3. Incertitudes

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« Elle avait des bagues à chaque doigt

Des tas de bracelets autour des poignets

Et puis elle chantait avec une voix

Qui, sitôt, m'enjôla

Elle avait des yeux, des yeux d'opale

Qui me fascinaient, qui me fascinaient

Y avait l'ovale de son visage pâle

De femme fatale qui m'fut fatal  »

Jeanne Moreau – Le tourbillon de la vie

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Mais qu'avais-je donc fait ? Tout était allé vite, trop vite. Deux jours déjà que je t'avais embrassée et la panique commençait à me gagner. J'étais perdue. Je ne savais plus ce que je voulais, ou j'en étais.

Il faut dire que tu ne m'aidais pas, au contraire même... 

Déjà que nous habitions ensembles à la coloc, tu alternais messages attentionnés et suggestifs à longueur de journée ! 

Tu t'emballais ; c'était trop pour moi. Je ne savais plus comment réagir. J'avais besoin d'espace. 

D'un côté, j'avais aimé t'embrasser. C'était indéniable. Et même si j'avais trop bu, c'était tellement naturel de t'embrasser... Non, je ne regrettais pas.

Aurais-je pu le refaire complètement sobre ? Hum...honnêtement oui, j'en étais convaincue.

Soudain, tout se bouscula dans ma tête. Mes oreilles bourdonnaient. Voilà que j'en venais à remettre toute ma personne en question ! Moi qui jusqu'ici m'étais toujours définie comme une hétérosexuelle comblée, qui n'étais sortie qu'avec des hommes, qui n'avais jamais eu d'attirance pour une femme...Ce baiser... Voulait-il dire que j'étais bisexuelle ? Allais-je me découvrir lesbienne à vingt-deux ans ?

Evidemment, c'était plus simple pour toi. Tu savais dans quoi tu t'engageais. Tu avais déjà vécu des expériences similaires ; moi pas.

Ta sexualité était bien plus libérée et décomplexée que la mienne, et j'admirais d'ailleurs la facilité avec laquelle tu en parlais. Jamais tu ne te souciais du regard des autres, alors que moi il me terrifiait et me paralysait.

Oui tu avais connu les relations libres avec des femmes, dont une en particulier qui avait le même âge que moi. Simplement par une communion de pensée, sans pour autant coucher avec aucune d'entre elles. 

Je ne comprenais pas vraiment...

Pouvait-on véritablement aimer quelqu'un sans désirer faire un avec lui ? L'amour platonique pouvait-il être aussi intense que l'amour physique ? Toutes mes certitudes en matière d'amour, de définition même du couple volaient en éclat.

Certes, tu aimais les hommes, te définissais comme hétérosexuelle, mais tu n'allais pas pour autant te priver d'aimer une femme simplement parce qu'elle était femme ! Tu aimais le "genre humain", comme tu te plaisais à le répéter. 

Pourquoi pas, après tout ? Ça me faisait sourire...Moi je n'avais simplement jamais eu l'occasion de me poser la question. Tout était probablement une question d'occasions. 

Mirage au VietnamWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu