Chapitre 1 : Murmures orageux

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Les jours qui suivirent furent plus étranges les uns que les autres.

Il n'avait cessé de pleuvoir durant quatre jours et cinq nuits, et le grondement de l'orage secouait notre maison à intervalles régulières. Nous savions que la région était sujet à de très fréquentes averses mais tout de même..! Le ciel gris sombre, presque noir, donnait un aspect morbide à notre village. J'avais continué à scruter le paysage brumeux pendant près de deux jours mais un frisson et un mauvais pré-sentiment me dissuadèrent de recommencer. Les livres poussiéreux de mon armoire grinçante devinrent alors très intéressants à mes yeux.

Mon frère, quant à lui, ne sortait de sa chambre que lorsqu'il avait faim, et on pouvait entendre des bruits de ciseaux quand on collait son oreille à sa porte verdâtre. Que faisait-il de ses journées? Je me crispais à chaque fois que je l'imaginais découper de pauvres poupées de chiffon et invoquer je ne sais quels mauvais esprits. Ces brèves pensées se terminaient toujours par un haussement d'épaules; je me faisais sûrement des idées.

Notre demeure serait continuellement plongée dans un silence glacial si ma mère n'hurlait pas toutes les heures environs. Elle tournait en rond dans le salon, telle une bête enragée qu'on avait mise en cage. Lorsque l'horloge sonnait, elle criait des jurons, crachait presque des tas de paroles incompréhensibles. Ni Gaël, ni moi n'avions essayé de l'arrêter, nous ne sommes pas même descendus pour la voir. La peur de ce que nous allions découvrir nous maintenait dans nos chambres respectives.

Un son grave se fit alors entendre au milieu des murmures incessants de ma mère. Une heure venait de s'écouler, maman recommençait son rituel. J'émis un soupir d'appréhension et levai les yeux de mon livre. C'était un grand classique d'horreurs; je pense d'ailleurs que ma "bibliothèque" n'était constituée que de ce genre d'ouvrage.

Je quittai mon lit aux couvertures pêche en tremblant, résignée; il fallait mettre fin à cette folie. Je me glissai dans le couloir et écoutai les bruits de notre maison, l'oreille collée à la cloison entre nos deux chambres. Je susurrai alors, suppliant presque mon frère de m'apporter un peu de soutient:

"Il est 14h, frérot. Est ce que tu l'entends? Elle recommence son manège... Je vais descendre, souhaite moi bonne chance."

Personne ne me répondit; il ne m'avait sûrement pas même entendue. Mon visage se déforma devant cette injustice. Je n'étais pas très forte pour gérer mes émotions, encore moins courageuse. Cependant, je réussis à contrôler mon angoisse grandissante lorsque je posai mon pied sur la première marche...

Entre la vie et la mortDonde viven las historias. Descúbrelo ahora