Mirage au Vietnam

Pleiku - fin

France H-4

Cinq heures dix... Qui l'eu crût ! Nous entrions enfin dans HCMC et le timing était parfait. 

Rien n'était encore perdu, je reprenais espoir et marmonnais comme pour moi même dans un état de stress perceptible : Décollage de l'aéroport international de HCMC dans moins de quatre heures... Quatre heures... Quatre heures ? Et il faut que j'y sois au moins deux heures avant ! Ça me laisse à peine trente minutes pour rassembler toutes mes affaires et... 

 "Relax ! Tu vas l'avoir ton avion !" m'interrompis tu en riant, de ton air détaché. 

Puis comme je te fustigeais du regard, tu ajoutas à demi-voix sur le ton de la confidence "Margaux à déjà préparé ta valise...". 

Quoi ? Margaux ? Mais comment était-ce possible ? 

Déjà tu te justifiais, confuse : "Oui je sais, tu ne voulais pas lui demander... Alors j'ai demandé pour toi ! Elle était si contente de nous aider... Elle a vraiment compris l'urgence de la situation, tu sais !"

Je n'arrivais pas à en croire mes yeux. 

Tu étais géniale ! "Merci Merci Merci ! " fut ma seule réponse et je te sautais au cou de soulagement.

Pas sûr que pour moi Margaux aurait levé le petit doigt, mais toi qui l'avait aidée dans ses projets et avait relu ses CV, elle ne pouvait rien te refuser. 

Encore une qualité que j'admirais chez toi AJ ! Tu étais toujours prête à rendre service sans jamais attendre quoi que ce soit en retour. Alors forcément, quand ton tour venait, ils étaient tous prêts à te le rendre au centuple.

En arrivant à la coloc, une vision : ma valise m'attendais déjà devant la porte de ma chambre, toute prête !

Le temps de peaufiner les derniers détails, et j'avais même le temps de prendre une douche !

Nous étions tellement sales après ces deux jours de camping en pleine nature, que rien n'aurait pu me faire plus plaisir !

L'eau chaude dégoulinait le long de mon corps et c'était tellement agréable. Je me sentais revivre.

Tu me rejoignais alors sous la douche armée d'un gant de toilette. Tu nettoyas et frottas et avec application chacun de mes membres, laissant courir tes mains sur ma peau. Je frissonnais et m'abandonnais sous tes caresses une dernière fois encore.

Notre dernière douche ensemble...

Je cherchais à fixer dans ma mémoire l'odeur forte de ton shampoing à la mangue, la façon que tu avais de me toucher.

La douche finie, tu démêlas mes cheveux comme d'habitude.

Difficile d'imaginer que dans moins de trois heures maintenant je m'envolerai pour la France, et que nous ne nous reverrions plus.

****

France H-2

Dans la voiture qui me conduisait a l'aéroport, je ne pouvais détacher mes yeux de la route. Cette route qui relie le D2 au centre ville de HCMC, que je prenais tous les jours pour aller travailler et que j'empruntais maintenant pour la dernière fois. Cette route qui m'avait gratifiée, chaque soir entre ses buildings immenses, des plus beaux couchés de soleil... 

Cette route qui me était le symbole de toute l'agitation propre à HCMC : ses vendeurs de fruits ambulants, ses scooters prêts à surgir de partout, ses odeurs de grillades aussi ...

J'essayais de tout graver à jamais dans ma mémoire...

Soudain, tu me pris la main et le contact de ta peau sur la mienne m'arracha à ma rêverie. Je te souris alors. Je n'arrivais pas non plus a réaliser que c'était mes derniers instants avec toi...

On n'avait pas eu le temps AJ... Pas eu le temps de se dire au revoir. Pas plus d'ailleurs, je n'avais eu le temps de dire au revoir à HCMC.

C'était peut être pour le mieux. On ne réalisait pas ce qu'il se passait.

En arrivant a l'aéroport, je me sentie sauvée. Cette fois c'était bon ! J'allais l'avoir mon avion !

Tout mon stress disparu d'un coup, et je tentais alors de me concentrer sur toi, sur nous. Dans un journal que j'avais acheté pour raconter mon expérience du Vietnam, tu me glissas un mot. De mon coté je t'écrivis sur un bout de papier la liste des chansons françaises que l'on avait l'habitude d'écouter sur le toit ensemble, ainsi que ma date d'anniversaire pour que tu ne l'oublies pas.

Mais alors que nous attendions dans la queue pour mettre ma valise en soute, j'aperçu au loin Lucas, Myriam et Pierre, trois étudiants de mon école.

Mon dieu ! Je les avais complètement oublié !

Moi qui pensais être la dernière à quitter le Vietnam ! Je n'étais pas la seule à rentrer en France ce jour là...

Dès que tu les vit, instantanément et par respect, tu t'éloignas de moi et te mis en retrait. Gênée, je continuais donc à te parler comme si de rien n'était, ne sachant trop comment gérer la situation.

Je sentais qu'ils nous observaient du coin de l'oeil.

C'était mes derniers instants avec toi... D'un coup, je ne réfléchis plus. Le ridicule de la situation me troua les yeux.

Je te pris alors par la taille, et devant tout l'aéroport t'embrassas avec passion, mêlant ma langue à la tienne, comme si c'était la dernière fois. 

Je sentis la surprise laisser place au bonheur et à la reconnaissance dans tes yeux. Tu me rendis alors mon sourire et me dis simplement : "Merci." 

Tu marquas une pause puis : "Je ne pensais pas que tu allais le faire..."

" Moi non plus !" t'avouais je alors en souriant. 

Finalement le temps d'apprendre à vivre à tes cotés, il était déjà trop tard. Je partais. 

" AJ...J'ai été stupide. Je suis fière d'être avec toi, et je veux que le monde le sache."

Tu avais les larmes aux yeux, je sentais que ça te touchait profondément. Tu me serrais plus fort dans tes bras et m'embrassais dans la foulée : "I love you"

Mais voilà c'était l'heure de se séparer, je devais passer la sécurité. 

Mon coeur et mon corps étaient comme dissociés. Te quitter m'arrachait le coeur mais je ne parvenais pas à pleurer. 

Toi, au contraire, tu pleurais en silence. 

Au moment de montrer mon passeport, je t'adressais un sourire lumineux et un geste final de la main.