Chapitre 4 : Marianne et Ginette

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« Ch'est la cata... La cata, la cata, la cata, je marmonne, la bouche pleine.

-Tu veux finir mes croissants ? me demande Ludwig en réprimant un bâillement.

-Carrément. »

J'enfourne la viennoiserie que me tend Ludwig dans ma bouche, en ignorant le regard désapprobateur de Teddy Spike pesant sur moi. Quoi ? Il faut bien que je trouve un peu de réconfort quelque part, non ?

« Je récapitule : une robe, de la musique, une salle, des logements pour les invités, de la nourriture... » énumère l'agent de Zoe Kardashian en passant en revue tous les points qu'il vient de lister sur un tableau blanc à roulettes chipé à la mairie.

Installés dans l'arrière-boutique de la boulangerie de Maëva (pour les croissants), je sens lentement la vie me quitter en voyant Spike ajouter « Fleurs » à la liste déjà très longue qu'il a établi.

Le fait que cet agent de malheur m'ait tirée du lit aux aurores pour s'improviser organisateur de mariage n'améliore pas mon humeur, mais je crois que c'est de bonne guerre : j'ai bien cru que Spike allait faire une crise cardiaque quand je lui ai annoncé que oui, le mariage aurait bel et bien lieu dans un mois – et que je n'avais pas encore d'idée claire sur la façon de l'organiser. Après tout, c'était simple, non ? Jusque-là, je croyais que des fleurs, une robe, quelques petits-fours (avec préférablement des raviolis vapeur au menu), et un passage à la mairie suffiraient.

Mais évidemment, ce n'est pas n'importe quel mariage. Non, c'est un mariage auquel Zoe Kardashian assiste ; et d'après son agent, Zoe Kardashian n'assiste qu'à des cérémonies d'exception.

« Alors, ça avance ? fait Maëva en entrant dans l'arrière-boutique. Monsieur Spike, je vous ai préparé du café, il vous attend sur le comptoir. Bien fort, comme vous l'avez demandé.

-Merci. » répond Spike en dépit de son air bien trop réveillé pour quelqu'un ayant besoin d'un café serré.

Il quitte l'arrière-boutique au pas de gymnastique et je maudis entre mes dents cette espèce de robot titulaire d'un double-diplôme de marketing et de communication à l'université d'Harvard, ayant déjà mené trois célébrités au succès du haut de ses trente-trois ans. Je secoue légèrement Ludwig, qui pique du nez dans les croissants. Même la voix du transistor posé sur le comptoir de Maëva, narrant les exploits de l'équipe de rugby de Champigny au championnat national, ne semble pas le tirer de sa torpeur.

« Alors ? demande simplement Maëva alors que Ludwig sursaute en se réveillant.

-Un désastre. Ça va être un désastre ! je me lamente. Comment je vais pouvoir me procurer toutes ces choses toute seule en si peu de temps ?

-C'est sûr que si le mariage est raté, votre crédibilité va en prendre un coup... » soupire Maëva en passant la main dans ses cheveux blonds.

C'est peu de le dire. Un mariage raté signifie une Zoe Kardashian mécontente, une Zoe Kardashian mécontente signifie pas d'argent, pas d'argent signifie encore de longues années à moisir à Champigny-sur-Poitou. A cette idée, je me laisse mollement glisser sur ma chaise, sous le regard placide de Ludwig. Il est inquiet – je le devine à ce léger pli au niveau de son sourcil gauche, que j'ai appris à détecter après des années à le côtoyer.

« Bon. Une idée pour avoir l'air un peu plus crédible aux yeux de Spike quand il reviendra ? je demande, accablée par ce qui s'apprête à me tomber dessus au retour de l'agent.

-On pourrait... » commence Ludwig.

Il est coupé par un fracas dans la salle principale de la boulangerie. Maëva se précipite pour vérifier ce qu'il se passe, mais elle n'a pas le temps de quitter l'arrière-boutique qu'une silhouette massive s'interpose dans l'entrée.

Le mariage archi-faux de Ludwig et MaëlleWhere stories live. Discover now