parfait goujat à mon égard. En fait Lestat n’eut pas le loisir de me répondre, on frappa à la porte. C’était un poing décider qui s’abattait sur la pauvre porte. Lestat me jeta un regard noir qui signifiait ‘ne dis pas un mot’. Je n’étais pas non plus idiote. Je savais que nos petites disputes mesquines prenaient fin lorsqu’on avait de la visite. Il se leva et ouvrit la porte.

Claudia ChroniclesWhere stories live. Discover now