Chapitre 10: Sourdes menaces

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L'ombre grandissait sur le mur roux de notre maison, menaçant de m'engloutir dans son obscur manteau. Je glissai précipitamment le bout de papier dans ma poche arrière tout en reculant. Je ne voulais pas laisser mon frère ici, mais une voix dans ma tête me criait de courir aussi loin que possible. Un morceau de tissu noir apparut derrière l'angle de la bâtisse. Je ne voulus pas en voir plus et courus dans le sens inverse, abandonnant mon frère dans sa mare de sang séché. Les éléments se déchaînaient contre moi, et je devais lutter contre les bourrasques pour ne pas dévier et tomber. La pluie avait redoublé d'intensité; tous semblaient être légués contre moi. Le vacarme de la tempête me vrillait les tympan, et pourtant, j'entendais clairement une respiration calme et des pas précipités derrière moi. Je n'eus pas le courage de me retourner et continuai ma course folle pour sauver ma peau, priant de toutes mes forces pour que cette chose ne soit pas endurante. Mon coeur se serrait de plus en plus a mesure que j'avançais, et mon esprit était tout embrouillé, impossible de réfléchir dans une telle situation. Je sentais déjà son souffle fétide dans mon cou, et ses yeux fous parcourir mon cadavre. De multiples frissons me parcoururent; non, pas ça. Je devais me battre pour Gaël, pour Maman, pour... Ce fut la chute. A quelques mètres seulement du porche qui abritait la porte d'entrée. Mes poumons me brûlaient, mon cœur s'affolait et mes jambes demandaient grâce, mais quelque chose me prit toute entière. Je ne savais si c'était la peur de sentir sa main se poser sur moi, ou les dernières forces dont me faisait don le désespoir. La réponse fut immédiate lorsque je sentis un couteau près à frapper dans mon dos et que je me relevai telle une bête sauvage. L'instinct était la seule chose à laquelle je pouvais me fier dans ce véritable ouragan. Je finis à quatre pattes, grognant et me démenant contre le destin. La poignée, la porte, un lieu sur. L'ouverture se referma sur moi dans un énorme bruit sourd. Je m'empressai de la fermer avant de faire glisser mon dos le long du mur adjacent. Je laissai mes bras pendre de chaque côté de mon corps épuisé. Je mis quelques secondes à me rendre compte de ce qu'il venait de se passer. Lorsque je compris enfin que j'avais frôlé la mort, je laissai couler mes larmes, sous le choc et terriblement seule.
~
Un coup de tonnerre me réveilla en sursaut. Je m'étais endormie sur le parquet, à bout de forces, et regardais à présent furtivement autour de moi.

"Je dois être en sécurité, normalement." Songeai-je en soupirant

Mon regard balaya les alentours et s'arrêta sur la pendule. 6h30. Le soleil n'allait pas tarder a se lever, même si je me demandais s'il était vraiment là. Je me levai pour m'écrouler presque aussitôt; chaque parcelle de mon corps était endolorie. Je me forçai cependant à gagner la fenêtre la plus proche et à m'asseoir sur son rebord. De larges nuages gris voilaient le ciel, et la pluie était accompagnée d'un épais brouillard. Je soupirai de nouveau, laissée presque inerte par la mort de mon frère. Je restai ainsi durant de longues minutes, ne sachant pas vraiment que faire. Le vide qui s'était installé en moi me perdait et m'ôtait la liberté de ressentir des sensations. Avais-je froid ou chaud? Étais-je morte ou vivante? Allais-je m'en sortir indemne? Certainement pas... De profondes entailles s'étaient déjà fichées dans mon cœur battant. Un semblant de souvenir gagna alors ma mémoire; le papier jauni. Je le sortis vivement de ma poche, avide de savoir de quoi il s'agissait. Je l'ouvris délicatement afin de ne pas le déchirer et ce que je lus me glaça le sang:

"Traquée comme une proie, tu fuis,
Le prédateur s'essouffle pour te tuer;
Jouons à ce jeu mortel.
Qui du chasseur ou de la bête
Restera en vie?

I just want to forget."

Alors on voulait réellement ma vie... Cette pensée me fit tressaillir tant elle me terrifia. Il fallait que je découvre qui et pourquoi avant qu'il ne réussisse à m'avoir. Le souvenir de mon grand frère mort sous les coups de ce fou me revint alors, comme un énième coup porté à mon cœur. Comment pourrais-je faire le poids..? Mes prunelles s'humidifièrent mais je me refusai cette faiblesse, même si j'étais apeurée, désespérée et vidée. Je serrai les dents et monta machinalement à l'étage, froissant le papier dans ma main. Un sourire frustré s'étendait sur mes lèvres et je murmurai nerveusement:

"Une menace? Vraiment?"

Je tournai dans le couloir de droite et entrai dans la chambre de mon frère. Cette pièce fermée hermétiquement il y avait quelques jours à peine. Ce que je vis lorsque je relevai la tête me fit écarquiller les yeux de surprise.

Entre la vie et la mortWhere stories live. Discover now