Chapitre 15 (partie 2) : Bains de minuit

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« Je persiste à dire qu'avoir coupé par le champ était une mauvaise idée.

-Si tes copains rugbymen n'avaient pas fait les malins en nous doublant puis en nous bloquant la route sur des kilomètres avec ton foutu tracteur, je n'aurais pas eu cette idée, Alphonse !

-Foutu tracteur ! Foutu tracteur ! chantonne Zoe, qui a repris quelques gorgées de gnôle en cachette.

-Maëlle, ça va ? » s'inquiète Marianne.

Le faisceau de la lampe de poche que Maëva garde dans sa boîte à gants et que tient la rugbywoman me balaye le visage, et je me résigne à sortir de la voiture. Ludwig est accroupi près des roues du pick-up. L'engin est sérieusement embourbé. Le pire, c'est que ce n'est pas ça, mon pire problème, à ce moment précis.

J'observe silencieusement Ludwig, qui ignore tout ce que je sais. C'était bien ses mains, sur la vidéo. C'était bien sa chambre. Dix millions de personnes ont vu ces vidéos ; mais pas moi. Pourtant, il ne peut pas m'avoir caché ça parce qu'il m'en veut. Il ne peut pas s'être montré aussi affectueux, aussi attentionné, aussi amoureux et me cacher ça à cause d'une quelconque rancœur.

Alors pourquoi ?

« Bon, commence Maëva. Il est 23h30, on est au milieu d'un champ, il n'y a aucun réseau et on a une diva bourrée à la gnôle sur les bras. Enfin, dans les bras d'Alphonse.

-Hi hi, renchérit Zoe Kardashian en s'affalant de plus belle dans les bras de mon frère au bord de la syncope.

-On fait quoi ?

-Là-bas. » fait subitement Ludwig.

Il pointe du doigt une direction, sur le bord du champ.

« De la lumière, complète-t-il.

-Oh, je sais ce que c'est ! fait Alphonse. C'est la maison de vacances de cette famille de Parisiens, le père de famille passe tous les matins dans la boulangerie de Maëva. Ils doivent être là pour leurs congés.

-Pour une fois, ils vont nous servir à quelque chose ! »

Abandonnant le pick-up au milieu du champ, nous nous mettons en route vers la maison. Tandis qu'Alphonse tient une Kardashian pantelante et beaucoup trop joyeuse à bout de bras, Ludwig se range silencieusement à mes côtés. Depuis sa confession de cet après-midi, nous n'avons pas pu échanger un seul mot en tête-à-tête. Dans l'obscurité, impossible d'observer clairement son visage et de savoir ce qu'il pense. Je sens juste son petit doigt s'enrouler autour du mien, mais je ne réagis pas, perdue dans mes pensées.

Si Ludwig devient chanteur auprès de Zoe Kardashian, il partira. On ne se verra plus. Certes, ce serait aussi le cas si lui doit rester pour reprendre le restaurant de ses parents et que je prends la poudre d'escampette, mais cette réalité-là me frappe beaucoup plus fort.

Est-ce que c'est pour ça que Ludwig ne m'en a pas parlé ?

La maison des Parisiens est un grand mas avec jardin facilement accessible, sans personne à la ronde, mais quand Maëva pousse un cri pour vérifier s'il y a quelqu'un, pas de réponse.

« Ils sont partis avec leurs lumières allumées ? s'étonne-t-elle.

-Ils doivent être à la foire... soupire Marianne. La bonne nouvelle, c'est qu'ils ne devraient pas tarder à rentrer. Et puis...

-Pisciiiiiiine !

-Zo... Mamzelle Kardashian ! »

Un grand « plouf » nous fait sursauter, et lorsque nous tournons la tête, nous apercevons une nuée de cheveux noirs au milieu d'une grande étendue turquoise et lumineuse. Zoe a sauté tout habillée dans la piscine des Parisiens.

Le mariage archi-faux de Ludwig et MaëlleWhere stories live. Discover now