5. Clandestines

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« La bohème, la bohème

Ça voulait dire

On a vingt ans

La bohème, la bohème

Et nous vivions de l'air du temps...  »

Charles Aznavour – La bohème 

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"Je veux être avec toi", "Je veux être avec toi"... Ces mots résonnent à ma mémoire. Mais quand les ais je pensé pour la première fois ? Quand l'ai je su pour la première fois ? 

A ton retour de Pleiku, si je me souviens bien. Ton départ pour Pleiku et cette semaine de tranquillité où j'avais pu me recentrer sur moi et réfléchir m'avaient fait un bien fou. J'avais pu réaliser que tu me manquais et je savais maintenant que je voulais avancer avec toi, plonger dans l'inconnu.

Pendant ton voyage tu m'avais fait partager tes moments de doute, tes inquiétudes. Tu peinais à commencer la lecture des mémoires de ton père. C'était une démarche forte mais qui te laissait si vulnérable en même temps.

Hum...forte et vulnérable à la fois, c'était tout toi ! Et c'est sans doute ce paradoxe qui m'a attirée.

Je te sentais fragile et j'avais envie d'être là pour toi : je voulais te transmettre ma force et mon énergie ; bref je voulais me sentir utile. Je voyais bien que tu avais besoin d'être confortée dans ton choix de vie atypique, dans la personne que tu étais car ces moments difficiles te faisaient tout remettre en question. Et pour moi rien de plus facile, je t'admirais tant. Rien n'était plus simple que de te rappeler à quel point tu étais quelqu'un d'incroyable. Le simple fait que tu sois une femme seule de 43 ans, pas mariée, sans enfants, baroudeuse, parfaitement intégrée dans une coloc de français de 20 pige le tout sans parler notre langue en disait long pour moi sur ton courage. Et il en faut du courage pour faire le choix de la différence, pour oser prendre de la distance par rapport au regard de la société. Moi j'en aurais été bien incapable ! 

Tu m'as d'emblée montré la beauté et la force de la faiblesse et je t'ai aimé pour ça. Dès le début de la relation tu t'es mise à nu devant moi : tu m'as dévoilé toutes tes incertitudes, tes ambitions artistiques inachevées, ton manque de confiance en toi pour ton art. Jamais personne dans aucune de mes relations précédentes n'avait osé se livrer si pleinement et simplement, avec toutes ses imperfections. Moi-même, par fierté et par peur du jugement sans doute, j'avais toujours cherché à dissimuler mes faiblesses le plus longtemps possible, afin de donner la meilleure image de moi. Comme si finalement j'estimais déjà et sans raisons véritables que mon moi avec toutes ses imperfections ne serait pas assez bien pour plaire. Aussi quand tu t'es mise à nu, je me suis soudain sentie bien ridicule d'avoir pu penser l'espace d'un instant exploiter tes faiblesses, en rire ou prendre la fuite devant elles. Au contraire même. J'ai admiré ton courage. Et je n'ai pu que t'en aimer encore davantage. Je souris encore à cette perspective : tu m'as paradoxalement séduite en ne cherchant pas à me séduire ; tu m'as séduite avec tes faiblesses. J'étais touchée de la confiance que tu m'accordais en baissant ta garde si rapidement et c'est donc tout naturellement que j'ai voulu te rendre la pareille. Je voulais te prouver que je pouvais faire preuve de courage moi aussi. J'ai donc décidé à mon tour de me mettre à nu devant toi. Je t'ai donné libre accès à moi comme jamais personne auparavant. 

D'ailleurs, quelle ironie ! Tu m'as mieux connu en 3 mois que certains des mecs avait qui j'étais sortie pendant 3 ans !

On savait ce qui pouvait toucher l'autre véritablement et lui faire mal. Et c'est d'ailleurs je crois ce qui a contribué à faire la force de notre relation.

Mirage au VietnamWhere stories live. Discover now