Chapitre 8 : En-haut de l'arbre

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Pas convaincante. Pas convaincante. Pas convaincante...

« Donc, Ginette, prenez note.

-Oui Monsieur Spike !

-Pour les photos, je pensais à la grange de monsieur Pouillot, la façade de lierre de la maison d'hôtes, peut-être le champ de blé, là-bas, ça fera champêtre... »

Pas convaincante, je t'en donnerai, moi, du « pas convaincante »... Qu'est-ce cette groupie sortie de nulle part en sait, d'abord ? Est-ce qu'elle a tenté d'arnaquer des célébrités avec Ludwig ? Je ne crois pas, non. Parce que Ludwig est mon meilleur ami, mon faux fiancé, et que donc...

« Comment ? Vous voulez que la robe de Maëlle soit recouverte de cancrelats ? On n'est pas aux Etats-Unis, ici, on a encore des insectes dans nos champs, nous !

-Et puis de toute façon, j'aurai moissonné d'ici le 26 juillet, ça ne va pas du tout.

-Maëlle, ça va ?

-Mademoiselle Blanchard, vous êtes avec nous ? Ce sont vos photos de mariage, tout de même ! »

Je tressaillis, ramenée à la réalité par la voix agacée de Spike, mais aussi par la main de Ludwig posée sur mon avant-bras.

Ah, oui. Avant que je ne rejoue mentalement pour la deux-cent-cinquantième fois la scène du restaurant (« Pas convaincante », ce qu'il ne faut pas entendre...), nous étions en train de faire du repérage pour les photos de mariage que je vais devoir prendre avec Ludwig. Par nous, il faut entendre mon « fiancé » (avec qui je suis très convaincante), moi, Spike, Ginette qui prend un malin plaisir à jouer les assistantes, Maëva, ma sœur, et approximativement tout le village, en fait. Ah, et n'oublions pas cette chèvre de l'oncle Pouillot, qui s'est échappée de son pâturage.

Je n'ai pas bien compris pourquoi tout le monde a tenu à nous suivre en cette fin d'après-midi particulièrement étouffante, mais j'ai ma petite idée : avec Ginette qui joue les organisatrices de mariages avec Spike, il n'y a plus personne pour servir au bar, le seul lieu où il se passe quelque chose au village après dix-huit heures. Donc, ce soir, au lieu des sempiternelles parties de belote, tout le monde préfère aller de son petit commentaire sur les endroits où prendre nos photos.

« Et le château ? Pourquoi pas le château ?

-Cette ruine ? Alors que mon champ de lavandes est juste à côté ?

-Tu viens de les ramasser, tes lavandes, corniaud !

-Et alors ? Il est toujours plus beau que tes champs de maïs et la ruine qui nous sert de château ! »

Pendant que Ginette note assidûment toutes ces suggestions sur son bloc-notes, Spike gratouille d'un air dépité sa barbe naissante. L'agent perd de jour en jour son attitude citadine – un jour, la barbe, un autre, un bouton de sa chemise grignoté par une chèvre -, mais il garde la conscience professionnelle vouée au corps.

« Pas de champs de blé, pas de champs de lavande... soupire-t-il en caressant distraitement la tête de la chèvre.

-Et pourquoi pas la cabane ? suggère ma sœur, qui retient Kartoffel à bout de bras pour éviter qu'il ne se jette sur l'animal de ferme.

-La cabane ? fait Spike.

-Maëlle, est-ce que tout va bien ? » insiste Ludwig.

Oups. Heureusement que sa voix me ramène à nouveau sur terre ; j'étais repartie pour une nouvelle séance de ruminements. Un léger pli se forme entre les sourcils de Ludwig : il est soucieux.

Le mariage archi-faux de Ludwig et MaëlleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant