Chapitre 13 : Diva(s)

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Certains sages disent que pour réaliser ses rêves, il faut laisser une part de soi, faire des sacrifices.

Aucun de ces sages n'a jamais croisé le chemin de Zoe Kardashian.

« No way. Les photos sur une voie ferrée, c'est so 2018. Fait, et surfait. Kylie et Kim avaient lancé cette mode, d'ailleurs.

-All right, Miss Kardashian ! Trouvons un autre endroit. Maëlle ! Trouvez-nous un autre spot photographique, darling ! » m'ordonne Beryl, toujours aussi dévouée.

Alignée aux côtés de Maëva et Marianne le long du rail, nous retenons en même temps un soupir exaspéré. Seuls Ludwig et Alphonse ne bronchent pas ; Ludwig, car c'est Ludwig ; Alphonse, car aucun élément ne semble jamais l'atteindre. Il est comme ça, mon frère : qu'il vente, qu'il neige, qu'il tombe littéralement du feu ou de la grêle, lorsqu'il a une idée en tête, il ne bouge pas. Généralement, ces idées touchent de près ou de loin au rugby, mais aujourd'hui, je placerai plutôt mes paris sur le fait qu'il ne peut pas s'empêcher de nous surveiller, Ludwig et moi. Il faut dire que ça lui a fait un sacré choc, lui qui me voyait avec tout le monde – par tout le monde, entendre n'importe quel péquin de son équipe de rugby – sauf Ludwig... La raison officielle est que nous sommes « trop amis » pour ça, mais je connais bien la raison officieuse : Ludwig est le seul homme du village capable de le battre au bras de fer.

« Quel cagnard... gémit Marianne. Elle ne craint pas l'insolation, la Kardashian, ou quoi ?

-C'était ça, ou subir les préparatifs de la tente avec Spike et la mère de Maëlle, rappelle Maëva.

-Subir les séances photos d'une diva ou affronter la préparation de tables avec deux dragons survoltés par la venue de notre invitée... La peste ou le choléra, quoi, résume piteusement la rugbywoman.

-Au moins, vous avez eu le choix, vous, je grommelle.

-C'est toi qui as choisi de l'inviter, soupire Maëva. Maintenant, assume et tâche de penser à un « spot photographique » à l'ombre, merci. »

J'esquisse une grimace dans sa direction avant de me diriger vers mon invitée d'honneur. En soi, Maëva n'a pas tort. En invitant Zoe Kardashian, j'ai indirectement pris la responsabilité de lui faire visiter le village et de m'assurer de son bien-être. Seulement, j'aurais peut-être dû prendre en compte le fait que le bien-être de Zoe Kardashian ne dépende que de deux choses : fournir ses réseaux sociaux d'une centaine de photos par jour, et faire tourner les gens en bourrique. Par les gens, entendre...

« Maëlle ! »

...Son nouveau larbin professionnel.

« De l'eau. Je meurs de chaud. »

Mes doigts se resserrent autour de la bouteille de Volvic (et pas une autre marque, raison pour laquelle j'ai dû obliger Ginette à fouiller ses stocks pour trouver l'unique bouteille correspondant aux désirs de Zoe) que je suis censée lui donner, me faisant violence pour ne pas la balancer à la figure de Zoe Kardashian.

L'argent, Maëlle, pense à l'argent.

« Cette eau est tiède. Ça ne va pas, persifle la diva, son français bancal lui faisant prononcer des lettres habituellement silencieuses.

-Il fait trente-deux degrés à l'ombre. Trente-quatre si on compte le fait qu'il n'y a aucune ombre nulle part, ici, je m'entends rétorquer du tac au tac.

-Est-ce que cette réponse est censée m'émouvoir ?

-Miss Blanchard ! Gosh, qu'est-ce qu'il vous prend ? » s'indigne Beryl en se rapprochant de nous.

Le mariage archi-faux de Ludwig et MaëlleWhere stories live. Discover now