1.2 Immersion

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"Si les branches et la cime de l'arbre peuvent naitre

C'est parce qu'ils ont des racines".

Proverbe vietnamien

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« Hallo ! Bienvenue... Vous êtes les deux nouvelles locataires ? » chantonna une voix féminine depuis la lourde grille en fer forgé noire.

J'étais un peu prise de court... Même dans la pénombre, cette femme ne semblait pas vietnamienne pour un sou. 

Le chauffeur se serait-t-il trompé d'adresse ? Aucun moyen de le savoir - pas un panneau en vue, encore moins de numéro...

« Bonjour !... euh oui je crois...."

« Hannah et Ludivine ?" poursuivit la voix guillerette. 

« Oui c'est bien ça ! ... euh... Truong ? » 

La petite brune, qui nous faisait face à présent, s'esclaffa d'un rire franc : « Naa...Je suis locataire tout comme vous !  Truong, la propriétaire est souvent absente... Alors c'est moi qui suis chargée de vous faire le tour de la maison ! »

Ah...J'acquiesçais chaleureusement. Je me sentais un peu stupide tout d'un coup. 

"Tu es allemande ?" s'enquit aussitôt Lulu, à qui les sonorités gutturales n'avaient pas échappées.

Notre interlocutrice leva les yeux au ciel puis lâcha dans un soupir enjoué  « Ja.... C'est mon accent qui m'a trahie ?" 

L'allemande semblait ravie d'avoir de nouvelles colocataires... Il faut dire qu'avec ses trois étages, la maison devait lui sembler bien vide ! 

Nous traversâmes un modeste salon commun, puis trainâmes nos valises dans l'escalier en colimaçon qui menait au premier étage. 

« Voilà vos chambres ! » claironna-t-elle fièrement, tandis que Lulu et moi, aussi rouges que les coquelicots, nous époumonions à hisser nos monstres à roulettes sur le palier à quelques mètres de là. 

"Le deuxième étage est réservé aux propriétaires. Et au troisième, sur le toit...C'est la terrasse ! Vous verrez, comme la plupart des toits sont plats à HCMC, les roof top c'est très fréquent...".

Mais je n'écoutais déjà plus. 

Je ne pouvais en croire mes yeux. Là devant moi, deux chambres climatisées, modernes et spacieuses, avec chacune sa propre salle de bain. Encore un peu et on se serait cru dans un hôtel européen !  J'en déduisais que Truong devait faire partie de ces vietnamiens aisés et européanisés...

Alors que je commençais à éventrer ma valise pour la vider de ses trésors,  le rire rauque de l'allemande retentit une fois de plus derrière moi : « Mais qu'est ce que c'est que tout ça ? » 

Je me sentis rougir de honte, bien consciente de l'extrémité de ma situation.

« Oui c'est vrai. C'est peut-être un peu... excessif » relativisais-je face à la ribambelle de médicaments qui s'entassaient déjà pêle-mêle sur mon lit.

Mais déjà elle s'emparait de ma moustiquaire et s'enveloppait dedans, tout en se tortillant : "Et ça, c'est quoi ?" 

"Une moustiquaire..." répondis-je bêtement comme si elle avait pu ignorer l'utilité de cet objet. 

Le rire incontrôlé de Lulu qui observait la scène me parvint comme dans un écho lointain, se mêlant à celui de l'allemande.

"Tu n'en n'auras pas besoin ici ! Il y a moins de moustiques que dans le Sud de la France !"

Mirage au VietnamWhere stories live. Discover now