Chapitre 18 : Résignation et Mimolette

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« Non, nous n'avons pas d'hôtels à Champigny-sur-Poitou. Mais si vous avez une voiture, je peux vous recommander cette maison d'hôtes à Isigny-sur-Caillou... » fait la voix de ma mère depuis son bureau, alors que je me faufile dans la maison.

Trempée de pluie, je m'essuie rapidement les pieds avant de courir vers le placard de la salle à manger que j'ouvre en grand pour la deuxième fois. Ecartant une pile de nappes et des caisses d'assiettes, j'y cache un classeur rempli à ras-bord de partitions et le ukulélé de Ludwig, par-dessus la guitare qu'il m'a confié en urgence.

Une fois le placard refermé, je repose ma tête contre sa porte, essayant de retrouver mon calme. Je jette un coup d'œil par la fenêtre, d'où je peux voir les lueurs de l'Auberge de la Grange briller même à travers les trombes d'eau qui s'abattent dehors. Tout le monde est rentré chez soi : Spike et Beryl sont rentrés dans la maison d'hôte de Kaspar, Maëva dans sa boulangerie, Ludwig dans son restaurant. Avec ses parents. Est-ce qu'ils ont vu la vidéo de Zoe ? Impossible à dire, mais ils sont rentrés bien vite de leurs courses en ville. J'aurais aimé être aux côtés de Ludwig, pour essayer de le défendre, mais ce dernier m'a seulement confié tout son matériel de musique en m'intimant de rentrer chez moi en vitesse, sans me laisser le temps de protester.

Les parents de Ludwig ne sont pas violents, je songe pour me rassurer. C'est d'eux que mon fiancé tient son tempérament tranquille, après tout. Mais s'ils ne sont pas violents, en revanche, ils ont un sens de l'honneur bien prononcé, en particulier quand il s'agit de l'affaire familiale qu'est l'Auberge de la Grange.

Qu'est-ce que peut bien subir Ludwig en ce moment ?

Alors qu'à l'étage, dans son bureau, ma mère prend un nouvel appel concernant quelqu'un voulant apparemment venir à Champigny-sur-Poitou d'ici une semaine, des pas ténus résonnent dans l'escalier. Zoe Kardashian vient de surgir dans la salle à manger, son téléphone dans une main, un morceau de pain sans gluten dans l'autre. Ses lives sont finis pour la journée, ses assistants sont à la maison : elle semble bien seule, d'un coup. Elle regarde par la fenêtre d'un air désolé :

« C'est terrible, cette pluie. Horrendous, vraiment. Mes cheveux vont friser.

-Ça va, je ne vous dérange pas ? » je m'entends lui lancer d'un ton glacial.

Elle me jette un coup d'œil furtif et je soutiens son regard. Au fond de moi, je sais que je devrais la boucler. Ça vaudrait mieux pour tout le monde. Mais la voir n'exprimer ne serait-ce qu'un seul remord pour Ludwig me met hors-de-moi.

« Je vais très bien, thanks, répond Zoe en haussant les épaules.

-Ça ne vous est pas venu à l'esprit que si Ludwig ne montrait jamais son visage sur ses vidéos, c'est qu'il voulait garder sa vraie identité secrète ? » je persiste.

Zoe ne me regarde pas, s'obstinant à fixer les litres d'eau s'abattant sur la pelouse de mon jardin. Furieuse, je m'approche d'elle, espérant au moins soutirer quelques regrets vis-à-vis de son acte.

« Dites quelque chose !

-Ces appels que reçoit ta mère, répond-t-elle simplement. Ces appels de touristes qui veulent venir dans ton village. Ils ne sont pas pour moi.

-Qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse ? Ludwig est sûrement en train de passer les pires moments de sa vie, là, maintenant, à cause de vous ! » je gronde.

Pas de réponse. J'ai l'impression que la frustration que je ressens à ce moment précis pourrait crever le plafond.

« Quand je pense que j'ai cru que vous étiez... enfin, je ne sais pas... je commence.

Le mariage archi-faux de Ludwig et MaëlleWhere stories live. Discover now