Partie II, Chapitre 14: Volonté éphémère

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"Vengeance!" Cria l'inconnu de sa voix rauque.

Je frissonnai de tous mes membres, mais, paralysée, je ne raccrochai pas. Je restais seulement là, debout, les yeux fixant le vide. Dehors, la pluie venait de redoubler d'intensité, tandis qu'une déferlante de mots emplis de sourdes menaces me tombait dessus:

"Alors, enfin je te rencontre, continua la voix mielleuse. Tu sais que je te suis depuis longtemps? En même temps, ce n'était pas comme si tu étais utile, mais, vois-tu, j'ai quelque chose à finir ici..."

J'entendais les grésillements des bourrasques, à l'autre bout, j'entendais chaque frottement. C'était un supplice, une torture sans nom. On voulait me voir couler, couler et ne plus jamais revenir à la surface, et la raison de ces affronts demeurait obscure. Aussi sombre que la pièce dans laquelle je me trouvais, aussi chaotique que mes pensées. Un hurlement de terreur restait coincé dans ma gorge.

"Après tout, t'es pas très intéressante, hein? Pourquoi vouloir t'obstiner?
-Pourquoi? Susurrai-je faiblement
-Hé bien, je n'en sais rien, justement..! Tu pourrais tout simplement sortir un couteau et en finir, non? On en aurait plus vite termin-...
-Pourquoi me faites-vous subir tout ça? Repris-je sans me soucier de ce qu'il disait."

La voix se tut, interloquée. Sûrement, elle n'attendait pas une quelconque réaction de ma part. Cette pensée me donna des nausées; être manipulée. Oui, il voulait affaiblit ma volonté. Hé bien il n'aura rien de tout ce qu'il souhaite. Nous verrons bien lequel de nous deux s'effondrera le premier. Il voulait jouer? Très bien, jouons.

"Je suis désolé, mon enfant, mais si un chasseur dévoilait ses desseins, la proie lui échapperait inévitablement.
-Ordure. Jetai-je, grognant à moitié.
-Voyons, quel genre de bête grognerait ainsi? -il rit, amusé- Un renard? Quel dommage que tu sois ainsi piégée dans ton terrier..!"

Je restai muette, serrant les dents, avant de murmurer, comme pour moi même:

"Ne vous inquiétez pas, le renard possède bien plus d'une ruse..."

Son ricanement perfide résonna dans mes oreilles des minutes durant, et mes prunelles s'humidifièrent. Enfin, le téléphone émit un petit "Miiip", signifiant qu'il avait raccroché. Je tombai alors à genoux, le portable toujours dans ma main droite, et laissai mes larmes couler. Elles se mélangeaient avec le sang de mes pied, sur le parquet, et ne s'arrêtaient plus. Ce face à face avait sapé toute mon énergie. Je savais que ce vendredi 13 serait une mauvaise journée, je l'avais senti.
~
Le coucou de la pendule chanta. 12h. Je me levai, lentement, laissant mes membres engourdis se réveiller, et ma conscience respirer. Mes lèvres dessinaient un sourire nerveux, et il sonnait d'autant plus faux que mes joues étaient encore rougies. Il fallait que je mange, j'avais besoin de forces pour ce combat. Cette bataille qui, je le pensais, m'achèverait.
Je laissais mes pieds trainer dans l'hémoglobine séchée, indifférente à la rugosité du sol. Mon cœur se serra de nouveau lorsque j'ouvris le frigidaire. Je ne voyais qu'un vieux camembert et deux bouteilles d'eau. À côté des plaques chauffantes, il restait trois pommes encore vertes, cinq poires et une demi baguette de pain. Combien de temps tiendrais-je avec ces maigres provisions? Et lui? Avait-il à manger? Sûrement avait-il un contact avec le monde extérieur, puisqu'il m'avait joint dans aucun problème... J'étais condamnée.
~
Après avoir mangé un petit bout de pain, et un morceau de pomme pas assez mûre, je me précipitai dans ma chambre. J'avais fermé la porte de mon frère à clé, ayant peur de vouloir y retourner. Mes carreaux, envahis par la buée, reflétaient un paysage dévasté, croulant sous des trombes d'eau. Bien heureusement, le vent s'était un peu calmé, et le tonnerre ne grondait plus depuis la veille, mais les messages du tueur me laissaient à chaque fois un frisson glacé. Je détournai mon regard pâle de l'horizon pour me tourner vers un grand panier d'osier. Je le renversai d'un geste simple, et me jetai sur son contenu pour le serrer dans les bras; des peluches. Je n'avais jamais réussi à m'en séparer, et continuais de leur vouer beaucoup d'affection. Étant très peureuse, je les prenais souvent avec moi pour dormir les nuits d'orage. Ce nouveau coup que ce fou m'avait asséné ne pouvait être amortit que par une chose. Je sortis une renarde argentée du tas, pour ma contempler. Ses poils étaient d'une douceur sans égal, ses yeux noirs semblables à des perles semblaient vivants, et sa silhouette brillait, scintillait dans cette maison qui s'assombrissait au fil des jours. Elle avait été la première à être serrée dans mes bras d'enfant. Une renarde... Mon regard se perdit dans celui de la créature, lorsque mon téléphone vibra dans mes mains. Je tremblai; était-ce encore le tueur? Devais-je répondre?

Entre la vie et la mortWhere stories live. Discover now