La chasse.

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Lestat était parti devant. Il avait pris soin de se changer en un rien de temps. Il ressemblait à un gentleman. Mais après ce qui s’était passé dans l’appartement des Matthew il m’était difficile de croire en l’illusion qu’il s’efforçait de créer. Il ne m’avait pas adressé une parole depuis que nous avions quitté notre appartement. Plus je le regardais plus j’avais de mal à croire qu’il était le même Lestat que celui qui m’avait tout appris. Je prenais conscience qu’il avait perdu de son charme à mes yeux. Il n’avait peut-être pas tant changé que je me le supposais, j’avais changé moi aussi, beaucoup changé. Je ne pouvais pas le nier. J’avais grandi comme l’aurait fait un enfant mortel.

Lestat marchait d’un pas lent. La pluie commença à tomber. Mon pas ralentit au point de se coller au rythme de Lestat qui était celui des êtres humains. J’avais remarqué que Lestat aimait beaucoup passer pour un humain. Il se rapportait toujours à eux comme si malgré tout il les admirait ou simplement les respectait. C’était curieux de la part d’un tel monstre de cruauté. J’avais du mal à cerner Lestat et ça n’a pas changé. Il est un personnage immuable mais si pittoresque ! Dois-je te parler de l’environnement qui nous entourait alors ou insister sur mes pensées sombres ? Lestat préoccupait mon esprit. Non seulement parce qu’il avait tué devant moi une innocente famille mais aussi parce qu’il était avec moi cette nuit là alors que la pluie tombait autour de nous rendant mes cheveux plus raides.

L’odeur des plantes était à son comble avec la pluie. J’adorais les odeurs de la Nouvelle-Orléans, quoi qu’on en dise, cette ville est merveilleuse à tout point de vue. Entre les immeubles riches en architecture baroque, les passants métisse ou français, le climat propice à révéler toute la richesse de fleur et de plante, sans parler des légendes de la ville. Louis n’avait pas toujours vécu ici. Il m’avait raconté comment il vivait dans son domaine de la pointe du lac. Un joli endroit maintenant hanté. Lorsqu’il m’avait dit ça, j’avais répliqué avec humour que nous hantions à présent la Nouvelle-Orléans. Il n’avait pas rigolé.

Lestat s’arrêta à l’affût. Comme presque toujours, Lestat aime diriger la chasse. Ses proies préférées sont les criminels, ceux qui comme lui se prennent pour l’ange de la mort. Il sent qu’il a quelque chose en commun avec eux et ils ne pèsent pas sur sa conscience. Il aimait aussi s’attaquer aux nobles. Je dois dire qu’il se montrait assez snob surtout lorsqu’il chassait dans les soirées. Louis m’avait dit que Lestat se vengeait. Mais je crois qu’il a besoin de se sentir utile. En tuant les assassins et criminels il est un justicier, en tuant les nobles il s’aligne sur les principes d’égalité de la révolution française.

La proie que Lestat avait repérée était une jeune femme, 16ans tout au plus, fine, les longs cheveux roux ondoyant. Je ne pus m’empêcher ‘être du malin’ tant ses yeux rouges paraissaient diaboliques. Elle avait aussi le teint laiteux comme nous, vampires, l’avons. Je m’approchais de Lestat qui restait silencieux observant la beauté naturelle de la jeune femme. Je comprenais son choix, la jeune femme semblait représenter l’innocence, la jeunesse et la beauté. Et cependant elle sentait le diable, la sorcellerie. Je ne pouvais détacher mes yeux de ses pupilles rouges comme le sang que je bois chaque nuit. Elle se tourna lentement vers nous comme si son instinct l’avait averti de notre présence. Je me méfiais d’elle. Elle n’avait pas l’air si innocente que ça.

Je plongeais dans son esprit, vieille habitude. Il y avait un poids de la haine et du passé. Elle avait été trahie. Elle avait cru en quelque chose et l’avait perdu. Je sentais un trouble en elle. Elle était à la fois terrorisée et résolue. Elle avait soif de vengeance, elle voulait tuer… Je comprenais pourquoi Lestat l’avait choisit. Une future criminelle, pleine de résolutions. Elle leva ses yeux pleins de haine vers moi. Une moue se fit sur son visage. Je ne su pourquoi mais Lestat me saisit le bras et me tira en arrière. Il me fit signe de ne rien faire et de me taire. Il la fixait avec un air étrange. Il restait silencieux comme paralysé par la jeune femme.

Elle secoua sa chevelure ondulante. Elle jaillit vers moi comme une sirène me prenant les poignets et me les serrant. Si j’avais été humaine, elle me les aurait brisés ! Son visage était si proche du mien que j’entendais sa respiration. Je vis alors que ses yeux n’étaient pas rouges mais qu’ils brillaient d’une lumière rouge, une lumière démoniaque, une lueur de haine. Elle semblait aussi forte qu’un vampire, du moins elle n’avait rien d’humain si ce net sa vie. J’entendais ses pensées et parmi elles une me frappa. Meurs petite vampire. Je dus lever les yeux au ciel, car elle grimaça. Je la repoussais sans aucun mal. Lestat s’approcha de moi. Il fixait avec appréhension la mortelle.

Elle avait perdu l’équilibre lorsque je l’avais repoussé. Elle se releva l’air mauvais. Elle me fixait bouillonnante de rage. Mais en fait son regard était sans cesse attiré par Lestat. Certes mon père maudit avait un charme certain et en usait bien plus qu’il n’aurait dû. Mais je doutais que ce soit simplement une question de charme. Elle le fixait avec colère, haine et… amour.

« C’est curieux de te retrouver là. » fit-elle.

« Claudia, s’il te plait, rentre à la maison. Ne te retourne pas. » lâcha d'une voix d'outre tombe un Lestat méconnaissable.

Il me donnait un ordre, un ordre qu’il ne voulait pas que je discute. Lorsque je me tournais vers lui je lus en lui de l’amour envers moi. C’est peut-être pour ça que j’ai fait demi-tour. Je sentais mes pas lourds, l’émotion et la douleur. Je me doutais de ce qui allait se passer sans même savoir de quoi il en retournait. Je sentais des larmes pointées dans mes yeux. La mortelle en voulait à Lestat. Même si elle avait de bonne raison de lui en vouloir, je ne pouvais m’empêcher d’avoir peur pour Lestat. C’est peut-être pour ça qu’au lieu de lui obéir, je disparaissais dans l’ombre et y restais cachée.

Claudia ChroniclesWhere stories live. Discover now