Chapitre 5: Inévitable abandon

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Deux jours, deux jours s'étaient écoulés depuis qu'ils l'avaient emmenée. Ces quarante-huit heures m'avaient semblé être une éternité. Je n'avais rien à faire, je ne voulais plus bouger, et c'était à peine si je pensais. Mes rares moments de lucidité étaient uniquement lorsque je revivais ce dernier samedi. Alors, mon cœur s'embrasait et me rappelait, l'affaire de quelques minutes, que j'étais toujours vivante.

~flash-back~

La pluie n'avais toujours pas cessé de s'abattre sur notre village. J'étais restée dans ma chambre pendant cinq jours, muette dans ma souffrance. Je me levais en pleine nuit pour boire et manger, si bien que je n'avais eu aucun contact avec ma famille depuis qu'ils m'avaient annoncé la terrible nouvelle. La pendule sonna trois heures de l'après midi, je levai mon nez normalement collé à la vitre de ma fenêtre. Je fixai ma porte tristement en entendant ma mère reprendre son manège lorsqu'un bruit sonnette retentit dans notre maison. Mes mains agrippèrent la bordure blanchâtre juste devant moi. Je n'avais pas envie de descendre mais peu importe; il fallait bien aller ouvrir la porte. Je me retrouvai nez à nez avec mon frère lorsque j'atteins enfin le couloir. Il prit un air gêné, ce qui me fit drôle. Il fallait me comprendre, la dernière émotions qu'avait exprimé son visage était pour moi l'indifférence face aux problèmes qui s'accumulaient.

"Ah, tient, tu es enfin sortie, c'est cool... Commença mon frère.
-Épargne tes gentillesses, je file ouvrir et je te laisse te débrouiller avec nos "invités". Après tout, je n'était pas censée savoir."

Nous savions tous les deux qui se cachaient derrière la cloison de bois vert. Cependant, aucun de nous ne l'exprimait clairement. Gaël tourna la clé dans la serrure et je pus découvrir les visages de ces hommes sans pitié. Nous avions réussi à enfermer maman dans la cuisine, à mon grand désespoir. Ses cris étaient étouffés mais néanmoins toujours aussi prononcés. Trois hommes nous faisaient face, hautains et dédaigneux. Mon frère garda une allure calme et polie, mais je devinais qu'il pensait la même chose que moi au sujet de ces types:

"Bonjour, c'est pour quoi?
-Bonjour, nous cherchons une certaine Madame Opersh.
-C'est bien ici, messieurs, entrez, leur répondis Gaël à contre-cœur."

Les trois gaillards ne se firent pas prier et mirent de la boue absolument partout dans l'entrée. Je serrais les dents mais ne dis pas un mot, trop occupée à essayer de capter un changement d'expression chez mon grand frère. Nous nous approchâmes de la cuisine lentement, les inconnus faisant claquer leurs grosses bottes sur le parquet.

"Elle est dans cette pièce, vous voulez qu'on vous aid-...
-Poussez vous, les gosses, vous allez nous gêner! Le coupa un des gaillards d'un ton bourru"

Ils se concertèrent quelques secondes avant de sélectionner une bombe de couleur verte. L'un d'eux se baissa maladroitement pour faire passer l'embout de l'objet dans la cuisine par dessous la porte. Quelques secondes plus tard, un gaz se libéra dans la pièce d'à côté. Tout bruit cessa. J'émis un petit cri suraiguë accompagné d'un emportement non contrôlé:

"Enfoirés! Que lui avez-vous fait?!"

Le plus grand arqua un sourcil sans bouger d'un poil, tandis que les autres continuaient leurs manipulations étranges. Heureusement que mon frère me retint, sinon je leur aurais sauté au cou..!

Finalement, ils réussirent à poser ma mère inerte sur un brancard blanc qui puait l'hôpital. Je ne réagis même pas lorsque je les vis partir avec elle dans leur camionnette ocre. J'avais réussis à me calmer, à délaisser mes émotions difficilement, je ne connaissais plus que l'indifférence à ce moment-ci. Pourtant, a mesure que la voiture disparaissait au loin, je sentais quelque chose mourir en moi à petits feux. La porte se referma sur nos visages livides, à mon frère et à moi. Ce dernier courut sans un mot s'enfermer à double tour dans sa chambre. Il avait beau faire le fier, j'entendis les sanglots étouffés depuis le couloir. Si même Gaël s'écroulait, alors, qu'en serait-il de moi?

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Voici donc où nous en étions. Cela faisait deux jours qu'elle était partie avec trois types détestables, deux jours que je n'avais pas vu mon frère. Quant à moi, je passais mes journées à fixer le vide, toute droite sur une chaise du salon. Je dormais parfois, bercée par le doux son de la pluie qui martelait le toit, mais jamais longtemps. Alors que je repensais à tous ces événements décousus, j'entendis un craquement inhabituel.

Entre la vie et la mortWhere stories live. Discover now