Pleiku

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France J-4  : Buon Ma Thuot 

Le 23 décembre 2018 à 9 heures précises, je m'envolerai pour la France. 

Dans 4 jours, je tournerai définitivement le dos au Vietnam, à toi, à nous. 

Cette perspective me glaçait le sang... Mais je n'avais pas le temps de m'en inquiéter pour l'instant ! 

L'heure du grand départ était enfin arrivée : nous partions pour Pleiku et rien n'aurais pu gâcher mon bonheur ce jour là ! 


De HCMC, la route pour Pleiku était longue... Plus de 10h de bus ! Nous décidâmes donc de faire une halte stratégique à Buon Ma Thuot à mi chemin, pour visiter un parc naturel, sur les conseils des locaux. 

Le parc était paisible : peu connu des touristes, il n'était fréquenté que par quelques vacanciers vietnamiens.

Après une trentaine de minutes de marche au beau milieu d'une végétation luxuriante, nous arrivâmes enfin aux cascades. Elles se dressaient là devant nous, majestueuses et imposantes, déferlant dans un doux fracas, pour se jeter quelques mètres plus bas dans une rivière à l'eau turquoise translucide. 

Nous admirions, bouches bées, ce spectacle de la nature... 

Mais très vite, la contemplation se mua en un silence étouffant. 

Les montagnes russes émotionnelles des derniers jours avaient laissées place a une rancoeur tenace, impossible à dissiper. Le spectre de nos disputes passées planait nous hantait, menaçant de resurgir a tout moment...  Nos blessures réouvertes saignaient à bloc ; et puisqu'aucune parole ne parvenait à les apaiser, le silence s'imposait comme seul remède pour ne pas se faire souffrir encore davantage.

Mais AJ, le silence était-il la solution ? Il n'y avait rien que je redoutais plus que le silence... 

Mes efforts pour détendre l'atmosphère étaient vains. La conversation n'était pas naturelle. 

Je  nous observais avec stupeur, répéter machinalement ces phrases enflammées que l'on avait l'habitude de se dire, les vidant peu a peu de leur substance. 

Peut être aurions nous du en rester là, AJ... Finalement tu avais raison, ce roadtrip n'était pas une bonne idée. 

Etions nous en train de chercher a forcer le destin ? Comment pouvait on seulement imaginer repartir a zéro, alors que nous nous étions tant fait souffrir ? 

Je désespérais. J'assistais impuissante à une scène que je ne voulais pas voir. Là, étalé devant mes yeux, la désagrégation de notre amour...

Seul le temps semblait pouvoir faire son oeuvre et panser nos blessures, mais du temps, on en avait pas...

La situation me devenais insupportable quand soudain, tu eus LA bonne idée.

Puisque ni le silence, ni la parole n'étaient la solution, Il ne restait plus qu'un ultime recours :  l'action. 

 "On va se baigner ?" me lança tu alors. 

Bien sûr nous n'avions pas de maillot, mais je ne me posais même plus la question. 

"Ici ? Mais c'est un parc ! Il y a des enfants ! " ne pouvais je m'empêcher de te faire remarquer en désignant du doigt une famille vietnamienne venue pique niquer sur les bords de la rivière. 

"Par là, on ne nous verra pas ! " répondis-tu sûre de toi, et déjà tu m'entrainais un peu plus bas sous le pont, là ou il y avait du courant. 

Mirage au VietnamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant