Chapitre 8: Fascination

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Alors que les secondes passaient indifféremment, je ne pouvais m'empêcher de trembler sous mon châle. Mon frère reviendrait-il un jour? La réponse tardait à venir, et l'attente me donnait des nausées. Au bout de quelques heures, lorsque les douze coups de midi retentirent, je pris une grande inspiration et me forçai à me lever du canapé. Le grondement incessant du tonnerre me fit tressaillir de nouveau et je grommelai quelques grossièreté à l'égard de ce temps lugubre. Lorsque j'atteignis enfin la cuisine, je me préparai une bonne tasse de chocolat chaud, espérant un quelconque réconfort.
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"TINK, tink, titink, tink..!"
Le bruit clair et net du verre qui s'étalait sur le sol me vrilla les tympans, et me réveilla en sursaut par la même occasion. Je m'étais endormie sur une large chaise du salon, la tasse de chocolat entre mes mains. Seulement, mes doigts s'étaient relâchés dans mon sommeil agité et ils n'en restait plus que des éclats de verre brisé. Tout tournait autour de moi, lorsque je me souvins enfin de tout ce qu'il s'était passé. Une immense vague de panique me submergea et je me levai subitement pour jeter un regard à la pendule de bois. 21h05. Aucun bruit dans la maison, pas même l'éternel craquement des poutres du grenier. Juste le son de la pluie. Cette maudite pluie. J'en venais à la détester pour avoir accompagné tous ces malheurs. Je fis un pas, réfléchissant nerveusement à une solution, mais remontai mon pied droit presque aussitôt, en proie à une douleur aiguë. Je l'examinai sommairement pour découvrir un morceau tranchant logé dans la chair. Je l'arrachai sans me douter que du sang allait couler, et je laissai le liquide poisseux se répandre sur le sol. Un sourire vint faire opposition à mon teint blafard alors que mon regard suivait la course lente de l'hémoglobine. C'était beau, ça se logeait entre les lattes foncées, ça serpentait entre le verre marron. Moi qui était douillette et peureuse, je découvrais une horrible fascination pour tout ce sang. Je m'accroupis, passant une main sur la croûte séchée après quelques minutes d'attente. C'était doux, ça glissait sous mes doigts, c'était lisse et insaisissable, c'était étonnant. Le coucou hurlant de la pendule me tira de ma transe pour me rappeler l'absence de ma seule famille; mon frère. Devais-je sortir? La pluie ne me gênait pas plus que ça; je réussirais bien à passer entre les gouttes. Non, c'était cette silhouette qui me terrifiait, et ce dont elle était capable de faire. Je n'osais pas imaginer dans quel état je retrouverais mon frère, et partis mettre un pansement sur ma plaie béante.

22h sonnèrent alors que je tournais en rond dans la cuisine, pensive. Résignée, je me décidais enfin à sortir pour voir quelle scène morbide m'attendait. J'enfilai une paire de bottines grises, un imperméable noir et posai une main sur la poignée de la porte. J'attrapai un parapluie des plus simples en passant et pris une grande inspiration. Je sentais mon cœur battre la chamade contre ma poitrine, mais je me forçai à passer le seuil. Pas question de faire ma trouillarde quand il s'agissait de la vie de mon frère..! La toile du parapluie se déplia au dessus de ma tête pour me protéger de l'averse. Je regardai à droite, sur le vif, mais ne vis rien d'alarmant. C'est lorsque mon regard de porta sur la gauche que mon sang se glaça dans mes veines. Je n'avais pas même osé m'imaginer cette scène et voilà qu'elle se déroulait sous mes yeux.

Entre la vie et la mortWhere stories live. Discover now