Chapitre 12 (partie 2) : La Kardashian

808 171 27
                                    

Entassés dans la Twingo, avec Maëva pour conductrice, Spike sur le siège passager avec Beryl et moi à l'arrière, j'imagine le pire alors que l'agent assène des directions à la boulangère, dont le pied appuie furieusement sur le champignon. Beryl a été beaucoup trop vague quant à ce qu'il a pu se passer pour que toute la suite de Zoe Kardashian ne se transforme en une seule petite bonne femme rousse.

Alors que nous déboulons à toute vitesse sur la nationale, je m'imagine des Audi renversées dans des fossés, aux pare-chocs défoncés par des sangliers en furie. J'imagine des centaines de fans furieux m'accusant d'avoir tué leur idole en l'invitant dans ma cambrousse.

Aussi quelle n'est pas ma surprise quand Beryl s'exclame « Here ! » et que la Twingo et la C15 pilent devant un minibus que je reconnais.

« Les grognards de Champigny ? lit Maëva. Mais...

-Here we go, boys ! One more time ! fait une voix avec un accent américain.

-Ouaiiiiis ! rugit un chœur de voix clairement françaises – et masculines.

-Non, ne me dites pas que... »

Nous sortons précipitemment de la voiture, et j'assiste au spectacle le plus étrange de toute mon existence. D'abord, trois Audi embourbées dans la gadoue sur le bord de la nationale. Garé à côté, le minibus (neuf) des Grognards de Champigny domine les trois voitures de luxe de toute sa splendeur. Devant le bus se tient l'équipe de rugby de Champigny dans son intégralité et en son centre, Zoe Kardashian, en pleine séance de selfies.

Ces deux mondes qui se rencontrent sur le bord de la nationale, avec cette créature sophistiquée entourée de quinze ours, me fait me demander si je ne suis pas en train de rêver.

« What the... marmonne Spike en perdant au passage son français.

-C'était ça, l'urgence ? fait l'oncle Pouillot en sortant de son C15. Quinze crétins autour d'une pauvre fille et de ses voitures embourbées ?

-Mais c'est José ! fait un rugbymen – Lucas Garrec, le premier type que j'ai jamais embrassé. José Pouillot ! Tu es venu nous aider à filer un coup de main à la p'tite dame ?

-Hé ! Les gars ! Mais qu'est-ce que vous faites ici ? Vous avez gagné le championnat, finalement ? » demande Marianne en courant vers son équipe.

Je me frotte les yeux. Est-ce qu'on peut faire plus irréel que ça ? Autour du minibus, les personnes accompagnant Zoe Kardashian, tels des naufragés assis sur le capot des voitures, observent la diva – qui est plus petite qu'à la télé, un peu décevant – en train de discuter dans un français douteux avec les membres de l'équipe de rugby. Une minute... Si l'équipe de rugby est là, alors il y a aussi...

« Maëlle ! Annie ! C'est fou, qu'est-ce que vous faites là ?

-Alphonse ! » je m'écrie, de concert avec ma petite sœur.

Qui aurait cru que cet embourbement sur un bord de nationale se transformerait en réunion de famille ? Et pourtant, voilà ma fratrie à nouveau réunie. Annie, la plus jeune, moi, la cadette, et Alphonse, notre aîné. Du haut de ses vingt-cinq ans, il dirige l'équipe de Champigny depuis peu, et tout son corps indique qu'il est pilier de rugby. Si Annie et moi tenons plus de notre mère, avec nos cheveux noirs, Alphonse tient clairement de notre père absent, ce qui a toujours un peu attristé Maman. Voilà pourquoi Alphonse a toujours tenu à être présent pour notre famille, à l'inverse de notre géniteur.

« C'est moi qui devrais te demander ce que tu fiches ici ! je réponds. Vous n'étiez pas censés jouer un match ?

-Eh ben... On a perdu. On n'aurait pas dû laisser Marianne à Champigny... regrette mon frère de sa voix de stentor ; il n'a jamais su parler doucement. Mais... Vous n'avez pas suivi à la radio ?

Le mariage archi-faux de Ludwig et MaëlleWhere stories live. Discover now