Chapitre 5 - Croire, vouloir, comprendre

152 33 63
                                    

L'université était vide aujourd'hui, nous étions dimanche donc cela ne m'étonnait pas tant que ça. La plupart rendaient visite à leur famille le week-end ou participait à des fêtes et dormait sur place. La semaine, c'était comme un monde peuplé uniquement d'adolescents. Ici, 25 étaient pratiquement la moyenne d'âge. Ils se déplaçaient avec des sacs à dos, principalement en petits paquets de trois ou quatre. Jeans presque omniprésents, bien que quelques-uns étaient vêtus de couleurs vives, punk ou goth.

Je n'avais passé qu'une semaine dans ces lieux et je savais déjà comment elle fonctionnait. Je m'attendais à une grande différence avec le lycée, mais en fin de compte seul le nombre d'étudiants différait. Être noyée dans quelque 30 000 élèves, si ce n'était plus, éliminait les suprématies, les groupes de populaires et par opposition les nerds. Nous étions tous des inconnus qui connaissaient d'autres inconnus. À croire que cet anonymat me poursuivait depuis mon arrivée.

Pour l'instant, cela ne m'avait pas dérangé d'ignorer l'identité de toutes ces personnes. Marcher dans les couloirs recouverts de travail des gens que je ne connaissais pas. Rigoler avec Holly en épiloguant sur les couples improbables que nous rencontrions, les styles les plus extravertis ou encore sur les quelques professeurs que nous avions eus pour le moment. Une semaine enrichissante, j'avais hâte de découvrir ce que cette année me réservait. L'université avait cet avantage : pouvoir se réinventer.

Être un nouveau moi. Ça avait un côté vraiment très excitant.

J'ouvris la porte de la chambre que je partageais avec Holly, pressée de la retrouver. Elle était assise au bout de son lit, la tête penchée vers son téléphone, lovée dans sa couverture. Ses cheveux blonds lui tombaient devant les yeux comme un halo autour de sa tête. Elle releva les yeux vers moi et m'adressa un petit sourire.

— Et revoilà notre disparue.

Je passai une main dans mon épaisse crinière brune — relevant au passage à quel point elle était emmêlée — et m'assis à côté d'elle. Je me mordillai la lèvre inférieure, les yeux rivés sur mes mains jointes devant mon ventre, tripotant constamment mes jointures, entremêlant et écartant mes doigts. Je ressentais le besoin de bouger presque sans fin ; si mes membres se mettaient en mouvement, l'anxiété pourrait disparaître, ou du moins je pouvais l'ignorer un moment. Je ne savais pas par où commencer, quoi lui dire. Je devais garder mon calme et expliquer la situation avec objectivité.

— Holly, je suis vraiment désolée. Je voulais t'appeler, te rassurer, mais j'ai perdu mon téléphone portable et...

Elle tourna la tête vers moi et pris mes mains entre les siennes en gardant les yeux rivés aux miens.

— Arrête de te prendre la tête, Skye. Je sais déjà tout.

J'eus un hoquet de surprise. Tout ? Comment pouvait-elle le savoir ?

— Vraiment ?

— L'ami de Lane t'a vu dans le parking, dans les bras de cet homme. "Ils ont l'air proches" nous a-t-il dit. Tu sais, je ne t'en veux pas de ne pas être revenue après. Je suis retournée à la voiture, j'ai vu la pochette et tes chaussures. Bien sûr, je me suis inquiétée penses-tu. Mais, j'ai compris qu'il fallait que je te laisse prendre du bon temps. Après tout, toi plus que quiconque a le droit à ces petits moments de plaisir.

J'écarquillai les yeux face à ce qu'elle venait de me dire. J'en n'en croyais pas un seul mot. Tout d'abord, j'étais surprise qu'elle pense que mon agression n'était simplement que du pelotage. Ensuite, je pris conscience qu'il y avait eu un témoin. Peut-être qu'avec un peu de chance il avait vu mon agresseur, qu'il pourrait l'identifier. Mais avant de me jeter sur cette information cruciale, je devais clarifier le quiproquo.

Le goût d'une morsure : La Marqueحيث تعيش القصص. اكتشف الآن